Tuberculose
Traitement et prévention
Devant un tableau clinique évocateur de tuberculose. le médecin praticien entreprendra des examens cliniques, radiologiques, bactériologiques et/ou anatomo-pathologiques. Un diagnostic présomptif pourra être porté dans l'attente des résultats bactériologiques qui permettent d'établir le diagnostic de certitude.
Les signes généraux : fièvre vespérale. asthénie, amaigrissement,
anorexie, sueurs nocturnes peuvent s'observer quelle que soit la
localisation de la maladie tuberculeuse. Face à une tuberculose pulmonaire,
les circonstances du diagnostic sont très variables et peuvent être
regroupées sous 3 rubriques :
- un début subaigu, progressif qui est la manifestation la plus commune
avec toux, expectoration évoluant dans un contexte d'altération de l'état
général ;
- un début asymptomatique révélé seulement par l'examen radiologique
systématique ;
- des manifestations aiguës, plus rares, se traduisant par une complication
à type d'hémoptysie de pneumothorax ou de pleurésie, ou plus
exceptionnellement par une insuffisance respiratoire aiguë (dans les formes
miliaires ou broncho-pneumoniques).
Les symptômes des localisations extra-pulmonaires : osseuse, ganglionnaire, séreuse, urogénitale, etc., sont peu spécifiques. Dans le cas de tuberculose extra-pulmonaire, certains signes peuvent orienter vers le diagnostic : adénopathie superficielle ou profonde, hépato-splénomégalie, leucocyturie, ascite, péricardite, méningite lymphocytaire ou panachée, etc. Les tableaux cliniques des méningites tuberculeuses sont variés et d'évolution insidieuse : céphalées, troubles psychiatriques, signes d'atteinte basilaire.
Chez les patients à sérologie V.I.H. positive, la symptomatologie peut être atypique. Une fièvre inexpliquée prolongée constitue un signe d'appel suffisant pour initier une recherche de tuberculose.
Devant toute suspicion de tuberculose, une radiographie pulmonaire doit être pratiquée, ainsi qu'une recherche bactériologique et une intradermo-réaction (I.D.R.) à la tuberculine.
L'intradermo-réaction (test de Mantoux)
L'I.D.R. permet de mettre en évidence l'hypersensibilité tuberculinique
obtenue après injection intradermique, à la face antérieure de
l'avant-bras, de 0,10 ml de tuberculine purifiée, correspondant à 5 unités
de tuberculine PPD-S (Etats-Unis), à 2 unités de tuberculine RT23
(Organisation mondiale de la santé), ou à 10 U de tuberculine Mérieux.
Seule la tuberculine Mérieux est commercialisée en France. Le diamètre
d'induration (et non de l'érythème) est mesuré après 72 heures. Le test
est positif si le diamètre est supérieur ou égal à 5 mm, il est très
positif s'il est supérieur ou égal à 10 mm. Dans cette deuxième éventualité,
l'I.D.R. est un élément de présomption important en faveur d'une
tuberculose-infection ou d'une tuberculose-maladie. En effet, 10 ans après
la vaccination par le B.C.G., environ 12 % seulement des sujets vaccinés
gardent une I.D.R. supérieure ou égale à 10 mm. A l'inverse, il faut
signaler la possibilité d'I.D.R. négatives au cours de la tuberculose chez
le vieillard, en cas de tuberculose généralisée ou en cas d'infection à
virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.) évoluée.
Chez les patients séropositifs pour le V.I.H., une réaction supérieure ou égale à 5 mm est considérée comme positive. En cas d'infection à V.I.H. évoluée, dès que le taux des lymphocytes CD4 est inférieur à 500/mm3, l'I.D.R. perd progressivement sa sensibilité. Aussi est-il recommandé de faire une I.D.R. dès la connaissance de la séropositivité V.I.H. afin de connaître le statut initial vis-à-vis de l'infection tuberculeuse.
