Cholestérol LDL moyen et prévalence de l’hypercholestérolémie LDL chez les adultes de 18 à 74 ans, Étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007, France métropolitaine

// Mean LDL cholesterol and hypercholesterolemia prevalence in adults aged 18 to 74, French National Nutrition and Health Survey (ENNS) 2006-2007, Metropolitan France

Christine de Peretti 1 (c.deperetti@invs.sante.fr), Clémence Perel1, Francis Chin1, Philippe Tuppin2, Marie-Christine Iliou3, Michel Vernay4, Katia Castetbon4, Nicolas Danchin5
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, Paris, France
3 Hôpital Corentin Celton (AP-HP), Service de réadaptation cardiaque et prévention secondaire, Issy-les-Moulineaux, France
4 Institut de veille sanitaire-Université Paris 13, Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Usen), Bobigny, France
5 Hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP), Service de cardiologie, Paris, France
Soumis le 04.03.2013 / Date of submission: 03.04.2013
Mots-clés : Enquête nationale transversale | Cholestérol LDL | ENNS | France métropolitaine
Keywords: National cross-sectional survey | LDL Cholesterol | ENNS | Metropolitan France

Résumé

Introduction –

Les objectifs de la présente étude étaient de décrire le cholestérol LDL (LDLc) moyen, la distribution des valeurs et la prévalence de l’hypercholestérolémie LDL et de son traitement dans la population française adulte.

Méthodes –

L’Étude nationale nutrition santé (ENNS) est une enquête transversale réalisée en France métropolitaine en 2006-2007. Le LDLc a été mesuré sur un échantillon national de la population adulte âgée de 18 à 74 ans. L’hypercholestérolémie LDL a été définie par une valeur supérieure à 1,6 g/l ou la prise d’un traitement médicamenteux hypolipémiant.

Résultats –

La concentration moyenne du LDLc était égale à 1,27 g/l (IC95%:[1,25-1,30]), sans différence significative entre les hommes et les femmes. Dans la population étudiée, 20,1% avaient un LDLc supérieur à 1,6 g/l et 12,5% ont déclaré un traitement hypolipémiant (statines : 9,6%). La prévalence globale de l’hypercholestérolémie LDL (mesurée ou traitée) était égale à 29,7% ; elle augmentait avec l’âge, atteignant 55,0% entre 65 et 74 ans.

Discussion-conclusion –

Il s’agit d’une première enquête nationale portant sur le cholestérol LDL en population générale. Le renouvellement de l’étude, en 2014, permettra d’estimer les évolutions survenues depuis 2006.

Abstract

Introduction –

The objectives of this study were to assess the mean value of LDL cholesterol (LDLc), distribution of levels and prevalence of hypercholesterolemia and of lipid-lowering drugs in the French adult population.

Methods –

The French National Nutrition and Health Survey (ENNS) consisted in a cross-sectional survey carried out in Metropolitan France in 2006-2007. Cholesterolemia was measured in a national sample of adults aged 18 to 74 years. Hypercholesterolemia LDL was defined for values greater than 1.60 g/l or being treated with lipid-lowering drugs.

Results –

The mean LDLc was 1.27 g/l (CI95%:[1.25-1.30]), without significant difference between genders. The percentage of subjects with LDLc above 1.6 g/l was 20.1% and that of subjects treated with lipid-lowering drugs was 12.5% (statins: 9.6%). The proportion of subjects with LDL hypercholesterolemia (measured or treated) was estimated 29.7%; it increased with age, reaching 55% in the 65-74-year-old population.

Discussion-conclusion –

This is the first national survey carried out on LDLc in the French general population. We plan to perform a second study in 2014 in order to assess recent trends.

Introduction

L’hypercholestérolémie LDL est un facteur de risque majeur et fréquent de nombreuses maladies cardio- et neurovasculaires (cardiopathies ischémiques, accidents vasculaires cérébraux, artériopathies périphériques…). À cet égard, le Programme national nutrition santé (PNNS) et le rapport annexé à la loi relative à la politique de santé publique d’août 2004 (objectif 70) ont fixé un objectif de prévention primaire de réduction de la cholestérolémie LDL moyenne dans la population adulte.

L’estimation des valeurs moyennes de la cholestérolémie et de la prévalence de l’hypercholestérolémie dans la population suppose la réalisation d’enquêtes avec prise de sang et dosage de la cholestérolémie. En France, plusieurs enquêtes avec dosages ont été menées ces dernières années, sur des échantillons représentatifs de la population générale d’une ou plusieurs aires géographiques 1,2, mais aucune sur un échantillon national. L’Étude nationale nutrition santé (ENNS) est la première enquête avec dosage de la cholestérolémie réalisée sur un échantillon national de personnes âgées de 18 à 74 ans résidant en France métropolitaine.

