Les infections invasives à méningocoques en France en 2012 : principales caractéristiques épidémiologiques

// Invasive meningococcal disease in France in 2012: main epidemiological features

Anne-Sophie Barret1 (meningo-invs@invs.sante.fr), Ala-Eddine Deghmane2, Agnès Lepoutre1, Laure Fonteneau1, Catherine Maine1, Muhamed-Kheir Taha2, Isabelle Parent du Châtelet1

1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Centre national de référence des méningocoques, Institut Pasteur, Paris, France
Soumis le 16.10.2013 // Date of submission: 10.16.2013
Mots-clés : Surveillance | Infections invasives à méningocoques | France
Keywords: Surveillance | Invasive meningococcal disease | France

Résumé

Introduction –

L’incidence annuelle des infections invasives à méningocoques (IIM) en France est comprise, depuis dix ans, entre 0,90 et 1,60 cas pour 100 000 habitants. Les Neisseria meningitidis de sérogroupes B et C sont responsables d’environ 90% des cas.

Méthodes –

La surveillance des IIM repose sur la déclaration obligatoire et la caractérisation des souches par le Centre national de référence des méningocoques (Institut Pasteur, Paris).

Résultats –

En 2012, 559 IIM ont été notifiées dont 547 en France métropolitaine, soit un taux estimé d’incidence de 0,94/100 000 habitants. Ce taux était comparable à celui de 2011. L’âge médian était de 18 ans. Parmi ces cas, 549, soit 98% des cas déclarés, ont été confirmés biologiquement. Le sérogroupe a été déterminé pour 539 cas : 68% étaient du sérogroupe B, 18% du C, 7% du W et 6% du Y. Un purpura fulminans a été rapporté pour 22% des patients. La létalité était de 8%. Une augmentation de l’incidence des IIM C a été observée en 2012 chez les enfants de moins de 1 an et les adultes. Deux situations de regroupement spatio-temporel d’IIM B sont survenues dans les Pyrénées-Atlantiques et en Alsace.

Conclusion –

En 2012, le sérogroupe B restait majoritaire avec diverses souches dont deux génotypes hyper-invasifs qui ont circulé dans deux régions. Une augmentation des IIM W a été identifiée en lien avec l’importation d’un clone d’Afrique subsaharienne et la proportion d’IIM Y est restée plus élevée que ce qui était observé avant 2010. Depuis 2010, une tendance à l’augmentation de l’incidence des IIM C a été observée dans les groupes d’âges non ciblés par la vaccination contre le méningocoque C (moins d’un an et plus de 25 ans). La couverture vaccinale encore insuffisante n’a pas permis l’installation d’une immunité de groupe.

Abstract

Introduction –

In France, the incidence of invasive meningococcal disease (IMD) has varied between 0.90 and 1.60 cases/100 000 inhabitants in the last ten years. Nesseiria meningitidis serogroups B and C have accounted for 90% of IMD.

Methods –

The surveillance of IMD is based on mandatory notification to regional health agencies and characterization of strains at the National Reference Centre for Meningococci (Institut Pasteur, Paris).

Results –

In 2012, 559 IMD were notified of which 547 occurred in mainland France. The estimated incidence rate was 0.94/100,000 inhabitants and was similar to previous year. The median age was 18 years. Among those cases, 549 were laboratory-confirmed (98% of notified cases). The serogroup was determined for 539 cases: 68% belonged to serogroup B, 18% to C, 7% to W and 6% to Y. The proportion of patients with purpura fulminans was 22%. The case fatality rate was 8%. An increase in the incidence of C IMD was observed in 2012 in infants aged less than 1 year and adults. Two space-time clusters of B IMD occurred in 2012 in two regions (Pyrénées-Atlantiques and Alsace).