L'examen radiologique
Les anomalies radiologiques sont de morphologie et d'étendue très
variables, souvent sans relation avec l'intensité des signes cliniques. Il
s'agit habituellement d'opacités infiltratives et nodulaires, parfois excavées,
réalisant alors l'aspect classique de la caverne tuberculeuse. Ces lésions
prédominent dans les régions apicales et postérieures. A côté de cette
forme ulcéro-caséeuse, d'autres aspects radiologiques peuvent être observés
qui évoquent le diagnostic de tuberculose : chez un sujet jeune, une adénopathie
hilaire, parfois associée à un trouble de ventilation dans le territoire
adjacent et s'inscrivant dans un contexte de primo-infection symptomatique ;
un épanchement pleural ou un syndrome interstitiel fait de la dissémination
de micronodules répartis régulièrement dans les 2 champs pulmonaires réalisant
l'aspect de la miliaire tuberculeuse.
Chez les sujets infectés par le V.I.H., l'aspect radiologique est souvent atypique, les formes excavées sont rares, l'atteinte des 2 lobes inférieurs plus fréquente. Les signes semblent d'autant plus atypiques que l'immunodépression est importante. La radiographie de thorax peut apparaître normale du fait de l'absence de réaction granulomateuse.
La radiographie standard suffit généralement à faire le bilan initial des lésions thoraciques ; les tomographies sont inutiles. La tomodensitométrie permet dans certains cas de mieux faire le diagnostic, de préciser le caractère excavé des lésions (cette donnée n'apparaît pas toujours à l'évidence sur les clichés standard) ; elle constitue aussi un document de référence pour les contrôles ultérieurs. La tomodensitométrie apparaît surtout utile à l'arrêt du traitement : elle autorise un bilan exact des séquelles (séquelles fibronodulaires, bronchectasies, mais surtout cavités résiduelles).
Les arguments cliniques, radiologiques et anatomo-pathologiques ne sont pas spécifiques de la tuberculose et ne peuvent donc permettre qu'un diagnostic présomptif. C'est la mise en évidence de bacilles de la tuberculose dans les produits pathologiques qui constitue le diagnostic définitif. De plus, le suivi bactériologique d'un patient mis sous antituberculeux est indispensable pour confirmer la stérilisation des lésions.
Choix des prélèvements bactériologiques et/ou histologiques
Comme les émissions de bacilles de la tuberculose sont souvent
discontinues, la réalisation des examens bactériologiques doit s'effectuer
sur 3 jours consécutifs avant la mise en route du traitement
antituberculeux.
Dans les formes pulmonaires, le choix des prélèvements doit privilégier
les produits de l'expectoration spontanée collectée au réveil à
jeun. A défaut, on aura recours à l'expectoration provoquée (après aérosol
et/ou après une séance de kinésithérapie). Les prélèvements d'aspect
salivaire ne peuvent convenir et doivent être écartés. Les prélèvements
doivent être faits dans de bonnes conditions d'hygiène (récipient large,
hermétique) afin d'assurer la sécurité du personnel.
En cas de difficulté d'obtention d'une expectoration, ou si la recherche
de B.A.A.R. revient négative malgré un contexte clinique évocateur, 2 méthodes
sont proposées :
- le tubage gastrique réalisé le matin au réveil, à jeun, avant
le lever du patient, ce qui nécessite une hospitalisation. Il est plus
volontiers effectué en milieu pédiatrique ;
- la fibroscopie bronchique avec aspiration des sécrétions
bronchiques et éventuellement biopsie d'une lésion endobronchique
suspecte. En l'absence de sécrétions, il est procédé à un lavage
broncho-alvéolaire avec un faible volume (20 ml d'eau distillée de préférence.
le sérum salé isotonique inhibant la croissance ultérieure du bacille
tuberculeux). Le recours à la fibroscopie bronchique n'est justifié qu'après
3 bacilloscopies négatives. Il est contre-indiqué en cas de tuberculose évidente
à la radiographie pulmonaire en raison des risques de contagion pour l'opérateur.