Les objectifs principaux de la présente étude sont d’estimer le cholestérol LDL moyen et la prévalence de l’hypercholestérolémie LDL dans la population adulte résidant en France métropolitaine en 2006 et de décrire les caractéristiques des personnes traitées par statine.

Méthodes

Objectifs et plan de sondage de l’Étude ENNS

L’étude ENNS avait pour objectif principal de décrire les consommations alimentaires, l’activité physique et l’état nutritionnel d’un échantillon d’adultes (18-74 ans) et d’enfants (3-17 ans) résidant en France métropolitaine (à l'exception de la Corse) en 2006. Ses objectifs secondaires étaient de décrire les principaux facteurs de risque cardiovasculaire dans la population adulte, ainsi que l’exposition de la population à certaines substances de l’environnement comme les métaux lourds et les pesticides.

Le plan de sondage et la méthodologie ont été détaillés dans un rapport présentant les premiers résultats de l’enquête 3. Le recrutement de l’échantillon a été réalisé sur un an, selon un sondage à trois degrés (zones d’enquête, ménages, individus). Sur les 4 483 adultes déclarés éligibles, 3 115 ont participé au volet alimentaire de l’enquête et répondu aux différents questionnaires. Parmi eux, 2 035 ont eu l’examen biologique des paramètres lipidiques (45,4%).

Recueil des données

Les facteurs de risque cardiovasculaire ont été recueillis par questionnaire et prélèvements sanguins. Le statut tabagique a été déterminé à partir des déclarations des enquêtés selon trois catégories : les fumeurs actuels (quotidiens ou occasionnels), les anciens fumeurs et les non-fumeurs. Les antécédents de dosage biologique des lipides ont également été recueillis par questionnaire, de même que les traitements, qui ont toutefois été vérifiés par les enquêteurs lors des visites au domicile (boîtes de médicament ou ordonnances). Les traitements hypolipémiants ont été définis par l’appartenance à la classe C10 de la classification ATC (Anatomical Therapeutic Chemical classification system). L’hypertension artérielle traitée a été définie par la prise d’un médicament antihypertenseur (classes ATC C02, C03, C07, C08 et C09) et le diabète traité, par la déclaration d’un traitement antidiabétique (classe ATC A10).

Le prélèvement sanguin a été réalisé soit dans un centre d’examens de santé (CES) de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), soit à domicile. Le dosage des lipides a été effectué chez des personnes à jeun depuis au moins 12 heures au moment du prélèvement. Le cholestérol total, le cholestérol HDL (HDLc) et les triglycérides ont été mesurés in situ par les laboratoires des CES. Le cholestérol LDL (LDLc) a été calculé à partir de la formule de Friedewald, lorsque les valeurs de la triglycéridémie était compatibles avec ce calcul, c’est-à-dire inférieures à 3,4 g/l (N=1 985) ; il a été considéré comme élevé pour des valeurs strictement supérieures à 1,6 g/l. Le HDLc a été jugé faible pour des valeurs inférieures à 0,40 g/l, et élevé pour des valeurs supérieures ou égales à 0,60 g/l, conformément aux seuils définis par les recommandations françaises en vigueur au moment de l’enquête 4.

Suivant ces recommandations, les facteurs de risque connus ou traités appréhendés dans ENNS étaient l’âge (≥50 ans pour les hommes, ≥60 ans pour les femmes), le tabagisme actif, le diabète traité, l’hypertension artérielle traitée et le HDLc bas. A contrario, une valeur élevée du HDLc est considérée comme un facteur protecteur.

Méthodes statistiques

Au final, le LDLc a pu être calculé pour 1 985 personnes : 734 hommes (37,0%) et 1 251 femmes (63,0%). Des pondérations ont été calculées pour tenir compte des probabilités d’inclusion et redresser les données selon les caractéristiques de population fournies par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Les redressements ont été calculés de façon séparée par sexe et calés sur l’âge, le niveau de diplôme, la présence d’enfant dans le ménage et la période de recueil. Les analyses statistiques ont été réalisées avec les procédures adaptées aux plans de sondages complexes du logiciel SAS® Enterprise Guide, version 4.3. Le test du Chi2 a été utilisé pour les analyses bivariées portant sur des variables qualitatives et des régressions linéaires, pour comparer les valeurs moyennes des variables quantitatives. Une analyse multivariée par régression logistique a été conduite pour étudier l’association entre le traitement par statine et les différents facteurs de risque cardiovasculaire et ce, séparément par sexe du fait d’interactions. Tous les résultats présentés appliquent le jeu de pondérations calculé pour les personnes ayant eu l’examen biologique.

