Séroprévalence des maladies à prévention vaccinale et de cinq autres maladies infectieuses en France. Résultats de deux enquêtes nationales 2008-2010

Seroprevalence of vaccine-preventable diseases and five other infectious diseases in France. Results of two national surveys 2008-2010

Agnès Lepoutre (a.lepoutre@invs.sante.fr), Denise Antona, Laure Fonteneau, Fangqin Halftermeyer-Zhou, Claire Baudon, Frédérique Dorléans, Yann Le Strat, Daniel Lévy-Bruhl

Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 10.07.2013 // Date of submission: 07.10.2013
Mots-clés : Enquête séro-épidémiologique | Maladie infectieuse | Programme de vaccination | France
Keywords: Seroepidemiologic studies | Communicable diseases | Immunization programs | France

Résumé

Objectifs –

Déterminer le statut sérologique de la population de France métropolitaine âgée de 1 à 6 ans et de 6 à 49 ans vis-à-vis de la rougeole, des oreillons, de la rubéole, de l’hépatite A, de l’hépatite E, de la toxoplasmose, des infections à herpès virus de type 1 et 2 (HSV1 et HSV2) et des infections à cytomégalovirus (CMV).

Matériel et méthodes –

Les patients ont été inclus au cours de deux enquêtes : les enfants de 1 à 6 ans ont été inclus dans 76 hôpitaux tirés au sort à l’issue d‘un sondage à 2 degrés (enquête Saturn-Inf) et les personnes de 6 à 49 ans ont été incluses dans 124 laboratoires tirés au sort à l’issue d‘un sondage à 2 degrés (enquête Séro-Inf). Les sérologies ont été réalisées par le même laboratoire pour les deux enquêtes. Les estimations ont été pondérées par le poids de sondage et redressées selon l’âge, le sexe et l’interrégion de résidence des personnes incluses dans chacune des deux enquêtes.

Résultats –

1 617 enfants de 1 à 6 ans (enquête Saturn-Inf 2008-2009) et 5 300 patients de 6 à 49 ans (enquête Séro-Inf 2009-2010) ont été inclus.

Les proportions de sujets réceptifs vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole étaient respectivement de 10%, 15% et 11% chez les enfants de 1 à 6 ans, de 8%, 14% et 8% chez les sujets de 6-29 ans et de 1%, 6% et 5% chez ceux âgés de 30-49 ans.

La proportion de séropositifs chez les enfants de 1 à 6 ans était de 3% vis-à-vis du VHA, 1% vis-à-vis de la toxoplasmose, 13% vis-à-vis de l’HSV1 et 0,3% vis-à-vis de l’HSV2 ; chez les 6-49 ans, elle était de 26% vis-à-vis du VHA, 5% vis-à-vis du VHE et 38% vis-à-vis de la toxoplasmose ; elle était de 42% vis-à-vis du CMV chez les 15-49 ans ; elle augmentait entre l’âge de 6-8 ans et celui de 18-19 ans de 23% à 42% vis-à-vis de l’HSV1 et de 1% à 5% vis-à-vis de l’HSV2.

Conclusion –

La proportion de sujets réceptifs vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole parmi les moins de 30 ans reste élevée en France (≥7%), permettant la survenue d’épidémies de rougeole ou d’oreillons. Ces résultats suggèrent aussi une diminution de l’exposition vis-à-vis de l’hépatite A et de la toxoplasmose chez les personnes nées après 1980.

Abstract

Objectives –

To assess the seroprevalence of measles, mumps, rubella, hepatitis A (HVA) and E (HVE), toxoplasmosis, herpes simplex virus 1 and 2 (HSV1 and 2) and cytomegalovirus (CMV) antibodies in the 1 to 49 years-old population of metropolitan France.

Methods –

Children aged 1 to 6 years were included in 76 randomly selected hospitals using a two stage sampling design (Saturn-Inf survey, 2008-2009) and persons aged 6 to 49 years were included in 124 randomly select outpatient laboratories using a two stages sampling design (Sero-Inf survey, 2009-2010). A single laboratory performed the serological tests for all samples. Sampling weights were associated to each individual calculated as the inverse of the probability of inclusion in each of the two surveys, and estimates were adjusted by post-stratification weights using data from the French population census.

Results –

1,617 children aged 1 to 6 years and 5,300 persons aged 6 to 49 years were included in the Saturn-Inf and Sero-Inf surveys, respectively.

