Évaluation des expositions professionnelles aux pesticides utilisés dans la culture de la banane aux Antilles et description de leurs effets sanitaires : Projet Matphyto DOM

Publié le 1 octobre 2018
Mis à jour le 25 octobre 2019

L'évaluation rétrospective des expositions aux pesticides des travailleurs agricoles est une démarche nécessaire pour comprendre et établir des liens entre leurs activités tout le long de leur carrière et la survenue potentielle de pathologies graves telles les cancers ou les maladies neurodégénératives en relation avec leur travail. Les outils fiables soutenus par une méthodologie précise et structurée pour dresser l'historique des expositions professionnelles sont peu nombreux. La culture de la banane d'exportation ou banane dessert, l'une des plus répandues aux Antilles françaises, s'étale sur toute l'année et justifie l'emploi de nombreux produits phytopharmaceutiques (PPP) auxquels sont exposés les travailleurs agricoles. Aucune étude jusqu'alors n'a permis d'estimer le nombre de ces travailleurs, de caractériser leurs expositions aux PPP au cours du temps, ni d'identifier les effets sur la santé en lien avec ces expositions. Nous avons utilisé trois outils dont deux construits en interne pour répondre à la question : quels sont les PPP qui ont été appliqués sur la culture de la banane au cours des dernières décennies et quels sont leurs effets sanitaires ? Le premier outil est la construction d'une matrice culture-exposition (MCE) spécifique à la culture de la banane dessert aux Antilles grâce à laquelle nous avons identifié l'ensemble des PPP utilisés sur cette culture depuis les années 1960 ainsi que la fréquence et la probabilité de leur usage. Le second outil est l'élaboration de la base CipaTox ; elle a été établie pour recenser les effets sur la santé connus ou suspectés d'être associés à une exposition chronique aux substances actives (SA) des PPP homologués en France depuis 1961. Un focus a été fait sur la cancérogénicité, la mutagénicité et la reprotoxicité (CMR) ainsi que sur les potentiels effets de perturbation endocrinienne (PE). Enfin, le troisième outil, mis à disposition par le ministère de l'agriculture, sont les recensements agricoles (RA) de 1981, 1989, 2000 et 2010 qui ont permis d'identifier les caractéristiques sociodémographiques des travailleurs de la banane aux Antilles. En croisant ces trois sources de données, nous avons calculé des prévalences d'exposition professionnelle pour les quatre années du RA, aux PPP utilisés sur la banane aux Antilles, et identifier les effets sanitaires qu'ils peuvent engendrer. Nos travaux montrent que depuis 1981 et jusqu'en 2010, l'ensemble des travailleurs de la banane aux Antilles, dont le nombre est passé de 13 504 à 5 270 individus, a été exposé à au moins une substance néfaste pour la santé et considérée comme CMR ou PE. En 2015, la prévalence d'exposition à des CMR et PE des travailleurs de la banane aux Antilles reste de 100 %, toutes les exploitations utilisant au moins une substance active CMR ou PE. La spécificité de l'agriculture aux Antilles est à prendre en considération pour évaluer l'exposition des travailleurs aux PPP. En effet, le climat chaud et humide, d'une part, permet à la production de banane dessert d'être continue sur les douze mois de l'année et, d'autre part, favorise une pression importante des ravageurs, maladies et adventices nécessitant l'usage régulier des PPP afin de garantir une production de banane exportable. Nos travaux permettent de guider la prévention vis-à-vis des professionnels de l'agriculture en leur permettant d'identifier les substances ayant des effets néfastes sur la santé. Ils poussent à mettre en place plusieurs actions dont la promotion des méthodes alternatives de production de la banane, la limitation de l'usage des PPP, la circonscription de l'utilisation des PPP dont la SA est CMR ou PE, la sensibilisation des travailleurs à ces risques à travers des campagnes de prévention et enfin l'information et la formation des médecins généralistes et la médecine du travail pour faciliter la reconnaissance en maladies professionnelles.

Auteur : Gentil C, Spinosi J, Cahour L, Chaperon L, El Yamani M
Année de publication : 2018
Pages : 56 p.