Publié le 4 juillet 2016

Comment aborder les événements en famille ?

Il s'agit ici de parler en famille de ce qui s'est produit le 13 novembre 2015. Après le choc initial, les enfants ont pu présenter certains troubles comme une angoisse de séparation, un besoin de sécurité accentué. Ils ont pu poser des questions à leurs parents, mais parfois, ils ont retenu toutes ces interrogations qui les ont perturbés à l'école ou dans leur environnement habituel. Que faire pour les aider à distance des événements ?

Les attentats de novembre 2015 ont provoqué de nombreux dégâts y compris chez les personnes qui n'en étaient pas directement les témoins. À la maison, les jeunes parents qui auraient pu se trouver au Bataclan ou dans les restaurants ou encore au stade de Saint-Denis, se sont imaginés à la place des personnes qui allaient au concert ou fêter un anniversaire entre amis. Ils ont d'abord été sidérés par l'événement. Le soir même du 13 novembre, beaucoup sont restés devant la télé tard dans la nuit. Tout le monde était grave, certains criaient ou pleuraient. La tristesse se lisait dans tous les yeux. Leurs enfants, leurs adolescents ont non seulement appris qu'il y avait eu une attaque meurtrière de nombreuses personnes, mais ils ont constaté que leurs parents étaient profondément touchés, bien que sains et saufs.

Au début, les parents ne disaient rien, effarés. Puis, ils ont commencé à parler. Sous le coup de l'émotion, ils ont transmis beaucoup de peur et d'angoisse.

Avant de mettre des mots sur ce qui s'était passé, les émotions se sont manifestées au premier degré. Elles ont pu se transmettre aux enfants, à l'état brut, non élaborées par leurs parents. Puis avec l'aide des discussions, des lectures, les parents ont essayé de donner du sens à ce qui était arrivé : " Des fous, des terroristes, des meurtriers… ". Tous ces mots étaient d'autant plus terrifiants que les enfants percevaient le danger qui pouvait dès lors atteindre tout le monde. À la télé, on a vu des cortèges, des manifestations spontanées, mais cela n'a pas apaisé les parents. Les enfants se sont sentis de plus en plus seuls. La minute de silence à l'école a été suivie de quelques explications mais il était alors encore difficile de s'exprimer.

Lorsqu'il se produit un traumatisme grave, national, les enfants sont souvent les grands oubliés. Leurs parents, après un temps de blocage, retrouvent la parole. Même s'ils sont attristés pendant quelques temps, ils se fixent à nouveau sur leur routine. Les enfants sont rarement sollicités pour dire ce qu'ils ressentent, or, eux aussi sont très choqués, surtout par le changement observé chez leurs parents. Les enfants vont donc " garder à l'intérieur " leur peur et leur chagrin de voir leurs parents bouleversés. Cette absence d'expression peut conduire à l'angoisse (oui, même chez un jeune enfant), une angoisse qui ne passe pas par les mots, mais qui se traduit par des ruminations la nuit, une peur de se séparer de ceux que l'on aime (on l'appelle aussi " angoisse de séparation " et parfois, elle est suivie d'une phobie scolaire, l'enfant ne veut même plus aller à l'école). Pour éviter que ces difficultés ne se prolongent, il est nécessaire de consulter son médecin de famille ou un psychologue. Dans cette consultation, les parents sont présents avec leur (s) enfant (s) et parlent avec le professionnel de ce qui s'est passé. Les enfants disent : " Maman était toute blanche ", " Papa a crié, j'ai eu peur… ", ils témoignent du désarroi de leurs parents.Oui, les adultes ne parvenaient plus à se contrôler, ils laissaient planer une grande insécurité.

Voir son médecin de famille ou un psychologue permet aux parents de reprendre leur position d'adulte qui rassure et protège. C'est ce dont ont besoin les enfants. Toutefois, les parents, peuvent revenir sur ces mauvais moments et dire combien ils ont été choqués par ce qui s'est passé. Ils peuvent insister sur les émotions qu'ils ont éprouvées , identification aux victimes, impuissance, envie d'aider, sentiment de révolte. C'est avec le partage de la parole et le retour des comportements habituels que les enfants seront rassurés par la protection donnée par leurs parents, tout en prenant progressivement conscience des dangers qui les entourent. Lors des cérémonies de commémoration des attentats, parents et enfant pourront se rappeler ensemble les difficultés éprouvées et constater que l'équilibre familial a pu être repris, avec la force de l'expérience acquise désormais.

Références :
Bacqué MF. Hanus, M. Le deuil. Que sais-je, Paris, PUF (2000, 6ème édition, 2016).
Bacqué MF. Comment la mort vient aux enfants. Journal des psychologues 2004,219, 46-50.
Le P'tit Libé n°3 : Les attentats à Paris (novembre 2015)  
Le P'tit Libé n°5 : Sécurité : la vie après les attentats (janvier 2016)  

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Texte rédigé par le Pr Marie-Frédérique Bacqué, professeure de psychopathologie clinique à l'université de Strasbourg Directrice de l'EA 3071 SULISOM