The percentages of measles-, mumps- and rubella-susceptibility were respectively: 10%, 15% and 11% in the 1-6 years old, 8%, 14% and 8% in the 6-29 years old, and 1%, 6% and 5% in the 30-49 years old.

The percentages of seropositive in children aged 1-6 years were: 3% to HVA, 1% to toxoplasmosis, 13% to HSV1 and 0,3% to HSV2; in persons aged 6 to 49 years, it was 26% to HVA, 5% to HVE and 38% to toxoplasmosis. It was 42% to CMV in the 15 to 49 years old; it increased between those aged 6 to 8 years and 18 to 19 years from 23% to 42% to HSV1 and from 1% to 5% to HSV2.

Conclusion –

The percentage (over 7%) of measles, mumps and rubella-susceptibility in those under the age of 30 remains high and causes outbreaks of mumps and measles in France. These results suggest a decrease in exposure to HVA and toxoplasmosis in those born after 1980.

Introduction

La séroprévalence (ou prévalence des anticorps) reflète la fréquence et la précocité de l’exposition à un agent infectieux dans la population et, pour les maladies évitables par la vaccination, elle contribue à mesurer l’impact de la vaccination. Une première enquête a mesuré, en 1998, la séroprévalence de maladies à prévention vaccinale dans la population française, dont celles de la rougeole, de la rubéole, des oreillons et de l’hépatite A. Elle montrait une immunité insuffisante vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole chez les enfants et les adolescents, ne permettant pas l’interruption de la circulation de ces trois virus 1. Depuis, les recommandations de vaccination par le vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole (ROR) ont évolué (en 2005, abaissement de l’âge de la 2e dose à 13-24 mois et vaccination de rattrapage pour les sujets nés depuis 1980), et la France s’est engagée dans un plan d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale visant notamment à réduire, à l’horizon 2010, la réceptivité vis-à-vis de la rougeole à moins de 15% chez les enfants de moins de 5 ans, 10% chez les enfants de 5 à 10 ans et 5% au-delà de 10 ans 2.

Plus de dix ans après l‘enquête de 1998, il était nécessaire d’estimer à nouveau la séroprévalence des maladies à prévention vaccinale pour mesurer les évolutions du profil de réceptivité de la population française vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole, en fonction notamment de ces modifications et de l’évolution de la couverture vaccinale. Il a aussi été décidé de compléter les informations disponibles par la mesure de la séroprévalence d’autres maladies infectieuses, afin d’orienter des mesures de prévention et/ou estimer leur fréquence en l’absence d’autres sources de données. Les autres infections retenues pour cette étude ont été l’hépatite A et la varicelle, maladies évitables par la vaccination mais qui ne font pas l’objet d’une recommandation de vaccination généralisée, la toxoplasmose et l’infection à cytomégalovirus (CMV) qui représentent un risque particulier chez la femme enceinte, les infections à herpès de type 1 et de type 2 (HSV1 et HSV2) et l’hépatite E, infections pour lesquelles peu d’informations sont disponibles.

En raison de la difficulté à recruter de jeunes enfants pour ce type d’enquête nécessitant un prélèvement sanguin, la séroprévalence vis-à-vis de ces infections a été estimée au cours de deux enquêtes nationales différentes. La première enquête (Saturn-Inf) a été réalisée auprès d’enfants hospitalisés âgés de 1 à 6 ans en 2008-2009. Elle a porté sur la prévalence du saturnisme et la séroprévalence vis-à-vis de la rougeole, des oreillons, de la rubéole, de la varicelle, de l’hépatite A, de la toxoplasmose, de l’HSV1 et de l’HSV2. La deuxième enquête (Séro-Inf) a été réalisée auprès d’enfants et d’adultes âgés de 6 à 49 ans se rendant dans un laboratoire d’analyse médicale en 2009-2010. Elle a porté sur la séroprévalence de la rougeole, des oreillons, de la rubéole, de la varicelle, de l’hépatite A, de l’hépatite E et de la toxoplasmose chez les 6-49 ans, ainsi que du CMV chez les 15-49 ans et de l’HSV1 et de l’HSV2 chez les 6-19 ans.

