Tests rapides d’orientation et de diagnostic du VIH en CDAG : impact sur le rendu des autres sérologies et intérêt de la mise en place de mesures de rappel des consultants perdus de vue

// Rapid tests for the diagnosis of HIV infection in free and anonymous screening consultations in France: consequences on concomitant serologies feedback and usefulness of recalling patients lost to follow-up

Thierry Prazuck1 (thierry.prazuck@chr-orleans.fr), Elodie Ducasse1,2, Etienne Huard3, Anne Languille1, Florence Sandberg1, Jérôme Guinard1, Aurélie Theillay1, Laurent Hocqueloux1
1 Centre hospitalier régional, Orléans, France
2 Comité de coordination régionale de lutte contre le VIH (Corevih) Centre et Poitou-Charentes, Tours, France
3 Centre hospitalier de Blois, France
Soumis le 31.01.2013 / Date of submission: 01.31.2013
Mots-clés : VIH | TROD | Perdus de vue | CDAG | Infections sexuellement transmissibles | France
Keywords: HIV | Rapid tests | Lost to Follow-up | Free and anonymous screening consultations | Sexually transmitted infections | France

Résumé

Les tests rapides d’orientation et de diagnostic (TROD) VIH sont recommandés dans le dépistage de l’infection VIH « hors les murs ». Leur utilisation en CDAG/CDDIST peut favoriser la demande mais pourrait affecter le rendu des résultats des autres tests réalisés de manière concomitante, dans la mesure où celui-ci est plus tardif.

Les objectifs de cette étude étaient : i) mesurer l’impact de l’introduction des TROD sur le rendu des résultats des autres infections dépistées et ii) mesurer l’impact de la mise en place de mesures de rappel téléphonique (envoi de SMS ou appel) des consultants sur le nombre de résultats non rendus après réalisation d’un TROD VIH. Ce travail a débuté en avril 2011 et s’est déroulé sur 15 mois, en deux phases successives, dans les CDAG/CDDIST d’Orléans et de Blois.

Durant la première phase, les TROD et des tests Elisa ont été proposés une semaine sur deux. Au total, 445 personnes ont été incluses (197 TROD ; 248 Elisa). Le taux de perdus de vue (PDV) pour le rendu du résultat VIH était significativement plus faible parmi les patients ayant bénéficié d’un TROD (0%) que parmi les patients ayant bénéficié d’une sérologie VIH classique (7,3%) (p<0,001), alors que le taux de PDV pour la remise des résultats des tests autres que celui du VIH était significativement plus élevé parmi les patients ayant bénéficié d’un TROD (19,8% versus 13,2% ; p=0,05).

Au cours de la seconde phase, un appel téléphonique direct au consultant, en cas de non-retour après un TROD, a permis de réduire le taux de PDV pour les autres sérologies à 10,2%.

L’utilisation des TROD en CDAG/CDDIST favorise l’accès au dépistage. Cependant, lorsque des tests de dépistage non rapides doivent être réalisés de manière concomitante, des mesures de rattrapage des consultants perdus de vue doivent être mise en œuvre.

Abstract

HIV rapid tests, or rapid point-of-care testing (POCT), are recommended for HIV screening, particularly in outreach programmes. Their use in free and anonymous HIV and STIs consultations, could improve access to HIV screening but could lead to an increased lost to follow-up (LFU) patients rate of other concomitant serologies as results are delayed according to the technique used.

The aim of the study was to compare the LFU rate for non HIV tests when HIV testing is performed using rapid POCT or standard Elisa technique. During a first phase, POCT and Elisa HIV tests were offered to patients alternatively on a week basis. During a second phase, corrective measures (SMS or phone call) were evaluated to reduce LFU rate.

This study started in April 2011 for a 15 month duration and was performed in the free and anonymous screening consultations of Orléans and Blois (France).

During the first phase, 445 patients were included (197 POCT, 248 Elisa). LFU rate for HIV testing was 0% with POCT and 7.3% for Elisa (p<0.001), whereas the LFU rate for concomitant serologies was significantly higher in the POCT group than in the HIV Elisa group (respectively 19.8% and 13.0%, p=0.05). In the second phase, only mobile phone call of patients non-returning was able to reduce the LFU rate to 10%.