La fibroscopie est plus volontiers réalisée chez l'enfant, car elle permet
de repérer une adénopathie fistulisée ou une volumineuse adénopathie latérotrachéale
droite pouvant faire courir un risque vital.
En cas de suspicion de tuberculose rénale, les urines sont prélevées
proprement à mi-jet, 3 jours de suite, si possible après restriction
hydrique.
Pour le diagnostic de méningite tuberculeuse, le liquide céphalo-rachidien
(L.C.R.) est prélevé par ponction lombaire qui doit être effectuée si
possible 2 ou 3 fois. Afin d'optimiser la découverte de bacilles de la
tuberculose à l'examen microscopique et en culture, il est souhaitable de
prélever au moins 1 ml de L.C.R. et de signaler au laboratoire la suspicion
de tuberculose pour un examen attentif des lames.
En cas d'abcédation froide accessible cliniquement. une
ponction-aspiration du caseum peut être réalisée.
Dans les formes disséminées, fréquentes chez les immunodéprimés,
notamment les patients séropositifs pour le V.I.H., M. tuberculosis
peut être recherché par hémoculture. Cette recherche est réalisée soit
par centrifugation-lyse et étalement sur milieu solide soit par méthode
radiométrique (Bactec, Becton Dickinson).
Les prélèvements susceptibles de contenir d'autres germes, comme les prélèvements
broncho-pulmonaires, les urines, les collections purulentes de lésions
ouvertes sont décontaminés avant d'être ensemencés pour culture. Les
autres prélèvements normalement stériles comme le L.C.R., le sang, les
ponctions ou biopsies internes peuvent être ensemencés directement sans
traitement préalable.
En cas de biopsie d'un organe suspect de localisation tuberculeuse (plèvre,
péritoine, bronche, os, séreuse, foie, ganglion lymphatique, etc. ), il
convient de fractionner le prélèvement :
- un premier fragment doit être placé dans un tube contenant quelques
gouttes d'eau distillée stérile (et non de sérum salé isotonique) pour
l'examen bactériologique ;
- un second fragment peut être placé dans le Bouin pour examen
anatomo-pathologiques. Seule la culture positive du prélèvement apportera
la preuve formelle du diagnostic de tuberculose. Cependant, la présence de
granulomes tuberculoïdes est un fort argument diagnostique dans un contexte
clinique évocateur. La nécrose caséeuse est un argument beaucoup plus spécifique.
Méthodes classiques
Le diagnostic bactériologique de la tuberculose repose sur l'isolement
des bacilles de la tuberculose, à savoir M. tuberculosis, M. bovis
ou M. africanum. Les méthodes bactériologiques classiques décrites,
évaluées et appliquées de longue date restent les méthodes de référence
; mise en évidence de l'acido-alcoolo-résistance des bacilles par l'examen
microscopique (après coloration de Ziehl-Neelsen ou auramine), mise en
culture sur milieu de Lowenstein-Jensen, identification biochimique et
antibiogramme selon la méthode des proportions.
Les temps de croissance particulièrement longs des mycobactéries imposent
d'importants délais à l'obtention des résultats bactériologiques. Il
faut de 2 à 4 semaines pour isoler M. tuberculosis d'un prélèvement
et 3 semaines supplémentaires pour identifier la culture et en effectuer
l'antibiogramme. Ainsi l'identification définitive de l'espèce mycobactérienne
et la sensibilité aux antibiotiques ne sera connue, en moyenne, que 5 à 7
semaines après le recueil des prélèvements.
Cependant ces délais sont diminués pour un nombre important de cas. En
effet dans environ 50 % des formes pulmonaires de tuberculose, les mycobactéries
présentes dans les sécrétions broncho-pulmonaires peuvent être mises en
évidence au microscope grâce à leur propriété d'acido-alcoolo-résistance.