Cet article présente les estimations de séroprévalence nationales pour les maladies étudiées lors de ces deux enquêtes, à l’exception des résultats vis-à-vis de la varicelle, pour lesquels des analyses complémentaires sont nécessaires. Des analyses spécifiques aux différentes maladies compléteront cette publication.

Méthodes

Les deux enquêtes ont été réalisées auprès d’un échantillon de la population résidant en France métropolitaine.

La méthode de l’enquête Saturn-Inf a été décrite dans un article précédent présentant les résultats de la plombémie 3. En résumé, le volet infectieux de l’enquête a été mené dans 76 établissements hospitaliers, tirés au sort après stratification selon leur région d’implantation. Les enfants âgés de 1 à 6 ans hospitalisés, quelle qu’en soit la cause, étaient inclus par le personnel des services de pédiatrie de façon consécutive. Ils devaient résider en France métropolitaine, ne pas présenter de pathologie chronique ou d’immunodépression et ne pas avoir reçu des immunoglobulines (IgG) ou une transfusion dans les 6 mois précédant l’enquête. Un consentement écrit était demandé au parent accompagnant l‘enfant. Un questionnaire portant sur les caractéristiques socioprofessionnelles des parents et la couverture vaccinale vis-à-vis de la rougeole, de la rubéole, des oreillons, de l’hépatite A et de la varicelle a été documenté par le personnel des services à partir du carnet de santé lorsqu’il était disponible. Un tube de sang était prélevé à l’occasion d’une prise de sang 3.

Pour l’enquête Séro-Inf, les objectifs étaient d’inclure 5 500 personnes, recrutées avec un effectif identique dans les huit zones d’études et d’aménagement du territoire (Zeat) de France métropolitaine (nomenclature de l’Insee), pour une précision attendue de ±3% de la séroprévalence de la rougeole dans chaque tranche d’âge quinquennale chez les moins de 30 ans. L’enquête a été réalisée selon un plan de sondage à deux degrés. Au premier degré, les laboratoires ont été tirés au sort au sein de 31 strates définies par leur Zeat d’implantation, leur volume annuel de clientèle et la proportion d’enfants dans celle-ci. Le tirage au sort a été effectué à partir de la base d’enquête sur les laboratoires d’analyse médicale (N=3 835). Au total, 124 laboratoires ont participé à l’enquête parmi 304 tirés au sort et sollicités, répartis dans huit Zeat. Au second degré, les personnes âgées de 6 à 49 ans éligibles pour l’enquête étaient incluses par le biologiste du laboratoire de façon consécutive. Elles devaient résider en France métropolitaine, ne pas présenter d’immunodépression ni suivre un traitement immunosuppresseur, ne pas avoir reçu des immunoglobulines ou une transfusion dans les 6 mois précédant l’enquête et, pour les femmes enceintes, ne pas être suivies pour séronégativité vis-à-vis d’une des maladies étudiées. Le consentement écrit était recueilli. Un questionnaire portant sur les caractéristiques sociodémographiques des personnes était rempli. Les données de couverture vaccinale n’ont pas été recueillies du fait de l’indisponibilité du carnet de santé dans les laboratoires. Un tube supplémentaire de 5 ml de sang était prélevé.

Ces deux enquêtes ont obtenu l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du Comité de protection des personnes d’Île-de-France IX (Créteil).

Pour ces deux enquêtes, un poids de sondage a été calculé pour chaque individu inclus, égal à l’inverse de sa probabilité d’inclusion dans l’enquête. Un redressement par post-stratification des observations a ensuite été fait, afin de redresser le poids des personnes incluses par rapport à la distribution de la population française selon la Zeat de domicile, l’âge et le sexe (Source : Insee, Population de France métropolitaine 2007). Les estimations ont été faites en tenant compte du poids de sondage et du redressement ainsi que du plan de sondage de chacune des deux enquêtes avec le logiciel Stata V11®.

Les prélèvements sanguins des deux enquêtes ont été centrifugés et congelés dans les laboratoires de prélèvement puis transportés jusqu’au laboratoire réalisant les sérologies.