Résultats

Caractéristiques de la population : facteurs de risque associés

Les principaux facteurs de risque cardiovasculaire autres que le LDLc sont présentés dans le tableau 1. Tous les facteurs de risque cardiovasculaire considérés étaient plus fréquents pour les hommes que pour les femmes, à l’exception de l’hypertension artérielle traitée. Quatre hommes sur 10 présentaient une augmentation du risque du seul fait de leur âge, contre 1 femme sur 5. De même, les prévalences du tabagisme et du diabète traité étaient significativement plus élevées pour les hommes que pour les femmes.

Tableau 1 : Caractéristiques de la population : facteurs de risque cardiovasculaire hors cholestérol LDL chez les adultes de 18 à 74 ans en France métropolitaine. Étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007
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La proportion de personnes présentant un HDLc <0,40 g/l, globalement égale à 10,5%, était également plus élevée pour les hommes que pour les femmes (17,2% vs. 4,2%, p<10-3). À l’inverse, la proportion de personnes ayant une valeur du HDLc considérée comme protectrice (≥0,60 g/l) était 2 fois plus importante dans la population féminine.

Valeur moyenne du LDLc

Dans l’ensemble de la population, la valeur moyenne du LDLc était égale à 1,27 g/l pour les classes d’âge étudiées (tableau 2). Le quart des enquêtés avaient une concentration du LDLc inférieure à 1 g/l, plus de la moitié avaient une valeur comprise entre 1 g/l et 1,6 g/l et près d’un sur 5, une valeur supérieure à 1,6 g/l (4,7% avaient une valeur supérieure à 1,9 g/l – donnée non présentée). Globalement, il n’y avait pas de différence significative entre les hommes et les femmes, ni pour la moyenne (respectivement 1,28 g/l et 1,27 g/l), ni pour la distribution des valeurs du LDLc. Néanmoins, il existait des variations avec l’âge : la proportion de valeurs élevées, relativement faible avant 35 ans (5,8%), atteignait 30,6% entre 45 et 54 ans. Dans la population masculine, le pourcentage de valeurs supérieures à 1,6 g/l diminuait de 36,7% entre 45 et 54 ans à 18,2% entre 65 et 74 ans, alors qu’il restait relativement stable dans la population féminine (respectivement 25% et 22,1%).

Tableau 2 : Cholestérol LDL chez les adultes de 18 à 74 ans en France métropolitaine : valeurs moyennes et distribution des valeurs. Étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007
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Dans la population restreinte aux personnes sans traitement hypolipémiant, dont l’âge moyen était toutefois plus faible, la valeur moyenne du LDLc était quasi identique (1,28 g/l tous âges confondus).

Dépistages antérieurs et traitements hypolipémiants en cours

Huit personnes sur 10 ont déclaré avoir eu au moins une mesure du cholestérol depuis l’âge de 20 ans (tableau 3). Cette proportion, égale à 56,0% entre 18 et 34 ans, atteignait presque 90% entre 45 et 54 ans, et 98% à partir de 55 ans. Mais elle était plus élevée dans la population féminine, du fait d’une couverture déjà importante entre 18 et 34 ans (près de 80%) et exhaustive dès 55-64 ans (99,8%). Pour les hommes, la couverture initiale était plus faible (33,1% entre 18 et 34 ans), avec un « rattrapage » progressif et une stabilisation à 96% à partir de 55 ans.

Tableau 3 : Hypercholestérolémie LDL : dépistage, traitement et prévalence chez les adultes de 18 à 74 ans en France métropolitaine. Étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007
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Une personne sur 8 a déclaré prendre un médicament hypolipémiant : 2,2% avaient un fibrate et près d’une sur 10, une statine. Cette dernière proportion, quasi nulle chez les jeunes adultes, s’élevait à 29,6% entre 65 et 74 ans. Comparativement aux personnes non traitées par statine, la population sous statine avait, comme attendu, une concentration moyenne du LDLc plus faible (tableau 4). Elle était plus âgée et comportait une plus grande proportion d’hommes, d’hypertendus traités et de diabétiques, mais moins de fumeurs. L’analyse multivariée montrait une association significative entre le traitement par statine et l’âge, le diabète et l’hypertension artérielle dans la population masculine, alors que seuls l’âge et l’hypertension artérielle étaient significativement liés aux statines dans la population féminine (tableau 5). Mais il n’y avait plus d’association significative pour le tabac et le HDLc.