Il faut souligner l'importance du rendu immédiat du résultat de l'examen
microscopique, car en pratique clinique, cette détection équivaut très généralement
à un diagnostic de tuberculose (sauf en cas de sida avancé où se pose le
diagnostic différentiel de M. avium).
Les antibiogrammes des produits pathologiques à examen microscopique
positif peuvent être réalisés directement s il est détecté de 1 à 10
bacilles pour 10 champs. Cet ensemencement direct permet l'interprétation
de l'antibiogramme 3 semaines après le recueil du prélèvement, un délai
à comparer aux 6 à 7 semaines nécessaires à l'antibiogramme indirect décrit
plus haut.
Nouvelles techniques bactériologiques
De nouvelles techniques sont actuellement disponibles, qui tendent à diminuer les délais des méthodes classiques. Il s'agit de :
La détection radiométrique en milieu liquide
La méthode radiométrique utilise un milieu liquide contenant de l'acide
palmitique marqué au 14C. Elle réduit le développement de la
primo-culture à un délai moyen de 7 à 10 jours à comparer avec les 3
semaines de délai nécessaire au développement sur milieu solide (nos 1241
et 1242 de la nomenclature des actes de biologie médicale). Cette méthode
permet également la détermination de la sensibilité aux antibiotiques.
C'est actuellement la méthode la plus rapide pour la réalisation de
l'antibiogramme qui peut ainsi être effectué en 7 jours. De plus, des systèmes
de détection non radioactive de la croissance bactérienne en milieu
liquide sont en cours de développement.
Sondes nucléiques
Les techniques d'hybridation avec des sondes spécifiques ont démontré
leur intérêt pour l'identification des cultures mycobactériennes qui est
ainsi réalisée en quelques heures. Ces méthodes sont aujourd'hui
largement utilisées. Les performances de sensibilité et de spécificité
des sondes commercialisées sont satisfaisantes, au moins pour les bacilles
de la tuberculose, Mycobacterium avium et M. gordonae (n°
4101 de la nomenclature des actes de biologie médicale). L'identification
des espèces par séquençage de fragments polymorphes de séquences conservées
(A.R.N. 16S, gènes codants pour la protéine 65 kD...) nécessite un
appareillage coûteux et reste réservée à quelques laboratoires hautement
spécialisés en mycobactériologie. Diverses techniques de biologie moléculaire
(hybridation ou séquençage de séquences cibles) permettent de détecter
des résistances par l'identification des mutations dans les gènes codants
pour les molécules cibles des antibiotiques. L'utilisation de ces dernières
méthodes reste expérimentale.
Méthodes d'amplification génique
Les méthodes d'amplification génique consistent à amplifier et détecter
une séquence nucléique spécifique. Le processus est extraordinairement
puissant (le seuil de sensibilité in vitro est d'une molécule
d'A.D.N.) et rapide, car il s'affranchit du temps de génération des
bacilles en ne mettant en œuvre que des réactions enzymatiques. Ces méthodes
ont donc la potentialité d'identifier spécifiquement les bacilles de la
tuberculose en quelques heures, directement dans les échantillons cliniques
sans que le préalable d'une culture bactérienne soit nécessaire. Elles
regroupent différentes techniques variant par leurs procédés
d'amplification. Les plus répandues sont la réaction en chaîne par polymérase
(P.C.R.), la réaction en chaîne par ligase (L.C.R.), l'amplification par déplacement
de brin (S.D.A.), l'amplification isothermique d'A.R.N. via un intermédiaire
d'A.D.N.
L'application de ces méthodes à la mycobactériologie clinique était donc très prometteuse quant à la réduction des délais nécessaires aux examens bactériologiques. Cependant, ces techniques appliquées directement aux échantillons cliniques, n'ont pas fait la preuve de leur efficacité et présentent des défauts de sensibilité comme de spécificité. La sensibilité varie fortement selon que les prélèvements sont positifs ou négatifs à l'examen microscopique. De 97-95 % pour les prélèvements positifs, la sensibilité chute à 75-60 % pour les prélèvements négatifs. Quant à la spécificité, elle dépasse rarement 97% d'où une valeur prédictive de 5% à 75% selon que l'incidence de la tuberculose dans la population testée varie de 0,2 à 10%.