HIV-rapid tests in free and anonymous HIV and STIs screening consultations encourage people to HIV testing. However, if non rapid tests for other STIs are needed, specific measures to control LTU need to be implemented.

Introduction

Le dépistage du VIH est un acte complexe s'accompagnant d'une consultation préalable d'information-conseil personnalisée (counseling), d'un prélèvement pour la détection des marqueurs virologiques de l'infection, si nécessaire, et d'une consultation médicale de remise des résultats du test, que ceux-ci soient négatifs ou positifs 1. Dans les consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG), les résultats du dépistage de l’infection à VIH sont généralement remis au consultant 3 à 15 jours après la consultation initiale.

Face au constat d’un retard au diagnostic encore très important et des bénéfices d’un dépistage précoce pour la personne et pour la collectivité depuis l’apparition de nouveaux moyens thérapeutiques, le Conseil national du sida (CNS), en 2006, et la Haute Autorité de santé (HAS), en 2009, ont formulé des recommandations pour mettre en œuvre une nouvelle stratégie de dépistage de l’infection à VIH visant à compléter le dispositif actuel 2.

Cette nouvelle stratégie se traduit notamment par la diversification des outils diagnostiques tels que les TROD (tests rapides d’orientation et de diagnostic) 3,4, qui s’intègrent parmi « les dispositifs diagnostiques médicaux utilisables de façon unitaire ou en petite série permettant de donner un résultat rapide et qui ne nécessitent pas de procédure automatisée ». Le TROD est réalisé à partir d’une gouttelette de sang prélevée au bout du doigt par une lancette et permet de rendre un résultat en moins de 2 minutes. Il permet d’éliminer une infection acquise depuis plus de trois mois alors que le test de dépistage classique (Elisa combiné), réalisé sur un prélèvement veineux, nécessite une technique au laboratoire mais permet d’éliminer une infection acquise plus de 6 semaines seulement avant la réalisation du test. Les TROD sont toutefois utilisés par les laboratoires depuis plus de 15 ans pour les plus anciens et ne représentent pas par eux-mêmes une nouveauté 5. C’est leur diffusion et leur utilisation « hors les murs » qui leur confère le statut de « nouvelle stratégie » dans le cadre d’une stratégie coût-efficace de dépistage de la population 6,7,8.

L’utilisation des TROD en CDAG est avant tout un « produit d’appel » destiné à inciter les personnes à se faire dépister et le coût unitaire du test est inférieur à la cotation B de la sérologie VIH classique. Or, un nombre significatif de personnes venant spontanément et volontairement réaliser un dépistage pour le VIH, les virus des hépatites B et C et les infections sexuellement transmissibles (IST) en CDAG ou en Centre d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CDDIST) ne reviennent jamais rechercher leurs résultats. À l’Hôpital Saint-Antoine (AP-HP), une étude réalisée en 2010 a montré que le taux de perdus de vue (PDV) était de 20,7% 9. De plus, dans le cadre des CDAG et de l’anonymat propre à ce dépistage, il n’est habituellement pas possible de recontacter ces consultants. L’utilisation du TROD en CDAG permet de rendre au consultant un résultat immédiat 9 mais peut également l’inciter à ne pas venir chercher l'ensemble des résultats.

Les objectifs de cette étude étaient donc doubles :

  • mesurer, dans le contexte d’anonymat des CDAG, l’impact de l’introduction des TROD sur le rendu des résultats des autres infections dépistées (virus des hépatites B et C, syphilis, recherche de Chlamydia trachomatis) ;
  • mesurer l’impact de la mise en place de mesures de rappel téléphonique des consultants sur le nombre de résultats non rendus après réalisation d’un TROD VIH.

Matériels et méthodes

Déroulement de l’étude

Cette étude a débuté en avril 2011 et s’est déroulée sur 15 mois, en deux phases successives dans les CDAG/CDDIST d’Orléans et de Blois où les consultations sont ouvertes sans rendez-vous, respectivement 5 jours par semaine entre 9h et 17h et 2 jours par semaine entre 9h et 14h.