Les sérologies des deux enquêtes ont été réalisées par un même laboratoire utilisant les mêmes techniques. Les seuils utilisés ont été déterminés selon les instructions du fabricant, à l’exception du seuil de positivité vis-à-vis de l’hépatite E (kit Adaltis EIAgen® HEV IgG), fixé à 1 (en index), en concertation avec le Centre national de référence des hépatites A et E (la zone de résultats équivoques allant de 0,9 à 1,1). Les seuils de négativité étaient de 150 UI/L pour les IgG anti-rougeole (Enzygnost®, Dadebehring), 10 kUI/L pour les IgG anti-rubéole (Access Rubella IgG®, Beckman Coulter) et 230 UI/L pour les IgG anti-oreillons (Enzygnost®, Dadebehring). Les seuils de positivité étaient de 20 UI/L pour les IgG contre l’hépatite A (IgG totale anti-HAV, Roche Diagnostic), 8 kUI/L pour les IgG anti-toxoplasmose (IgG anti toxo Vidas), 1,1 (en index) pour les IgG anti-HSV1 et pour les IgG anti-HSV2 (Herpèselect®, Eurobio), et 0,801 kUA/L pour les IgG anti-CMV (IgG Elisa PKS®, Medac).

Pour les résultats concernant la rougeole, des oreillons et de la rubéole, qui font l’objet d’une recommandation de vaccination systématique des enfants par le vaccin bivalent rougeole-rubéole depuis 1983 et par le vaccin trivalent ROR depuis 1986, la proportion de séronégatifs est présentée, tandis que la séroprévalence (proportion de séropositifs) est présentée pour les six autres infections.

Dans cette première analyse, les séroprévalences ont été comparées en fonction des caractéristiques des personnes, tous âges confondus, et au sein de chaque groupe d’âge par un test du Chi2 corrigé pour tenir compte du plan de sondage (correction de Rao) ; un seuil de significativité de 0,05 a été utilisé. Les caractéristiques étudiées étaient : le sexe, l’interrégion de résidence (interrégions Île-de-France, Nord-Ouest, Nord-Est, Sud-Ouest et Sud-Est définies selon les indicateurs téléphoniques), le pays de naissance (France ou étranger), le niveau d’études et la catégorie socioprofessionnelle (CSP). Pour les enfants (<18 ans), le niveau d’études et la CSP étaient ceux du père, si celui-ci vivait avec l’enfant, et ceux de la mère dans le cas contraire.

Résultats

Entre septembre 2008 et mars 2009, 1 617 enfants âgés de 1 à 6 ans ont été inclus dans l’enquête Saturn-Inf. Entre septembre 2009 et juin 2010, 5 300 personnes âgées de 6 à 49 ans ont été incluses dans l’enquête Séro-Inf. Les principales caractéristiques des deux populations sont décrites dans le tableau 1 et le tableau 2. Les enfants inclus dans l’enquête Saturn-Inf étaient aussi fréquemment issus de mères nées à l’étranger que les enfants nés en France entre 2002 et 2007 (14,4%, intervalle de confiance à 95% [11,3-18,2] vs 17,0%). Les adultes âgés de 20 à 49 ans inclus dans l’enquête Séro-Inf étaient plus fréquemment titulaires d’un diplôme ≥Bac+2 que les habitants de France métropolitaine du même âge (46% vs 32%), et les personnes (6-49 ans) incluses étaient moins souvent nées à l’étranger (7,4% vs 10% d’étrangers parmi les 0-54 ans résidant en France métropolitaine en 2007).

Tableau 1 : Caractéristiques de la population de l’enquête Séro-Inf (N=5 300), France
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Tableau 2 : Caractéristiques des enfants inclus dans le volet infectieux de l’enquête Saturn-Inf (N=1 617), France
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Séronégativité vis-à-vis de la rougeole, de la rubéole et des oreillons

La séronégativité était plus fréquente, à tout âge, vis-à-vis des oreillons que vis-à-vis de la rougeole et de la rubéole (tableau 3).

Chez les enfants âgés de 2 à 6 ans, la séronégativité vis-à-vis de la rougeole, de la rubéole et des oreillons était près de 3 fois moins importante que chez ceux âgés de 1 an. Elle diminuait particulièrement au-delà de 30 ans : chez les 6 à 29 ans elle était de 8,0%, [6,9-9,3], 8,3% [7,3-9,6] et 13,5% [12,1-14,9] respectivement, tandis que chez les 30-49 ans elle était de 1,4% [0,9-2,3], 4,9% [3,8-6,2] et 6,1% [4,8-7,7] respectivement.