La méthode d'amplification génique a été incluse dans la nomenclature
des actes de biologie médicale dans l'indication limitée aux cas de forte
suspicion d'infection viscérale, et seulement en cas d'examen direct négatif,(n°
4102 de la nomenclature des actes de biologie médicale).
Ces tests font l'objet de recherches intensives en vue d'améliorer leurs
performances. Aujourd'hui, les résultats de ces seuls tests ne peuvent être
considérés pour élaborer ou modifier une stratégie thérapeutique. Une
bonne coordination entre clinicien et bactériologiste est nécessaire pour
définir, au cas par cas, la meilleure stratégie alliant efficacité et
rapidité.
Diagnostic sérologique
Les tests sérologiques actuellement commercialisés sont d'interprétation incertaine : leur emploi n'est pas recommandé en l'état actuel.
La tuberculose est une maladie à déclaration obligatoire (D.O.). Celle-ci doit être effectuée auprès de la D.D.A.S.S. du domicile du patient pour toute tuberculose-maladie mise au traitement curatif, même en l'absence de preuve bactériologique. La primo-infection ne doit pas être déclarée. Une sérologie V.I.H. doit être systématiquement proposée au malade tuberculeux.
La tuberculose donne droit à une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale (affection de longue durée) qui doit être demandée à la Caisse primaire d'assurance maladie par le médecin traitant. En cas de non-couverture sociale, il existe différentes possibilités de prise en charge gratuite, notamment par les dispensaires antituberculeux. L'aide d'une assistante sociale avertie est souvent nécessaire pour organiser un bon suivi thérapeutique.
L'enquête autour d'un cas (à la recherche de cas secondaires ou du cas index) est assurée à la demande du médecin traitant par les services de lutte antituberculeuse du département. Cette demande d'enquête est vivement encouragée.
Le traitement de toutes les formes de tuberculose repose sur la prise régulière d'antibiotiques. Le repos, l'arrêt des activités professionnelles sont décidés en fonction de l'état clinique et/ou de la situation sociale du malade. En cas de tuberculose bacillifère, l'isolement, avec ou sans hospitalisation, est recommandé pendant la phase de contagiosité, laquelle peut être évaluée à 10-15 jours. La levée de l'isolement peut être décidée au vu de l'amélioration clinique, du retour à l'apyrexie et d'une négativation de l'examen microscopique direct des crachats. En cas de doute sur l'existence d'une résistance des bacilles, l'isolement doit être prolongé.
En cas de primo-infection latente, caractérisée par le virage simple des réactions cutanées à la tuberculine ou par une réaction positive sans antécédent connu, une chimioprophylaxie peut être proposée aux personnes n'ayant pas été vaccinées par le B.C.G.
Cette décision de chimioprophylaxie est une mesure individuelle qui doit viser tout particulièrement les jeunes enfants, les adolescents et les sujets immunodéprimés. On doit s'assurer auparavant de l'absence de tuberculose évolutive, en réalisant une radiographie pulmonaire et une recherche de bacilles tuberculeux. Le traitement prophylactique classiquement recommandé est l'isoniazide en monothérapie, à la dose de 5 mg/kg par jour pendant 6 mois. Ce traitement permet, chez l'immunocompétent, de réduire l'incidence de la tuberculose-maladie de 50 à 65 %. Un traitement prophylactique associant rifampicine et isoniazide pendant seulement 3 mois s'est avéré aussi efficace.