Conclusion –

In 2012, serogroup B remained the predominant serogroup with diverse isolates. However, two hyperinvasive B genotypes emerged and circulated in two regions. An increase in the incidence of W IMD was observed in relation to an imported strain from Sub-Saharan Africa. The proportion of Y IMD was higher than prior to 2010. Since 2010, an increasing trend of C IMD has been observed in age groups that are not targeted by the meningococcal C vaccination program (those aged less than 1 and over 25 years). The still insufficient vaccine coverage has not permitted yet to develop herd immunity.

Introduction

Les infections invasives à méningocoques (IIM) sont des infections transmissibles graves à début brutal qui se manifestent le plus souvent sous forme de méningite ou de méningococcémie. La forme la plus sévère est le purpura fulminans. Les IIM affectent surtout des sujets jeunes. En France, la majorité des cas survient de manière sporadique.

Parmi les douze sérogroupes décrits, les sérogroupes B, C, Y et W sont les plus répandus en France. La vaccination avec un vaccin polyosidique conjugué contre les méningocoques C a été introduite dans le calendrier vaccinal en 2010 et est recommandée chez les nourrissons âgés de 12 à 24 mois avec un schéma à une dose. Une extension de cette vaccination systématique est recommandée jusqu’à 24 ans 1.

Nous présentons ici l’évolution récente de l’épidémiologie des IIM en France, les principales caractéristiques des cas et les faits marquants survenus en 2012 ainsi que leur évolution au premier semestre 2013. Les résultats détaillés sont disponibles sur le site de l’Institut de veille sanitaire (http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Infections-invasives-a-meningocoques/Donnees-epidemiologiques)

Méthodes

La surveillance des IIM repose sur la déclaration obligatoire (DO). Les cas d’IIM sont signalés à l’Agence régionale de santé (ARS) qui évalue les mesures de prophylaxie nécessaires pour les contacts proches et organise leur mise en œuvre 2. Les critères de signalement et de notification des IIM, leur évolution dans le temps (changements en 2002 et 2006) ainsi que la fiche de DO sont disponibles sur le site de l’Institut de veille sanitaire (http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Infections-invasives-a-meningocoques/Comment-signaler-et-notifier-cette-maladie). La confirmation biologique repose principalement sur l’identification de Neisseria meningitidis par culture ou polymerase chain reaction (PCR) à partir d’un site normalement stérile (sang, liquide céphalorachidien (LCR), articulaire, pleural, péricardique, ou péritonéal) ou d’une lésion cutanée purpurique. Les souches ou les prélèvements biologiques sont envoyés par les laboratoires au Centre national de référence (CNR) des méningocoques (Institut Pasteur, Paris). Le CNR confirme l’identification et l’antibiogramme et procède au typage antigénique et moléculaire de N. meningitidis. Le typage des souches par séquençage de l’ADN et MLST (multilocus sequence typing) caractérise les isolats par le sérogroupe, les régions variables 1 et 2 de la protéine PorA (P1), FetA et le complexe clonal (cc) 3,4.

Les taux de notification correspondent aux taux d’incidence bruts. Les taux estimés d’incidence sont présentés pour la France métropolitaine uniquement et correspondent aux taux de notification corrigés pour la sous-notification en utilisant les taux d’exhaustivité issus d’études de capture-recapture, dont la plus récente conduite en 2005 donne une estimation d’exhaustivité de 92% pour la France métropolitaine 5. Les données démographiques sont issues des estimations localisées de population au 1er janvier 2012 et, pour le département de Mayotte, des données du recensement 2007 (source : Insee). Les cas déclarés à Mayotte ont été inclus dans l’analyse depuis 2010 et, de ce fait, les données pour ce département ont été exclues des analyses historiques antérieures à 2010.

Les caractéristiques des cas sont présentées pour la France entière.

Les couvertures vaccinales des vaccins conjugués contre le méningocoque C ont été estimées à partir des données de remboursement de vaccins, issues de l’Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) du Système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie (Sniir-AM) au 31 décembre 2012.