Tableau 3 : Séronégativité vis-à-vis de la rougeole, de la rubéole et des oreillons chez les enfants et adultes, France
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Les femmes de 20 à 29 ans étaient moins souvent séronégatives vis-à-vis de la rougeole et de la rubéole que les hommes du même âge (figure 1) ; la séronégativité vis-à-vis de la rougeole et de la rubéole était de 6,3% [4,4-8,9] et 4,3% [2,8-6,2] respectivement chez les femmes de 20 à 29 ans vs 11,2% [7,8-15,8] et 12,9% [9,7-16,9] respectivement chez les hommes du même âge (P=0,01 et P=10-4). En revanche, la séronégativité ne différait pas entre les hommes et les femmes dans les autres groupes d’âges pour les trois maladies.

Figure 1 : Séronégativité vis-à-vis de la rubéole selon l’âge et le sexe. Enquête Séro-Inf (N=5 300), France
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La séronégativité vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole différait chez les enfants de 2 à 6 ans selon le nombre de doses de vaccin ROR reçues : plus de 84% des non vaccinés étaient séronégatifs vis-à-vis des trois maladies vs 4% à 8% de ceux qui avaient reçu une dose de vaccin trivalent et moins de 4% de ceux ayant reçu 2 doses de vaccin trivalent.

La séronégativité vis-à-vis des oreillons était plus fréquente chez les 6-49 ans résidant dans le sud de la France (interrégions Sud-Est et Sud-Ouest) que chez les 6-49 ans résidant dans le nord de la France (interrégions Nord-Est, Nord-Ouest et Île-de-France) : 12,7% [11,0-14,5] vs 8,5% [7,3-9,8] (P <10-3) ; en revanche, elle ne différait pas selon l’interrégion de résidence pour la rougeole ou la rubéole. Par ailleurs, la séronégativité vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole ne différait pas selon le pays de naissance, le niveau d’études ou la CSP des personnes.

Séroprévalence vis-à-vis des hépatites A et E

La séroprévalence vis-à-vis de l’hépatite A était très faible chez les enfants de 1 à 6 ans (2,5%), et progressait ensuite avec l’âge, de 6,7% chez les enfants de 6 à 9 ans à 45,7% chez les adultes de 40 à 49 ans (tableau 4). Elle était plus de 3 fois plus élevée chez les 6-49 ans nés à l’étranger (72,9%, [63,3-80,7]) que chez ceux nés en France (21,7% [19,9-23,6], P<10-4) (figure 2). Elle était aussi plus élevée chez ceux résidant dans l’interrégion Île-de-France que dans les quatre autres interrégions (39,8% [32,4-47,8] vs 21,9% [20,2-23,8] P<10-4). Par ailleurs, la séroprévalence de l’hépatite A ne différait pas selon le sexe, le niveau d’étude ou la CSP des personnes.

Tableau 4 : Séroprévalence de l’hépatite A chez les enfants et adultes, France
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Figure 2 : Séropositivité vis-à-vis de l’hépatite A selon le pays de naissance. Enquête Séro-Inf (N=5 295), France
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La séroprévalence de l’hépatite E chez les 6-49 ans était de 4,5% et augmentait avec l’âge, de 1,5% chez les 6-9 ans à 6,1% chez les 30-49 ans (tableau 5). La séroprévalence de l’hépatite E était plus élevée chez les résidents des interrégions Sud-Ouest (7,9% [4,8-12,7]) et Sud-Est (6,5% [5,0-8,2]) que chez les résidents des trois interrégions du nord de la France (3,1% [2,4-4,1], p<10-3). La séroprévalence de l’hépatite E ne différait pas selon le sexe, le niveau d’études, le pays de naissance ou la CSP des personnes.

Tableau 5 : Séroprévalence de l’hépatite E chez les enfants et adultes âgés de 6 à 49 ans. Enquête Séro-Inf (N=5 300), France
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Séroprévalence de la toxoplasmose

La séroprévalence de la toxoplasmose était très faible chez les enfants âgés de 1 à 6 ans (1,2%) et elle était de 37,7% chez les 6-49 ans (tableau 6). Elle augmentait avec l’âge, de 3,3% chez les enfants de 6 à 9 ans à 64,7% chez les adultes de 40 à 49 ans. La séroprévalence de la toxoplasmose était plus élevée chez les hommes que chez les femmes (40,2% vs 35,1%, P=0,01) ; elle était également plus élevée chez les agriculteurs ou artisans ou chez les cadres que dans les autres CSP (44,4% [35,9-53,3], 42,6% [37,8-47,5] et 35,5% [33,1-38,1] respectivement, P=0,009). La séroprévalence de la toxoplasmose ne différait pas selon le niveau d’études, le pays de naissance, ou le lieu de résidence.