Tableau 4 : Traitement par statine : association avec les facteurs de risque cardiovasculaire chez les adultes de 18 à 74 ans en France métropolitaine. Étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007
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Tableau 5 : Traitement par statine : association avec les facteurs de risque cardiovasculaire (analyse multivariée) chez les adultes de 18 à 74 ans en France métropolitaine. Étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007
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Au final, la prévalence de l’« hypercholestérolémie-LDL », définie à partir des valeurs du LDLc supérieures à 1,60 g/l et de la notion de traitement hypolipémiant, a été estimée à 29,7% entre 18 et 74 ans, dont 42,1% avec traitement médicamenteux (statine : 32,3%).

Discussion

L’étude ENNS est la première enquête avec « mesure » du LDLc réalisée sur un échantillon national de la population adulte âgée de 18 à 74 ans résidant en France métropolitaine. Elle a permis d’estimer à 1,27 g/l la concentration moyenne du LDLc, sans différence significative entre les hommes et les femmes.

Valeurs moyennes du cholestérol LDL

Le PNNS et l’objectif 70 du rapport annexé à la loi relative à la politique de santé publique d’août 2004 promeuvent une baisse de 5% de la cholestérolémie LDL moyenne dans la population générale. Il s’agit d’une approche populationnelle, nutritionnelle, de prévention primaire. Cette approche est complémentaire du dépistage des anomalies lipidiques et du risque cardiovasculaire global et, si nécessaire, de la prise en charge de l’hypercholestérolémie LDL selon les recommandations professionnelles.

Les valeurs moyennes du LDLc estimées à partir d’ENNS sont inférieures de près de 10% à la valeur de référence citée dans l’objectif formulé en 2004 (« 1,53 g/l pour les hommes de 35 à 64 ans »), à partir des valeurs masculines de l’Enquête Monica de 1996. Ceci pourrait refléter une réduction réelle, telle qu’observée par les deux dernières enquêtes transversales des registres Monica français (Enquête « Monica » en 1996 et « Mona Lisa » en 2006-2007) qui ont estimé à près de 6% la réduction de la cholestérolémie LDL survenue entre 1996 et 2006-2007 dans la population de 35 à 64 ans 2. Mais cette différence pourrait aussi être en partie due au fait que les valeurs moyennes du LDLc étaient un peu plus faibles dans ENNS, comparativement aux trois départements couverts par les enquêtes des registres Monica à partir desquelles a été fixé l’objectif 70 (1,35 g/l pour les hommes et les femmes de 35 à 64 ans dans ENNS, versus 1,40 g/l dans Mona Lisa à la même période et pour la même classe d’âge). À l’échelle nationale, l’étude des évolutions survenues au cours des dernières années implique le renouvellement de l’enquête ENNS, actuellement en cours de préparation.

Le projet Monica avait montré la variabilité internationale de la prévalence de l’hypercholestérolémie dans les années 1990, les centres français se situant alors dans une position intermédiaire 5. Les études plus récentes sont peu nombreuses. En 2008, une méta-analyse a estimé la valeur de la cholestérolémie moyenne (cholestérol total) pour l’ensemble des pays à haut revenu à 2,03 g/l pour les hommes et à 2,02 g/l pour les femmes 6. En 2006-2007, la valeur moyenne du cholestérol total était un peu plus élevée dans ENNS (2,08 g/l ; IC:[2,05-2,10], celle du LDLc étant estimée à 1,27 g/l ; IC:[1,25-1,30]). Les valeurs françaises sont similaires à celles observées à Lausanne et en Angleterre, mais plus élevées qu’aux États-Unis pour la période 2007-2010 (LDLc : 1,16 g/l) 7,8,9.

Dépistage des dyslipidémies et traitement hypolipémiant

Le dépistage des dyslipidémies selon une approche d’évaluation du risque cardiovasculaire global est fortement recommandé dans les situations à risque élevé (existence d’une maladie cardiovasculaire, d’antécédents familiaux précoces, d’un autre facteur de risque…) et sinon, conseillée à partir de 40 ans pour les hommes et de 50 ans ou de la ménopause pour les femmes 10. Le projet Monica avait déjà relevé la fréquence élevée du dosage du cholestérol en France dans les années 1990 5. De fait, selon ENNS, la proportion de personnes déclarant en 2006 avoir eu un dépistage lipidique était importante dès 55 ans, dépassant 95%. Mais entre 35 et 54 ans, cette proportion était plus élevée pour les femmes que pour les hommes, en raison, très probablement, de la surveillance médicale entourant la contraception orale féminine.