Première phase

Les consultants inclus dans l’étude devaient avoir bénéficié d’un dépistage du VIH et de l'une au moins des infections suivantes : virus de l’hépatite B (VHB), virus de l’hépatite C (VHC), syphilis, Chlamydia trachomatis.

Une randomisation des semaines de dépistage a conduit à proposer au patient, une semaine sur deux, soit un test « classique » de dépistage du VIH soit un TROD VIH associé aux autres sérologies.

Un TROD était proposé, durant la semaine dédiée, à tout consultant ayant eu une dernière exposition à risque datant soit de moins de 6 semaines soit de plus de 3 mois.

Lorsque la dernière exposition à risque datait de moins de 6 semaines, la réalisation du TROD ou du test « classique » de dépistage VIH conduisait à proposer systématiquement au consultant un nouveau test de dépistage à distance. L’infirmière informait le consultant que le résultat obtenu renseignait uniquement sur les expositions à risque datant de plus de 3 mois.

Lorsque la dernière exposition à risque était comprise entre 6 semaines et 3 mois, seul le test « classique » de dépistage VIH était proposé en raison du risque de faux négatifs du TROD.

Lorsque la dernière exposition à risque datait de plus de 3 mois, aucun test supplémentaire n’était nécessaire lorsque le test de dépistage initial (test « classique » ou TROD) était négatif.

Tout consultant était libre de refuser le TROD après information sur la technique de réalisation du test ainsi que sur ses performances.

Un questionnaire standardisé relevant les caractéristiques démographiques (âge, sexe, origine géographique, profession), cliniques (présence de signes évocateurs d’IST) et comportementales (motifs de venue au CDAG, importance donnée aux différents tests, orientation sexuelle, type et date de la dernière exposition à risque) était renseigné pour chaque consultant. Chacun était informé des objectifs de l’étude et recevait une note d’information remise par l’infirmière.

Un consultant PDV était défini par son non-retour deux mois après la réalisation du test de dépistage.

Seconde phase

Un TROD était proposé systématiquement selon les critères précisés ci-dessus. L’objectif de cette phase était de vérifier si des facteurs organisationnels correctifs pouvaient réduire le taux de PDV.

Pour cela, il était demandé aux consultants (par le biais du questionnaire) s’ils acceptaient d’être recontactés par téléphone et, si oui, s’ils souhaitaient recevoir un SMS ou un appel téléphonique direct de la part de l’infirmière ou de la secrétaire du CDAG, notamment en cas de non venue au CDAG pour la remise des résultats. Cette mesure, appliquée lorsque le consultant ne s’était pas représenté au CDAG dans un délai d’un mois après sa consultation, avait pour objectif de mesurer l’impact des différents choix du consultant sur le taux final de PDV (deux mois après la réalisation du test de dépistage).

Le SMS envoyé ne mentionnait pas le motif de la consultation et était formulé ainsi : « Vous n’êtes pas venu chercher vos résultats d’analyse qui vous attendent au Service de Maladies Infectieuses du CHR. Compte tenu des conditions d’anonymat, il ne nous est pas possible de vous les faire parvenir pour que vous puissiez en prendre connaissance. Vous pouvez venir les chercher sans rendez-vous de 9h à 17h ».

Tests utilisés : INSTI® VIH-1/VIH-2 et Elisa

Le TROD réalisé sur place au CDAG par une infirmière était le test INSTI® VIH-1/VIH-2. Ce test de diagnostic rapide à usage unique est destiné à la détection des anticorps VIH-1/VIH-2 dans le sang total humain, le sérum ou le plasma. La durée totale du test peut varier légèrement selon le type d’échantillon mais les résultats des tests valides sont toujours clairement lisibles après une à deux minutes. Ce test présente une sensibilité de 99% 10.

