Tuberculose
Traitement et prévention


    - Retour au sommaire

RECOMMANDATIONS GENERALES

Il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures destinées à diminuer le risque de transmission de la tuberculose dans les lieux de soins et notamment les hôpitaux car :

- on a observé une stabilisation depuis 1989, puis une augmentation transitoire du nombre de cas déclarés de tuberculose en 1992 en France et plus particulièrement dans certaines régions ; cette augmentation est en partie liée à l'épidémie d'infections par le V.I.H., [l]

- la transmission de la tuberculose est interhumaine, principalement par voie aérienne, par l'intermédiaire d'aérosols infectés produits par un malade contagieux,

- les patients séropositifs au V.I.H. sont particulièrement à risque de développer une tuberculose par réactivation d'une infection ancienne ou par évolution rapide vers la maladie d'une infection acquise au contact d'un patient infecté contagieux,

- le regroupement dans les mêmes services hospitaliers de patients immunodéprimés réceptifs et de patients tuberculeux créent les conditions favorables à la survenue d'épidémies de tuberculose nosocomiale dans les lieux de soins,

- certaines manœuvres fréquemment pratiquées chez les sujets suivis pour infection par le V.I.H. (aérosols de pentamidine, expectoration induite) favorisent la diffusion du bacille tuberculeux par production à l'expiration de gouttelettes infectées,

- la transmission nosocomiale de la tuberculose existe ; plusieurs épidémies de tuberculose nosocomiale à bacilles multirésistants aux antituberculeux ont été observées aux U.S.A. depuis 1988, essentiellement chez des patients infectés par le V.I.H. Dans ces épidémies plusieurs membres du personnel ont été concernés par l'infection qui s'est révélée plus grave chez les personnels séropositifs pour le V.I.H., [2].
Une épidémie de tuberculose nosocomiale multirésistante à M. bovis a été observée en France de 1989 à 1991, dans un hôpital parisien, touchant 6 malades atteints de sida et un membre du personnel médical [3],

- l'investigation de ces épidémies a montré que le risque de transmission nosocomiale est plus grand et plus dangereux en cas de bacille résistant aux antituberculeux car, dans cette situation, la mise au traitement ne réduit pas la période de contagiosité,

- des épidémies de tuberculose sensible ont aussi été observées [4].
Elles sont plus difficiles à mettre en évidence et sont donc très certainement sous-estimées. Des techniques biologiques nouvelles qui permettent de typer les souches avec précision (R.F.L.P., champ pulsé) devraient permettre de mieux estimer leur importance, [5] [6]

- les mesures destinées à réduire la transmission aérienne de la tuberculose ne sont plus régulièrement appliquées dans les hôpitaux depuis l'ère de l'antibiothérapie et de la régression de l'incidence. Il est donc impératif de réhabiliter des dispositions visant à prévenir le risque de transmission de la tuberculose dans les hôpitaux. La plupart sont simples et efficaces.

Celles-ci reposent sur 4 ordres de mesures [7] [4] :

Dépistage de l'infection et chimioprophylaxie

Elle est effectuée particulièrement chez les sujets infectés par le V.I.H., les autres sujets immunodéprimés, et le personnel soignant et de laboratoire. Cet objectif repose sur la pratique des tests cutanés tuberculiniques et sur le traitement préventif de ceux qui sont à risque de développer une tuberculose active.
Dans cette optique, il est recommandé de pratiquer un test cutané tuberculinique intradermique (I.D.R. à 10 unités) chez les patients infectés par le V.I.H. lors des premières consultations, avant le stade d'immunodépression franche (CD 4 > 200/mm3). Un test positif (supérieur à 10 mm) est en faveur d'une infection par le bacille tuberculeux et préjuge d'un risque de développement ultérieur d'une tuberculose active par réactivation. Dans ce cas, une vigilance particulière s'impose pour le praticien et le patient qui doit être informé du risque de tuberculose ultérieure.