Tableau 6 : Séroprévalence de la toxoplasmose selon l’âge et le sexe chez les enfants et adultes, France
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Séroprévalence des infections à HSV1 et HSV2 chez les enfants et les adolescents

La séroprévalence du HSV1 était de 12,1% chez les enfants de 1 à 3 ans et de 14,0% chez ceux de 4 à 6 ans ; elle augmentait ensuite, de 23,4% chez les 6-8 ans à 42,1% chez les 18-19 ans (tableau 7). Chez les enfants de 1 à 6 ans, la séroprévalence de l’HSV1 était plus élevée chez les enfants de parents titulaires d’un diplôme <Bac+2 que chez les enfants de parents plus diplômés (15,3% [11,9-19,5] vs 7,9 % [5,4-11,5], P=0,006) et plus élevée chez les enfants dont la mère était née à l’étranger que chez ceux dont la mère était née en France (27,0% [18,8-37,0] vs 10,5% [8,5-13,0], P<10-4). Les mêmes différences en fonction du pays de naissance et du niveau de diplôme du parent étaient retrouvées chez les enfants et adolescents âgés de 6 à 19 ans : la séroprévalence du HSV1 était plus élevée chez ceux nés à l’étranger que chez ceux nés en France (58,6% [40,4-74,7] vs 27,6% [25,1-30,2], P<10-3) et plus élevée chez les enfants de parents titulaires d’un diplôme <Bac+2 que chez les enfants de parents plus diplômés (31,8% [28,3-35,6] vs 20,4% [17,4-23,9], P<10-3). Elle différait aussi selon la CSP, allant de 36,2% [29,5-43,4] chez les enfants d’inactifs et 37,8% [30,6-45,4] chez les enfants d’ouvriers à 16,7% [12,5-21,8] chez les enfants de cadres ou de professions libérales et 19,2% [13,4-26,8] chez les enfants d’agriculteurs ou d’artisans, P<10-4. Chez les enfants âgés de 6 à 19 ans, la séroprévalence du HSV1 était plus élevée chez les filles que chez les garçons (32,0% [28,7-35,5] vs 25,0% [21,4-29,0], P=0,01).

La séroprévalence du HSV2 était très faible, inférieure à 1%, chez les enfants de moins de 9 ans et elle était de 4,7% chez les adolescents de 18 à 19 ans (tableau 7).

Tableau 7 : Séroprévalence de l’herpès 1 et 2 chez les enfants et adolescents âgés de 1 à 19 ans, France
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Séroprévalence vis-à-vis du CMV chez les 15-49 ans

La séroprévalence du CMV était de 41,9% chez les 15-49 ans (tableau 8) ; elle était plus élevée chez les femmes que chez les hommes (45,6% vs 39,3%, P=0,03), plus élevée chez les personnes nées à l’étranger que chez celles nées en France (83,0% [67,9-91,8]) vs 37,7% [34,7-40,8], P<10-4), et plus élevée chez les personnes ayant un diplôme <Bac (49,3% [44,0-54,7]) que chez les titulaires d’un diplôme ≥Bac (38,2 [33,8-42,8], P=0,0013).

Tableau 8 : Séroprévalence du cytomégalovirus selon l’âge et le sexe chez les adolescents et adultes âgés de 15 à 49 ans. Enquête Séro-Inf (N=2 536), France
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Discussion

Cette enquête a permis une estimation de la séroprévalence dans une population d’enfants et d’adultes représentative de la population française en termes d’âge, de sexe et de lieu de résidence. Cependant, la population des enquêtes recrutée en milieu de soins peut différer de la population générale en termes de caractéristiques socioprofessionnelles et les motifs de prise en charge en milieu de soins peuvent avoir influencé les résultats. Les différences en termes de caractéristiques socioprofessionnelles ont sans doute un impact limité sur les résultats pour les pathologies peu liées aux caractéristiques socioprofessionnelles des individus, mais elles peuvent limiter la portée des résultats vis-à-vis d’autres maladies telles que celles causées par l’HSV1 et 2 ou le CMV.