L’analyse a été réalisée avec le logiciel Stata® 12.1. La significativité statistique correspondait à un p<0,05. Les proportions ont été comparées en utilisant le test du Chi2. Les taux d’incidence annuels ont été comparés par un test exact basé sur l’hypothèse d’une distribution de Poisson.

Résultats

Incidence et caractéristiques des cas survenus en 2012

Nombre de cas et évolution des taux d’incidence

En 2012, 559 IIM ont été notifiées dont 547 en France métropolitaine et 12 dans les départements d’outre-mer (DOM). Le taux de notification des IIM en France métropolitaine était de 0,86/100 000 habitants et le taux estimé d’incidence était de 0,94/100 000 habitants. Ils étaient comparables à ceux de 2011 (taux de notification : 0,89; taux estimé d’incidence : 0,96/100 000).

Sur 559 cas, le sérogroupe était connu pour 539 cas (96%) : 366 (68%) étaient du B, 99 (18%) étaient du C, 40 (7%) du W, 30 (6%) du Y et 4 cas (1%) étaient des sérogroupes plus rares.

L’évolution des taux estimés d’incidence pour les quatre principaux sérogroupes en France métropolitaine est présentée dans la figure 1. En 2012, le taux estimé d’incidence était de 0,60/100 000 habitants pour les IIM B et de 0,16/100 000 habitants pour les IIM C. Ces taux étaient comparables à ceux observés en 2011. Le taux de notification des IIM W a triplé entre 2011 et 2012 (0,02 à 0,06/100 000 ; p<10-3). Le taux de notification des IIM Y a diminué de 30% (0,07 à 0,05/100 000 ; p=0,04).

Figure 1 : Taux d’incidence annuels corrigés pour la sous-notification des infections invasives à méningocoques (IIM) liées aux principaux sérogroupes, France métropolitaine, 1996-2012
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Distribution selon l’âge et le sexe

Le sexe ratio H/F était de 1,1. L’âge médian était de 18 ans. Le taux de notification des IIM était de 9,02/100 000 chez les nourrissons de moins de 1 an et diminuait dans les autres classes d’âge (2,97 chez les 1-4 ans, 0,69 chez les 5-14 ans, 1,87 chez les 15-24 ans et 0,41 chez les 25 ans et plus).Le sérogroupe B était prédominant dans toutes les classes d’âge et représentait 77% des IIM de sérogroupe connu chez les moins de 15 ans. Les IIM C représentaient environ 20% des cas dans toutes les classes d’âges, excepté chez les 1 à 4 ans où elles représentaient 9% des cas (p=0,09). Les IIM W sont survenues dans toutes les classes d’âges avec une proportion variant entre 4 et 12%. La proportion d’IIM Y était significativement plus élevée chez les plus de 60 ans, atteignant 16% (figure 2).

Figure 2 : Distribution des cas d’infections invasives à méningocoques (IIM) par sérogroupes (pour les principaux sérogroupes) et par groupes d’âge, France entière, 2012
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Départements de résidence

Les taux de notification départementaux des IIM (tous sérogroupes, IIM B et IIM C) sont présentés dans la figure 3. Tous sérogroupes confondus, le taux de notification pour 100 000 habitants était plus de 2 fois supérieur au taux national brut (0,86) dans 7 départements,dont 3 en Bretagne. Pour les IIM B, 2 départements avaient un taux de notification supérieur à 1,50/100 000 habitants : les Pyrénées-Atlantiques (2,26) et la Somme (1,57). Pour les IIM C, 5 départements avaient un taux de notification supérieur à 1,00/100 000 habitants, dont 2 en Bretagne et 2 en Midi-Pyrénées.