Chez les sujets infectés par le V.I.H., un traitement prophylactique par l'isoniazide d'une durée de 1 an peut réduire le risque de tuberculose. Un traitement prophylactique, surtout s'il s'agit d'une monothérapie, ne doit jamais être prescrit en cas de suspicion de tuberculose évolutive, afin d'éviter le risque de sélectionner un mutant résistant. Chez un malade recevant une corticothérapie, l'interaction possible corticoïde-rifampicine doit conduire soit à éviter la rifampicine, soit à augmenter la posologie du corticoïde.
Le traitement de la tuberculose est maintenant bien codifié, de même que les examens cliniques et paracliniques de surveillance qui doivent être effectués. La primo-infection patente avec signes radiologiques et/ou généraux doit être considérée comme une tuberculose-maladie et traitée comme telle. Comme le montre la figure 1, il dure 6 mois et comporte en permanence l'administration quotidienne, en une seule prise orale à jeun, d'isoniazide (4 à 5 mg/kg) et de rifampicine ( 10 mg/kg) et, en supplément pendant les 2 premiers mois, du pyrazinamide (20 voire 30 mg/kg) et de l'éthambutol (15 à 20 mg/kg). L'utilité de l'adjonction de l'éthambutol pour les tuberculoses à bacilles sensibles est discutée.
Figure 1. Traitement de la tuberculose de l'adulte
Les formes combinées permettent une administration simplifiée. La prescription d'une spécialité commercialisée associant dans le même comprimé rifampicine, isoniazide et pyrazinamide (1 comprimé / 12 kg de poids par jour) pendant 2 mois, puis d'une spécialité associant dans le même comprimé rifampicine et isoniazide (1 comprimé par 30 kg par jour) pendant 4 mois, a l'avantage d'une prise simplifiée et, a priori, d'une meilleure observance. En cas de mauvaise observance, les formes combinées évitent la sélection d'un mutant résistant.
En cas de difficultés thérapeutiques (intolérance à un ou plusieurs antituberculeux majeurs, résistance, malabsorption des antituberculeux, mauvaise observance prouvée ou suspectée), le malade doit être confié à un spécialiste. Dans certains cas, il peut être nécessaire d'avoir recours à la prise contrôlée des médicaments en présence d'une tierce personne, d'utiliser la voie parentérale ou de prolonger la durée du traitement jusqu'à 12 ou 18 mois.
La durée de traitement d'une tuberculose extra-pulmonaire est, a priori, identique à celle d'une tuberculose pulmonaire. Cependant, en cas de tuberculose grave osseuse ou neuroméningée, la durée du traitement peut être prolongée jusqu'à 9 ou 12 mois.
Tableau 1. Surveillance minimale du traitement d'une tuberculose pulmonaire
L'attention du malade doit être attirée sur la nécessité d'une bonne
observance thérapeutique, afin d'éviter le risque de rechute et de sélection
de bacilles résistants. Dans certains cas, devant un tableau clinique grave
évocateur de tuberculose, il peut être indiqué en milieu hospitalier
d'entreprendre un traitement antituberculeux d'épreuve, à la condition
d'avoir réalisé l'ensemble du bilan étiologique, et notamment les
recherches de bacilles tuberculeux. La surveillance clinique et paraclinique
minimale qu'il y a lieu d'effectuer tout au long du traitement est résumée
dans le tableau 1.
Les examens clinique, bactériologique et radiologique ont pour objet de déceler
précocement les accidents toxiques qui pourraient résulter de la prise des
antibiotiques. Les dosages sériques d'antituberculeux ne sont pas recommandés
en routine. Cependant ils peuvent être utiles en cas de suspicion de
mauvaise observance, de malabsorption digestive, ou d'interaction médicamenteuse.
La majorité des antibiotiques étant excrétée par voie rénale, la
fonction rénale (créatininémie) doit être contrôlée au début du
traitement. Si elle est normale, elle n'a pas lieu d'être contrôlée à
nouveau.