Le dépistage sera renforcé chez les personnels soignants, particulièrement ceux qui ont en charge des patients tuberculeux et des sujets infectés par le V.I.H.
La chimioprophylaxie est le sujet d'un débat entre la chimioprophylaxie classique par l'I.N.H., largement utilisée en Amérique du Nord, incomplètement efficace et probablement à risque d'influencer la résistance et une alternative par une association de courte durée type rifampicine + pyrazinamide, plus bactéricide, actuellement en cours d'évaluation dans plusieurs essais, mais qui ne peut donc pas faire l'objet de recommandations actuellement.

Identification précoce et traitement des patients atteints de tuberculose active

Des dispositions doivent être prises pour obtenir le diagnostic rapide, l'isolement et le traitement des sujets avec tuberculose active.
Le diagnostic peut être retardé par absence de vigilance ou en raison d'une présentation atypique, en particulier chez les patients V.I.H. positifs (test tuberculinique négatif, faible sensibilité des examens de crachats, mélange de positivité avec M. avium...).

Les principaux éléments d'orientation diagnostique sont les tests tuberculiniques et la radio de thorax, mais l'essentiel repose sur la bactériologie : frottis et culture de 3 à 5 échantillons de crachats obtenus à des jours différents, 30 à 70 % des patients avec une tuberculose active ont des frottis de crachats positifs au direct. Les patients immunodéprimés ont moins fréquemment des frottis positifs, probablement en raison de la moindre fréquence des images cavitaires. Le résultat de l'examen direct doit être rendu dans les 24 heures après le prélèvement, de préférence par téléphone. L'identification de la mycobactérie demande une durée de 3 à 8 semaines par les techniques conventionnelles. Des techniques rapides plus récentes (cultures radiométriques et techniques génétiques) permettent d'accélérer la détection et l'identification des souches. Leur intérêt semble considérable pour la détection rapide des souches résistantes.

Un antibiogramme sera réalisé sur toutes les souches de M. tuberculosis, si possible à partir de la primo-culture pour obtenir des résultats plus rapides. La mise en route d'un traitement quadruple bactéricide antituberculeux doit être entreprise après réalisation des examens bactériologiques, le plus rapidement possible, parfois sans preuve si la suspicion clinique est forte.
L'efficacité clinique du traitement entrepris dans ces conditions deviendra un véritable critère diagnostique. Le choix du traitement sera éventuellement modifié en prenant en compte les données bactériologiques locales, si la possibilité d'une infection par une souche polyrésistante existe.

Prévention de la transmission aérienne

Les sujets contagieux sont ceux qui ont une tuberculose pulmonaire ou laryngée. Il faut évaluer la "contagiosité" de la tuberculose ; celle-ci dépend du nombre de micro-organismes qui sont expirés dans l'air, dépendant :
- du site anatomique de l'infection ;
- de la présence de toux ou de manœuvres expiratoires forcées ;
- de la présence de B.A.A.R. dans les crachats au direct ;
- de la volonté et de la capacité du sujet à couvrir sa bouche en toussant ;
- de l'existence d'une excavation ;
- de la durée d'une antibiothérapie efficace ;
- de la durée des symptômes ;
- des procédures susceptibles d'augmenter la toux (expectoration induite, aérosols de pentamidine, fibroscopie bronchique...).

La contagiosité des patients V.I.H. + paraît identique à celle des autres patients. L'administration d'une antibiothérapie efficace réduit la toux, diminue le volume de l'expectoration et le nombre de micro-organismes dans l'expectoration. La durée de la contagiosité après mise en route d'un traitement efficace est variable. En cas de traitement efficace, la contagiosité est très rapidement diminuée et considérée comme nulle après 2 à 3 semaines, associée à une réponse clinique et bactériologique (réduction de la toux, résolution de la fièvre et diminution du nombre de B.A.A.R. sur les frottis). On admet habituellement que la contagiosité a disparu quand les frottis sont négatifs pendant 3 jours consécutifs chez un patient sous traitement efficace. Les malades dont les frottis de crachats sont négatifs au direct mais les cultures positives sont peu ou pas contagieux. Cependant, le risque de transmission est possible surtout lorsqu'il existe une toux importante et il faudra tenir compte de la susceptibilité particulière des sujets séropositifs par le V.I.H. Dans ces situations, la mise en œuvre des précautions respiratoires doit être discutée au cas par cas.