Figure 3 : Taux de notification des infections invasives à méningocoques (IIM), tous sérogroupes, sérogroupe B et sérogroupe C, par département de résidence, France, 2012
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Gravité et pronostic de la maladie

Le nombre de patients avec la notion de purpura fulminans était de 121 (22%). La proportion de purpura fulminans était de 22% pour les IIM B ainsi que pour les IIM C, et de 13% pour les IIM W ainsi que pour les IIM Y. Sur 508 patients, 76 (38%) ont reçu un traitement antibiotique précoce, pour suspicion de purpura fulminans (dont 67 par injection).

Sur 558 patients, 46 (8%) sont décédés et 36 (6%) ont présenté des séquelles précoces. Comme les années précédentes, la létalité était plus importante en présence (21%) qu’en l’absence (5%) de purpura fulminans (p<10-3). La létalité était la plus élevée chez les personnes âgées de plus de 50 ans (21%) et était comprise entre 4% et 6% dans les autres groupes d’âge (p<10-3). Elle était de 5% pour les IIM B, 14% pour les IIM C, 7% pour les IIM W et 8% pour les IIM Y (p=0,006).

Confirmation du diagnostic et caractérisation des souches

En 2012, 549 (98%) cas ont été confirmés biologiquement dont 536 (98%) par culture et/ou PCR. Les complexes clonaux (cc) des méningocoques invasifs ont été déterminés pour 409 cas (73%). La répartition des cas d’IIM par cc et sérogroupe est présentée dans la figure 4. Les plus fréquents en 2012 étaient cc11, cc41/44 et cc32 qui représentaient 54% des souches invasives circulantes. Les souches cc11 étaient majoritairement du sérogroupe C. Comme en 2011, les méningocoques B étaient quasiment exclusifs au sein des cc41/44, cc32, cc269, cc213, cc461, cc162 et cc60. Les méningocoques Y représentaient la totalité des cc23 et cc167. Les méningocoques W étaient en majorité du cc11 et la totalité des souches du cc22 étaient du sérogroupe W.

Figure 4 : Répartition des cas d’infections invasives à méningocoques (IIM) déclarés selon les principaux complexes clonaux (Multi Locus Sequence Type) et sérogroupes identifiés par le Centre national de référence des méningocoques, France entière, 2012
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Faits marquants en 2012

Poursuite de l’augmentation de l’incidence des IIM C

Au niveau national, après une diminution significative du taux de notification des IIM C entre 2002 et 2010 (de 0,41 à 0,13/100 000 habitants ; p<10-3), cette baisse ne s’est pas poursuivie en 2012 (figure 1). Dans les groupes d’âge ciblés par les recommandations du calendrier vaccinal (1-24 ans), une tendance à la baisse des taux de notification a été observée entre 2010 et 2012 chez les 1-14 ans (de 0,27 à 0,16) et les 20-24 ans (de 0,37 à 0,30). En revanche, une tendance à l’augmentation a été observée chez les moins de 1 an (de 0,88 à 1,50), les 15-19 ans (de 0,27 à 0,45) et de manière significative chez les adultes de plus de 25 ans (de 0,04 à 0,09, p=0,01) (figure 5). D’après les données issues de l’EGB, la couverture vaccinale au 31/12/2013 des vaccins conjugués contre le méningocoque C dans les groupes d’âge ciblés par les recommandations du calendrier vaccinal était de 50% chez les 1-4 ans, et elle diminuait ensuite dans les autres groupes d’âge (30% chez les 5-9 ans, 22% chez les 10-14 ans, 13% chez les 15-19 ans, 3% chez les 20-24 ans).

Dans le Finistère, une augmentation de l’incidence des IIM C a été observée en 2012. Douze cas d’IIM C ont été signalés (taux de notification : 1,32/100 000 habitants) dont 3 chez des nourrissons de moins de 1 an. Toutes les souches appartenaient au cc11. Une prédominance du clone « C:P1-5,2:F3-3:cc11 » était observée. La couverture vaccinale anti-méningocoque C a été estimée insuffisante pour produire une immunité de groupe et protéger indirectement les sujets non vaccinés 6. Conformément à un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) 7, l’ARS de Bretagne a renforcé la promotion de la vaccination des sujets âgés de 1-24 ans et étendu cette vaccination aux nourrissons âgés de 2 à 11 mois de manière transitoire dans le département du Finistère. Au 1er trimestre 2013, 8 cas d’IIM C sont survenus dans le Finistère (aucun chez les moins de 1 an).