Avant traitement, on contrôlera également la fonction hépatique
(transaminases). car l'isoniazide, la rifampicine et le pyrazinamide sont métabolisés
par le foie et peuvent entraîner un certain degré de cytolyse. Une
surveillance accrue des transaminases au cours de la première semaine de
traitement est recommandée en présence d'autres facteurs de risque hépatique.
L'uricémie doit être dosée avant traitement, car le pyrazinamide et ses métabolites
sont excrétés en compétition avec l'acide urique. La fonction visuelle
(champ visuel et vision des couleurs) doit être contrôlée en début de
traitement car l'éthambutol peut avoir une certaine toxicité sur le nerf
optique. Afin de limiter les risques de contagion pour l'ophtalmologiste, il
peut être souhaitable de différer légèrement le premier examen
ophtalmologique à une période où le malade n'est plus bacillifère.
Au cas où les résultats des examens paracliniques effectués avant mise au
traitement sont anormaux, la posologie des antibiotiques doit être
rigoureusement adaptée à ces résultats de manière à éviter les risques
de toxicité. Il sera alors prudent de faire appel au spécialiste. Une élévation
des transaminases doit conduire à vérifier la posologie des médicaments,
et notamment celle du pyrazinamide. Un respect strict de la posologie du
pyrazinamide (20 à 30 mg/kg/j) diminue considérablement le risque d'hépatite
fulminante qui a été exceptionnellement décrite avec ce médicament. Un
taux des transaminases supérieur à 6 fois la normale impose l'arrêt immédiat
du pyrazinamide et de l'isoniazide. L'isoniazide peut être repris à une
posologie moindre, avec une surveillance hépatique rapprochée.
Les interruptions de traitement ne doivent pas conduire à laisser une
monothérapie qui risquerait de sélectionner un mutant résistant.
Si une réintroduction secondaire du pyrazinamide est tentée, elle doit être
faite en milieu hospitalier avec une posologie réduite et sous surveillance
très stricte et pluri-hebdomadaire du bilan hépatique. Si la réintroduction
du pyrazinamide entraîne une élévation des transaminases, ce médicament
doit être immédiatement arrêté et définitivement écarté. L'absence de
pyrazinamide dans l'association antibiotique impose alors de prolonger la
durée totale du traitement à 9 mois (dont 2 mois de trithérapie). Au
cours du traitement par le pyrazinamide, on observe dans environ la moitié
des cas une augmentation de l'uricémie.
Celle-ci, qui est la conséquence normale du traitement, peut entraîner des
arthralgies, plus rarement de véritables crises de goutte. Les premières,
qui cèdent habituellement à un simple traitement antalgique (aspirine), ne
nécessitent pas l'arrêt du pyrazinamide. Les secondes qui doivent être
traitées par un uricosurique peuvent entraîner l'arrêt du pyrazinamide si
l'adaptation de la posologie n'est pas suffisante pour éviter leur réapparition.
En l'absence de signes cliniques, la surveillance systématique de l'uricémie
sous traitement est inutile. L'hyperuricémie initiale peut être un des
indicateurs de l'observance du traitement.
Si, pour raison exceptionnelle, le traitement par pyrazinamide devait être prolongé au-delà de 2 mois, il faudrait poursuivre la surveillance mensuelle du bilan hépatique. Cette surveillance devrait même être plus rapprochée en présence d'autres facteurs de risque hépatique. En cas de poursuite du traitement par éthambutol au-delà de 2 mois, l'examen ophtalmologique doit être répété chaque mois. En cas d'intolérance aux antituberculeux majeurs, des antituberculeux de deuxième ligne peuvent être utilisés en milieu spécialisé (cf. ci-dessous).
Après un primo-traitement écourté, irrégulier, ou mal prescrit, certains malades rechutent et leurs bacilles peuvent être devenus résistants à plusieurs antituberculeux de première ligne. Le risque de multirésistance est très accru après plusieurs traitements. Ce risque doit aussi être évoqué chez des sujets originaires de pays à forte prévalence de résistance, d'autant plus que le sujet est séropositif pour le V.I.H.