Le test de dépistage classique du VIH utilisé était le test HIV Ag/Ab Combo®, Abbott. Le délai de rendu des résultats concernant les tests (VIH classique, sérologies pour VHB, VHC, syphilis, et recherche de Chlamydia trachomatis) variait de 4 à 10 jours. De plus, compte tenu de délais plus longs de réalisation de la PCR Chlamydia trachomatis (pour des raisons d’organisation technique du laboratoire), il pouvait arriver de demander au consultant de revenir chercher ce résultat ultérieurement, ce qui était susceptible d’augmenter le nombre de PDV pour la remise de ce dernier résultat.

Analyse statistique

Le nombre de sujets nécessaires a été déterminé par la comparaison de deux proportions binomiales basée sur l’hypothèse, s’appuyant sur les données de la littérature, de 20% de PDV 9 dans le fonctionnement habituel d’un CDAG. Considérant qu’une augmentation de ce taux de 20% à 30% du fait de l’utilisation des TROD aurait un impact significatif en matière de santé publique, le nombre de sujets nécessaires était de 189 par type de test (classique ou TROD). Une analyse descriptive et comparative des données a été réalisée au moyen des logiciels Excel® et R®.

Au cours de la première phase, les taux de PDV dans les deux groupes « TROD » et « sérologie VIH classique » ont été comparés. Dans la deuxième phase, nous avons comparé le taux de PDV des consultants ayant eu un TROD entre la première et la seconde phase en fonction des stratégies correctrices utilisées (refus d’appel, SMS, appel téléphonique).

Afin de comparer les résultats des consultants PDV ou non, un test du Chi2 a été utilisé pour comparer les pourcentages, et un test de Wilcoxon Mann-Whitney pour comparer les médianes. L’ensemble des tests statistiques étaient bilatéraux et effectués au seuil de 5%. Une régression logistique a été réalisée pour éliminer les facteurs de confusion afin de déterminer les variables indépendamment associées au risque de PDV.

Résultats

Première phase de l’étude

Au total, 445 consultants (250 hommes et 195 femmes) d’âge moyen de 28 ans (extrêmes : 17-57) ont été inclus à la première phase de l’étude : 197 ont bénéficié d’un TROD et 248 d’une sérologie classique. Ces deux populations n’étaient pas significativement différentes en termes d’âge (23 ans versus 24 ans), de sexe, d’origine géographique et d’orientation sexuelle.

Parmi ces 445 consultants, 72 (16,2%) ont été perdus de vue, c'est-à-dire qu’ils n’étaient pas venus chercher leurs résultats (VIH ou autres dépistages) au CDAG deux mois après la réalisation du test.

Le taux de PDV pour le rendu du résultat VIH était significativement plus faible parmi les patients ayant bénéficié d’un TROD (0% ; 0/197) que parmi les patients ayant bénéficié d’une sérologie VIH classique (7,3% (18/248) (p<0,001)). À l’inverse, le taux de PDV pour la remise des résultats des dépistages autres que celui du VIH était significativement plus élevé parmi les patients ayant bénéficié d’un TROD (19,8% (39/197) versus 13,2% (33/248) ; p=0,05).

En analyse univariée, les consultants PDV pour la remise des résultats des dépistages autres que celui du VIH étaient significativement plus jeunes et ressentaient moins de signes évocateurs d’IST que les consultants revenant chercher leurs résultats. De plus, ces patients avaient plus fréquemment bénéficié d’un test de dépistage du VIH de type TROD (58,3% versus 45,0%) et accordaient moins d’importance aux résultats de ces analyses (p<0,001) (tableau 1). En analyse multivariée, les facteurs indépendamment associés au risque de PDV étaient l’importance accordée aux résultats et la présence de signes évocateurs d’IST (tableau 1). Le fait d’avoir bénéficié d’un TROD du VIH n’était plus associé au risque de PDV. En revanche, il n’existait pas de différence significative entre les consultants PDV et ceux revenant chercher leurs résultats concernant le sexe, le taux d’utilisation des préservatifs, l’orientation sexuelle et la date de dernière exposition à risque (tableau 1).