La part de la population de 18 à 74 ans traitée par hypolipémiant s’élevait à 12,5% en 2006, dont 76,8% sous statine (soit 9,6% de la population). Ces estimations sont très cohérentes avec celles produites par d’autres sources de données. Ainsi, dans l’échantillon généraliste des bénéficiaires de l’assurance-maladie (EGB), 12,5% des personnes de 18 à 74 ans étaient sous hypolipémiant en 2006 et 9,5% sous statine. Pour les âges compris entre 35 et 64 ans, ces estimations, respectivement égales à 12,9% (dont 75,3% sous statine) dans ENNS, étaient très proches de celles de l’Enquête Mona Lisa (respectivement 12,5% et 71,8% pour ces classes d’âge) 2. Compte tenu de l’augmentation des traitements hypolipémiants (+10% entre 2005 et 2009), ces résultats sont également cohérents avec les observations de la Cnamts qui a établi à 14,8% la proportion d’assurés d’au moins 20 ans traités par hypolipémiant en 2010 11,12.

Les recommandations de l’Afssaps (devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ANSM, en 2012) qui étaient en vigueur en 2006-2007, ont promu une approche globale du risque cardiovasculaire avec des objectifs pour le LDLc modulés en fonction du nombre de facteurs de risque associés. Concernant la prise de statine, nous avons observé une interaction entre l’âge et le sexe, avec une prescription plus précoce des statines dans la population masculine sans doute due aux seuils d’âge des recommandations, différents pour chaque sexe, ou encore aux antécédents cardiovasculaires, plus précoces dans la population masculine. Par ailleurs, l’enquête ne permet pas de connaître la valeur du LDLc lors de la prescription initiale de ce médicament. L’analyse multivariée montre toutefois une association significative du traitement par statine avec l’âge, l’hypertension artérielle et le diabète pour les hommes, et avec les deux premiers pour les femmes. Même si le statut tabagique actuel et le HDLc n’étaient pas significativement associés aux statines, cette observation témoigne néanmoins d’une prise en compte du contexte cardiovasculaire - du moins de l’hypertension artérielle et du diabète - dans la décision d’instituer un tel traitement.

Limites et biais

Il s’agit d’une étude descriptive dont les limites doivent être soulignées. En premier lieu, le taux de participation au volet biologique n’était que de 45,4%. Le redressement de l’échantillon a permis de corriger les disparités de participation en fonction du sexe, de l’âge, du niveau d’études et de la présence d’enfants dans le ménage, mais il n’est pas possible de connaître l’état de santé et les facteurs de risque des personnes ayant refusé de participer à l’enquête. En second lieu, les dosages des lipides n’ont pas été réalisés dans un laboratoire centralisé. Mais, comme indiqué, ci-dessus, les estimations de la cholestérolémie et de la prévalence du traitement sont très cohérentes avec les données de la littérature et des bases de données de l’assurance maladie, d’autant que le même constat a été fait pour l’hypertension artérielle et son traitement 13. Par ailleurs, des informations importantes n’ont pas été recueillies, tels les antécédents familiaux précoces, les antécédents personnels et la valeur initiale du LDLc. De ce fait, il n’était pas possible de prendre en compte le risque vasculaire global et de différencier les traitements hypolipémiants prescrits dans un cadre de prévention primaire et ceux relevant de la prévention secondaire, après un événement cardiovasculaire. Enfin, les intervalles de confiance des estimations sont assez larges, du fait des effectifs relativement limités.

Conclusion

L’étude ENNS a permis d’estimer à 1,27 g/l la valeur moyenne de la cholestérolémie LDL dans la population française âgée de 18 à 74 ans en 2006-2007. La prévalence des médicaments hypolipémiants était égale à 12,5% et celle des statines à 9,6%. La proportion de personnes présentant un LDLc supérieur à 1,60 g/l ou déclarant prendre un traitement hypolipémiant s’élevait à 29,7%. Le renouvellement de l’étude ENNS, prévu en 2014, permettra d’établir l’impact des Programmes nationaux nutrition santé sur la cholestérolémie moyenne, ainsi que les évolutions de la prise en charge depuis 2006-2007.

Remerciements

Aux diététiciens qui ont recueilli les données, aux infirmiers et aux médecins des centres d’examens de santé de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) qui ont participé au recueil des données biologiques, ainsi qu’au Centre technique d’appui et de formation des centres d’examens de santé (Cetaf).

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Citer cet article

De Peretti C, Pérel C, Chin F, Tuppin P, Iliou MC, Vernay M, et al. Cholestérol LDL moyen et prévalence de l’hypercholestérolémie LDL chez les adultes de 18 à 74 ans, Étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007, France. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(31):378-85.