Selon les pathologies, l’interprétation des résultats diffère car la séroprévalence observée vis-à-vis de la rougeole, la rubéole et les oreillons est le résultat de l’historique de l’introduction de la vaccination, de la couverture vaccinale et de l’exposition résiduelle à ces trois virus, tandis que pour les autres maladies elle est le résultat de l’exposition naturelle à l’agent infectieux aux différents âges de la vie.

Pour la rougeole, les oreillons et la rubéole, l’enquête montre une moindre immunité des générations nées entre 1980 et 1990 comparativement à celle des générations nées avant 1980 ; près de 9% des jeunes âgés de 20 à 29 ans n’étaient pas immunisés vis-à-vis de la rougeole en 2009-2010, tandis que seuls 1,5% des jeunes âgés de 20 à 29 ans ne l’étaient pas en 1998 4. Ceci s’explique par le fait que les sujets nés avant 1980 ont été soumis, dès l’enfance, à l’intense circulation des virus à l‘ère pré-vaccinale, alors que ceux nés à l’ère vaccinale ont été soumis à une moindre exposition aux virus, tout en étant insuffisamment vaccinés (couverture vaccinale des enfants <80% jusqu’en 1994) 5. Cette proportion élevée de sujets réceptifs chez les moins de 30 ans, supérieure au seuil de 5% fixé par l’Organisation mondiale de la santé comme une des conditions pour l’élimination de la rougeole, était observée malgré le début de l’épidémie de rougeole (son pic a eu lieu en 2011), dont elle a permis la survenue 6. Ce constat de l’immunisation insuffisante des enfants et des jeunes adultes, ainsi que la survenue de l’épidémie de rougeole, ont conduit les autorités sanitaires à recommander, en mars 2011, un rattrapage vaccinal de la 2e dose de vaccin trivalent chez les générations nées après 1980 7.

La séronégativité vis-à-vis des oreillons était plus fréquente, à tout âge, que celle observée vis-à-vis de la rougeole ou de la rubéole, confirmant l’efficacité moindre de la valence oreillons du vaccin trivalent, tant en termes d’immunogénicité immédiate que de durée de la protection 8. L’enquête indique aussi que les femmes de 20 à 29 ans étaient moins souvent séronégatives vis-à-vis de la rougeole et de la rubéole (6,3% et 4,3% respectivement) que les hommes du même âge (11,2% et 12,9% respectivement), suggérant une bonne adhésion aux recommandations de rattrapage sélectif de vaccination chez les femmes en âge d’avoir des enfants.

Les profils de réceptivité vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole selon l’âge et le lien très fort, chez les enfants âgés de 2 à 6 ans, entre la réceptivité vis-à-vis de la rougeole, des oreillons et de la rubéole et le nombre de doses de vaccin trivalent reçues, illustrent que la séroprévalence observée aujourd’hui en France est essentiellement liée à la vaccination dans un contexte de faible circulation des trois virus dans les années 2000.

La séroprévalence de l’hépatite A était très faible chez les jeunes enfants (1-6 ans) et inférieure à 7% chez les enfants et adolescents (6-19 ans) nés en France. Chez les adultes, une diminution de la séroprévalence de l’hépatite A est observée depuis 1998 (34% chez les 20-49 ans en 2009-2010 vs 42% en 1998). Par ailleurs, la séroprévalence de l’hépatite A était près de 3 fois supérieure chez les 20-49 ans nés à l’étranger que chez ceux nés en France (80% vs 29%), suggérant le rôle majeur des liens avec des pays à forte endémie dans l’exposition à l’hépatite A de la population résidant en France.

La séroprévalence de l’hépatite E était de 5% chez les 6-49 ans, plus élevée dans le sud que dans le nord de la France. Cette analyse sera complétée par une publication portant spécifiquement sur l’épidémiologie de l’hépatite E en France.

Les résultats vis-à-vis de la toxoplasmose montrent, d’une part, une exposition à la toxoplasmose très peu fréquente chez le jeune enfant et, d’autre part, que 58% des femmes âgées de plus de 15 ans avaient un statut sérologique négatif ou équivoque justifiant, en cas de grossesse, un suivi sérologique. Les résultats de ces enquêtes sont utilisés pour estimer l’incidence (force de l’infection) de la toxoplasmose. Ils apporteront des éléments pour une éventuelle évaluation de la stratégie de prévention de la toxoplasmose congénitale. Le kit Vidas utilisé étant peu sensible, la séroprévalence de la toxoplasmose est peut-être sous-estimée, ce qui devra être pris en compte dans l’interprétation des estimations réalisées. Cependant, la séroprévalence observée chez les femmes de plus de 20 ans était comparable à celle observée lors d’une enquête nationale menée en 2003 chez les femmes enceintes (43,8%) 9.