Tableau 1 : Facteurs associés au statut de perdu de vue du consultant pour la remise des résultats des dépistages autres que celui du VIH au cours de la première phase de l’étude, CDAG d’Orléans et de Blois, France, 2011-2012
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Au total, 445 tests pour l’infection à VIH (sérologies « classiques » et TROD), 386 sérologies pour le VHB, 239 PCR pour C. trachomatis, 147 sérologies pour le VHC et 143 sérologies pour la syphilis ont été réalisés. Un seul consultant (0,2%) présentait une sérologie VIH positive, 27 (11,3%) présentaient une PCR C. trachomatis positive, 15 (4,2%) étaient porteurs de l’Ag HBs, 5 (3,5%) présentaient une sérologie syphilis positive (Elisa+VDRL+) et aucun consultant n’était infecté par le VHC.

Le nombre de résultats positifs non rendus aux consultants sur l’ensemble de la première phase était de 0 pour le VIH, 10 pour C. trachomatis, 1 pour le VHB et 1 pour la syphilis (tableau 2). Le tableau 2 montre la fréquence des consultants PDV et le nombre de résultats positifs non rendus par type d’infection dépistée selon la réalisation ou non d’un TROD VIH en première phase. Le taux de résultats positifs non rendus variait de 0% (TROD VIH) à 21% (PCR C. trachomatis chez un sujet ayant réalisé un TROD).

Tableau 2 : Fréquence de consultants perdus de vue (PDV) et nombre de résultats positifs non rendus (+ NR) par type d’infection dépistée selon la réalisation ou non d’un TROD VIH en première phase de l’étude, CDAG d’Orléans et de Blois, France, 2011-2012
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Le taux de PDV pour la remise des résultats des dépistages autres que celui du VIH était significativement plus élevé parmi les patients ayant bénéficié d’un TROD (19,8% versus 13,2% ; p=0,05) (tableaux 1 et 2). En revanche, la proportion de résultats positifs non rendus parmi les consultants PDV était 2 fois plus faible chez les consultants ayant bénéficié d’un TROD VIH en première phase (10,2% [4/39]) que chez les consultants ayant bénéficié d’une sérologie classique (24,2% [8/33]) et concernait exclusivement des résultats pour C. trachomatis.

Le tableau 3 présente les facteurs associés au non rendu d’un résultat (positif ou négatif) selon le type de test de dépistage VIH réalisé (TROD ou sérologie classique). La distance plus importante pour revenir au CDAG ainsi que l’importance donnée au résultat du test VIH apparaissaient comme les seuls facteurs significativement associés à une majoration du taux de PDV.

Tableau 3 : Facteurs pouvant être associés à un risque majoré de non rendu des résultats de l’ensemble des tests pratiqués selon la pratique ou non du TROD pour le VIH. Étude dans les CDAG d’Orléans et de Blois, France, 2011-2012
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Seconde phase de l’étude

Au cours de la seconde phase, 200 consultants ayant eu un TROD VIH associé à d’autres dépistages ont été inclus de façon prospective. Dans cette seconde phase, le taux global de PDV avant intervention (envoi du SMS ou appel téléphonique) était supérieur (28% [56/200]) à celui retrouvé parmi les patients inclus dans la première phase de l’étude (19,8%), mais cette différence n’était pas statistiquement significative (p=0,06).

La figure 1 présente le taux global de PDV chez les personnes ayant refusé tout rappel et chez celles ayant accepté d’être rappelées, et le taux de PDV selon le mode de rappel souhaité préférentiellement (SMS ou appel téléphonique direct sur un portable). Le risque de non rendu d’un résultat apparaissait maximal chez les personnes refusant d’être recontactées (1 personne sur 3). Le taux de PDV des consultants ayant choisi la stratégie SMS est significativement inférieur (22,1%) aux taux de PDV des personnes ayant refusé tout contact (34,7%), mais il reste significativement supérieur au taux de PDV des consultants ayant bénéficié du test classique au cours de la première phase (13,3%) (p<0,05). En revanche, le taux de PDV des consultants ayant choisi d’être rappelés par un appel téléphonique (10,1%) est significativement inférieur aux taux de PDV des deux autres options proposées (p<0,01), mais n’est pas significativement différent du taux de PDV des consultants ayant bénéficié du test classique au cours de la première phase (13,3%). Au total, l’envoi de SMS aux consultants PDV a été efficace pour 8/29 (27,5%) d’entre eux. Le rappel téléphonique aux consultants perdus de vue a été efficace pour 5/11 (45,4%) d’entre eux.