Les précautions à type de précautions respiratoires seront mises en œuvre dans 3 ordres de circonstances :
- à la suspicion diagnostique de tuberculose active contagieuse jusqu'à ce que celle-ci soit éliminée (c'est à ce stade avant traitement que le risque de transmission est maximum) ;
- en cas de tuberculose active contagieuse, c'est-à-dire lorsque les prélèvements respiratoires directs sont positifs pour le bacille tuberculeux (B.A.A.R. présents dans les crachats ou les tubages) et jusqu'à la négativation de ceux-ci sur 3 prélèvements successifs, en moyenne 2 à 3 semaines après la mise en route d'un traitement efficace pour une souche sensible ;
- lors de certaines procédures à risque de déclencher la toux et des mouvements expiratoires favorisant l'excrétion aérienne de bacilles tuberculeux : aérosols (en particulier pentamidine, qui sont formellement interdits en cas de tuberculose active) et expectoration induite.

Les précautions respiratoires simples sont les suivantes :
- chambre seule, porte fermée ;
- les déplacements du patient hors de sa chambre sont limités et imposent le port du masque ;
- toute personne qui entre dans la chambre porte un masque ;
- l'aération de la chambre doit être suffisante, avec un minimum de 6 renouvellements horaires pour les hôpitaux climatisés. Dans ce cas, l'air ventilé est évacué vers l'extérieur après filtration, sans recirculation dans les parties communes de l'établissement. Dans les hôpitaux non climatisés, l'aération sera obtenue par l'ouverture fréquente de la fenêtre, porte fermée.

Quant à l'utilisation des chambres à pression négative par rapport au couloir et aux parties communes, elle pourrait être à réserver, après évaluation, aux formes les plus contagieuses avec souche résistante. Lorsque cela n'est pas possible, il est impératif de maintenir la porte fermée et de faire porter un masque au malade si elle doit être ouverte :
- les personnes proches des patients tuberculeux, surtout s'ils sont infectés par le V.I.H., doivent être informées du risque de transmission respiratoire de M. tuberculosis et éviter les visites pendant la phase initiale du traitement ;
- les mêmes précautions doivent être prises dans les pièces où l'on pratique les aérosols de pentamidine, les expectorations induites et les fibroscopies bronchiques, pour tous les patients.

Les masques à utiliser sont détaillés dans le chapitre suivant (la place des masques).

Surveillance de la tuberculose dans l'établissement

La surveillance des cas de tuberculose dans chaque établissement est indispensable et sera réalisée par la conjonction des données de la déclaration obligatoire, qu'il faut stimuler localement, et du laboratoire de bactériologie. On instaurera aussi une surveillance de la résistance des souches de M. tuberculosis vis-à-vis des antituberculeux. Ces données cliniques, épidémiologiques et bactériologiques seront étudiées localement par le C.L.I.N. et transmises au niveau national au Centre national de référence. D'autres enquêtes seront nécessaires pour évaluer la transmission nosocomiale de la tuberculose dans l'établissement : enquête épidémiologique, clinique et bactériologique sur les cas prouvés bactériologiquement et surveillance du personnel soignant chez lequel l'incidence de la tuberculose sera régulièrement évaluée.

Il faut insister sur l'importance de l'enquête à réaliser dans les plus brefs délais autour d'un cas de tuberculose contagieuse.
Ces mesures sont à mettre en œuvre dans tous les établissements de soins et dans tous les services, et plus particulièrement dans les services de maladies infectieuses, de pneumologie et dans les services où sont pris en charge les patients infectés par le V.I.H.

Leur mise en œuvre suppose une action soutenue d'information et de formation des personnels, la mobilisation du C.L.I.N., l'étude de la ventilation aérienne dans l'établissement, l'acquisition de masques efficaces en quantité suffisante, l'amélioration de la gestion des données bactériologiques, notamment l'information des laboratoires à grosse activité ; le nombre de chambres seules disponibles, particulièrement dans les services de pneumologie et de maladies infectieuses, devra être revu en conséquence.

    - Références bibliographiques
    - Retour au sommaire


Mise à jour le 20 août 1997 CONTACTS Contacts