L’enquête indique que moins de la moitié des femmes de plus de 15 ans (46%) étaient immunisées vis-à-vis du CMV, un résultat comparable à celui de 49,5% observée auprès du personnel féminin du CHU de Lille 10. Par ailleurs, l’exposition au CMV était associée à des conditions sociales défavorisées et au fait d’être né à l’étranger.

La séroprévalence vis-à-vis du HSV1 progressait de 12% chez les enfants de 1 à 3 ans à 42% chez les adolescents de 18 à 19 ans, une progression observée dans d’autres études avec cependant une séroprévalence peu élevée, plutôt comparable à celle des pays du nord de l’Europe, où la séroprévalence est inférieure à 50% jusqu’à l’âge de 20 ans 11. Par ailleurs, la séroprévalence vis-à-vis du HSV1 était associée à des conditions sociales défavorisées et au fait d’être né à l’étranger, associations également observées aux États-Unis 12. La séroprévalence de l’HSV2 était très faible chez les moins de 10 ans (<1%) et de 3% chez les 10-19 ans.

Conclusion

Ces deux enquêtes permettent un bilan de la réceptivité des enfants et des jeunes adultes vis-à-vis des trois maladies prévenues par le vaccin trivalent, plus de 20 ans après son introduction. Elles montrent une proportion encore élevée de sujets réceptifs chez les moins de 30 ans, permettant la survenue d’épidémies de rougeole ou d’oreillons. Suite à l’épidémie de rougeole et à l’élargissement du rattrapage vaccinal, la réceptivité vis-à-vis de la rougeole a vraisemblablement diminué aujourd’hui. Les résultats suggèrent aussi une diminution de l’exposition vis-à-vis de l’hépatite A et de la toxoplasmose chez les personnes nées après 1980. Ce premier bilan sera complété par des analyses complémentaires plus détaillées, spécifiques aux différentes maladies étudiées.

Remerciements

Les auteurs remercient Florence Garry et Claude Gissot (CnamTS), qui ont procédé au tirage au sort des laboratoires d’analyses médicales, les membres des comités de pilotage pour leur relecture attentive des protocoles et leurs conseils, la Société de pathologie infectieuse de langue française, la Société française de pédiatrie, la Société française de microbiologie et les trois syndicats de Biologie médicale (Sdbio, SBL et SNMB) pour leur soutien à l’enquête. Ils remercient particulièrement les responsables et les personnels des 124 laboratoires et des 76 services de pédiatrie qui ont réalisé l’enquête, et les patients qui ont accepté d’y participer.

Références

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[2] Plan d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale en France 2005-2010. Paris: Ministère de la Santé et des Solidarités; 2005. 82 p. http://www.sante.gouv.fr/plan-national-d-elimination-de-la-rougeole-et-de-la-rubeole-congenitale.html
[3] Etchevers A, Lecoffre C, Le Tertre A, Le Strat Y, De Launay C, Bérat B, et al. Imprégnation des enfants par le plomb en France en 2008-2009. BEHWeb. 2010;(2):1-8. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=348
[4] de Melker HE, Pebody RG, Edmunds WJ, Lévy-Bruhl D, Valle M, Rota MC, et al. The seroepidemiology of measles in Western Europe. Epidemiol Infect. 2001;126(2):249-59.
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[7] Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à l’actualisation des recommandations vaccinales contre la rougeole pour les adultes. 11 février 2011. http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=198
[8] Dayan GH, Rubin S. Mumps outbreaks in vaccinated populations: are available mumps vaccines effective enough to prevent outbreaks? Clin Infect Dis. 2008;47(11):1458-67.
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Citer cet article

Lepoutre A, Antona D, Fonteneau L, Halftermeyer-Zhou F, Baudon C, Dorléans F, et al. Séroprévalence des maladies à prévention vaccinale et de cinq autres maladies infectieuses en France. Résultats de deux enquêtes nationales 2008-2010. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(41-42):526-34.