Figure 1 : Résultats des stratégies correctrices pour la réduction du nombre de résultats non rendus après réalisation d’un TROD VIH. Étude dans les CDAG d’Orléans et de Blois, France, 2011-2012
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Discussion

Au cours de la période d’étude, 100% des résultats pour le VIH des 197 TROD réalisés ont été remis aux consultants, contre 92,7% chez les consultants ayant eu une sérologie classique (p=0,01). Ce taux de 92,7% de rendu de résultats pour le dépistage du VIH après un test Elisa classique est cependant supérieur à celui observé dans certains CDAG de la région parisienne. À l’hôpital Saint-Antoine, il n’était que de 78% avant l’introduction des TROD en 2009, et 71% en 2008 9. Il est possible que la durée d’ouverture plus large du CDAG d’Orléans, sur des plages de huit heures sans interruption, ait pu faciliter le retour des consultants. Après l’introduction des TROD au CDAG du Centre hospitalier régional d’Orléans et l’information qui a été diffusée dans les médias, le nombre annuel de consultants pour un dépistage VIH a augmenté de 14%, passant de 1 240 à 1 420. La réalisation du TROD VIH présente deux avantages par rapport au test Elisa : simple à réaliser, il ne nécessite pas de laboratoire et permet de rendre un résultat immédiat pouvant inciter la population à se faire tester.

Nous nous sommes focalisés sur la population des consultants chez qui au moins deux tests étaient réalisés (VIH et une autre sérologie ou PCR), excluant de ce fait les personnes ne souhaitant, après information complète, que le test VIH, dans la mesure où l’objectif de l’étude était de comparer le risque de non rendu des résultats des autres tests réalisés. Seuls 11% des consultants de notre centre ne bénéficient que d’une sérologie VIH isolée, sans autres analyses.

Les caractéristiques des personnes PDV étaient peu différentes de celles venues chercher leur résultat, hormis sur l’impression de ressentir des symptômes évoquant une IST (mais il s’agissait d’un effectif réduit de consultants), le fait de douter du statut sérologique de son partenaire et d’accorder plus d’importance au résultat des analyses pratiquées. Il est donc difficile d’identifier une population plus susceptible de devenir PDV sur ces caractéristiques.

L’étude a montré que la réalisation du TROD VIH sans mesure d’accompagnement était susceptible de limiter le rendu des résultats des autres analyses effectuées, puisque 13,2% des consultants ayant eu une sérologie Elisa ne sont pas revenus chercher au moins un des résultats, comparé aux 19,8% de ceux ayant bénéficié d’un TROD VIH. Néanmoins, l’utilisation du TROD n’est, semble-t-il, pas directement en cause, de façon indépendante. On peut émettre l’hypothèse que les consultants ayant un doute sur leur santé ou leur(s) partenaire(s) et accordant plus d’importance au résultat du test VIH aient préféré avoir un test classique Elisa, lui faisant plus confiance dans la validité du résultat face à un nouveau dispositif de dépistage.

Il est surprenant, néanmoins, de constater que le nombre de tests positifs non rendus était significativement plus important chez les personnes ayant eu la sérologie VIH classique. Il est difficile de dresser une hypothèse devant des effectifs sans doute insuffisants dans ce sous-groupe de consultants.