Le traitement antibiotique doit être strictement adapté à la sensibilité des bacilles. Dans la majorité des cas, le traitement est prolongé. L'hospitalisation exige un isolement particulièrement strict. Des antituberculeux de deuxième ligne peuvent être utilisés : amikacine, ofloxacine, spartloxacine, clofazimine, éthionamide, PAS, cyclosérine, capréomycine. Ces traitements, qui concernent des cas particuliers, sont difficiles et doivent impérativement être conduits sous la responsabilité d'un spécialiste averti.
Les sujets infectés par le V.I.H. ont un risque accru de tuberculose. Les règles générales thérapeutiques sont les mêmes que pour un malade non infecté par le V.I.H. Une durée totale de traitement de 6 à 9 mois est recommandée. Cette durée doit être prolongée 12 voire 18 mois en cas d'interruption du traitement, de mauvaise observance, ou d'impossibilité d'utiliser certains antituberculeux majeurs. Les sujets infectés par le V.I.H. ont un risque accru d'allergie aux antituberculeux : fièvre médicamenteuse, éruption cutanée, cytolyse hépatique.
Sur le plan clinique, chez le petit enfant, il faut souligner la relative fréquence des méningites et de la miliaire pulmonaire qui peut, en quelques jours, provoquer une détresse respiratoire aiguë. Chez l'enfant de plus d'un an, l'atteinte ganglionnaire médiastinale est souvent prédominante, source de compression bronchique. La tuberculose ganglionnaire superficielle, particulièrement cervicale, s'observe surtout à partir de l'âge de 10 ans. Chez l'adolescent, les formes généralisées, miliaires et septicémiques sont relativement fréquentes.
L'examen direct est difficile, du fait de l'absence fréquente
d'expectoration. Il faut donc avoir souvent recours aux tubages gastriques,
voire aux lavages broncho-alvéolaires dans certains cas.
Le traitement repose sur le même principe que chez l'adulte (durée totale
de 6 mois) dans la tuberculose pulmonaire mais on ne peut utiliser la forme
associée chez l'enfant de moins de 30 kilos. La pyrazinamide est utilisée
à 20-40 mg/kg ; la dose d'isoniazide est de 10 à 18 mg/kg. La présentation
de la rifampicine sous forme de sirop permet une bonne adaptation des
posologies (10 à 20 mg/kg). L'éthambutol est peu utilisé chez le jeune
enfant du fait de difficultés à contrôler la vision des couleurs. Dans
les formes sévères (miliaire ou méningite), on associe l'éthambutol ou
l'amikacine aux 3 antituberculeux majeurs pendant 2 mois et le traitement
par bithérapie I.N.H.-rifampicine est prolongé 10 mois.
Les antibiotiques antituberculeux sont a priori à éviter au cours de la grossesse. Cependant, en cas de tuberculose-maladie, le traitement curatif de la tuberculose est impératif chez la femme enceinte. La rifampicine doit a priori être évitée au cours des dernières semaines de grossesse mais lorsque l'utilisation est indispensable, elle a pu entraîner des hémorragies maternelles et néonatales qui peuvent être prévenues par l'administration systématique de vitamine K1 à la mère et à l'enfant. L'administration d'isoniazide au cours de la grossesse doit s'accompagner d'une prescription systématique de vitamine B6. Le pyrazinamide est contre-indiqué au cours de la grossesse. L'éthambutol ne présente pas de contre-indication particulière au cours de la grossesse. Les aminosides tels que l'amikacine doivent être a priori évités. Si leur utilisation est indispensable, elle doit être la plus brève possible en raison du risque de toxicité cochléo-vestibulaire pour l'enfant. Les fluoroquinolones sont contre-indiquées chez la femme enceinte.
Investigations à conduire autours d'un cas de
tuberculose ou d'infection tuberculeuse récente
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Mise à jour le 20 août 1997 | CONTACTS |