Il convient de souligner la fréquence de la positivité des tests pour C. trachomatis : 11% dans une population jeune d’hommes aussi bien que de femmes. Cette prévalence est très supérieure aux données nationales (1,5%) 11, mais reste comparable à celle retrouvée en France chez les personnes ayant des comportements à risque (i.e. multipartenariat) 12. La nature asymptomatique de cette infection, couplée à la méconnaissance de la maladie, conduit le consultant à minimiser l’importance du résultat qui est oublié, notamment si le délai de rendu du résultat est repoussé. Un peu moins d’un résultat positif sur 2 n’étant pas rendu, le consultant n’est pas traité et continue à transmettre C. trachomatis à ses partenaires, d’autant que, parmi les consultants de cette étude, 71% reconnaissaient avoir des rapports non protégés. L’organisation même des CDAG/CDDIST mérite d’être à cet égard adaptée. Il convient de s’interroger sur la validité d’un dispositif de dépistage qui est incapable, par son caractère anonyme, de rendre près d’un résultat positif sur 2 pour certaines analyses. L’anonymat, qui facilite l’accès au dépistage, ne devrait-il pas concerner seulement l’enregistrement administratif de la personne dans la structure de soins, et pouvoir être, au moins partiellement, levé de manière à ce que le personnel soignant puisse assurer le suivi du rendu des résultats ?

Au cours la seconde phase de notre étude, la levée partielle de l’anonymat, par la mise à disposition volontaire auprès de l’infirmière du numéro de téléphone du consultant, démontre la validité d’une telle stratégie pour réduire le taux de non rendu des résultats. Il est intéressant de constater que les personnes refusant d’être recontactées sont significativement plus à risque d’être perdues de vue que celles acceptant de l’être. Il apparaît que le rappel téléphonique de la personne, par l’infirmière du CDAG, a plusieurs avantages : assurer une confidentialité et réduire de façon majeure le risque de PDV.

Néanmoins, il convient de souligner l’introduction d’un biais au cours de la seconde phase de l’étude : la proposition du choix de rappel a possiblement sélectionné des populations différentes pour chacune des options. Il est ainsi possible que les consultants ayant opté pour le rappel téléphonique direct soient moins à risque d’être PDV que les consultants ayant fait un autre choix.

À l’issue de cette étude et à la lumière de ses résultats, le personnel infirmier du CDAG propose désormais une stratégie de type « Opt-out ». Elle consiste à demander le numéro de téléphone du consultant de façon systématique sans lui proposer les options (pas de rappel, SMS ou appel téléphonique : stratégie de type « Opt-in »). Il apparaît dès lors que 96% des consultants acceptent spontanément de donner leur numéro de téléphone : entre janvier et mars 2013, 344 patients sont venus se faire dépister pour au moins deux tests, dont un test VIH. Vingt-neuf consultants, après rappel téléphonique à un mois, ne sont pas revenus, soit un taux de PDV de 8% (non rendu du résultat pour au moins un test réalisé).

Dans ce contexte et avec cette organisation, l’utilisation des TROD VIH n’a pas d’effet délétère sur le rendu des résultats des autres tests réalisés en CDAG/CDDIST, si les tâches de suivi des dossiers des consultants PDV et leur rappel peuvent être assurées par le personnel des centres.

Conclusion

L’utilisation des TROD VIH annule le risque de non rendu du résultat du test VIH et augmente ainsi de façon significative l’efficience des CDAG. Cependant, son utilisation est associée à une augmentation de non rendu des résultats des autres dépistages réalisés de façon concomitante en CDAG/CDDIST. Le rappel par téléphone des personnes PDV permet de corriger cet écueil et pourrait être mis en place dans tout CDAG/CIDDIST. La diminution des PDV après réalisation de tests diagnostiques, quels qu’ils soient, dans un CDAG/CDDIST est un véritable enjeu médico-économique et invite à réfléchir à de nouvelles organisations.

L’utilisation de tests rapides multiplex, capables de délivrer un résultat simultané de plusieurs sérologies, associant notamment VIH, Ag HBs, Ac antiHBs et VHC pourrait, dans un avenir proche, constituer une solution alternative si leurs performances se montrent suffisantes pour une utilisation en routine en CDAG/CDDIST.

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Citer cet article

Prazuck T, Ducasse E, Huard E, Languille A, Sandberg F, Guinard J, et al. Tests rapides d’orientation et de diagnostic (TROD) en CDAG : impact sur le rendu des autres sérologies et intérêt de la mise en place de mesures de rappel des consultants perdus de vue. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(30):369-76.