Figure 5 : Évolution des taux de notification annuels des infections invasives à méningocoques C (IIM C) en fonction des groupes d’âges, France entière, 2005-2012
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Émergence et diffusion de clones virulents de sérogroupe B

Dans les Pyrénées-Atlantiques, un regroupement spatio-temporel de 4 IIM B liées au clone « B:P1.7,16:F3-3:cc32 » est survenu dans une zone regroupant les communes de Lagor, Navarrenx et leurs environs, entre juillet et septembre 2012. Le taux de notification des IIM B dans la zone concernée était de 14/100 000 habitants. Les quatre souches présentaient des caractéristiques identiques à celles du clone responsable de l’hyper-endémie en Seine-Maritime et dans la Somme. Suite à la survenue en avril 2013 de 2 nouveaux cas d’IIM B du même clone ayant des liens épidémiologiques à Lagor et conformément à un avis du HCSP 8, une vaccination par MenBvac® des sujets contacts des cas et des personnes de 2 mois à 24 ans résidant dans la zone de Lagor-Navarrenx a été organisée par l’ARS d’Aquitaine. Dans l’ouest du département, une augmentation de l’incidence des IIM B a été observée mais caractérisée par une diversité génétique des souches.

En Alsace, une augmentation significative de l’incidence des IIM B a été observée en 2012 avec l’émergence d’un clone du cc269 (P1.19-1,15-11). Au total, 16 IIM B de ce clone et une IIM B non typée sont survenues, dont 13 cas dans le Bas-Rhin et 4 cas dans le Haut-Rhin. L’émergence de ce clone a concerné particulièrement les adolescents et jeunes adultes fréquentant un quartier universitaire de Strasbourg 9. En janvier 2013, deux cas d’IIM B liés au clone sont survenus dans le Haut-Rhin et la surveillance reste renforcée.

Évolution récente des IIM Y

L’augmentation de l’incidence des IIM Y observée en 2010 et 2011 ne s’est pas poursuivie en 2012 (figure 1). Parmi les souches reçues au CNR, le cc23 représentaient 34% des souches et avec plusieurs combinaisons de PorA et FetA. Cependant, au premier semestre 2013, une tendance à la hausse a été de nouveau observée avec un nombre d’IIM Y (31 cas) légèrement supérieur à celui observé au premier semestre 2011 (24 cas).L’âge médian des cas d’IIM Y était en 2012 de 52 ans et au premier semestre 2013 de 63 ans.Comme les années précédentes, le cc-23 était prédominant et représentait 58% des cas d’IIM Y avec un cc déterminé en 2013.

Discussion-conclusion

En 2012, le taux estimé d’incidence des IIM en France métropolitaine était de 0,94/100 000 habitants. Ce taux était stable par rapport aux années précédentes.

Après une diminution du taux d’incidence des IIM C entre 2002 et 2010, la tendance marque un fléchissement avec une légère augmentation du taux d’incidence entre 2011 et 2012. L’augmentation de l’incidence des IIM C s’est poursuivie au premier semestre 2013, avec 85 cas d’IIM C signalés (contre 40 cas au premier semestre 2010, 43 cas en 2011, 61 cas en 2012). Cette augmentation concernait notamment les nourrissons de moins de 1 an, les personnes de 15-19 ans et les adultes de plus de 25 ans. La couverture vaccinale obtenue jusqu’à ce jour n’a pas conduit à une diminution rapide de l’incidence des IIM C et n’a pas permis d’observer d’immunité de groupe comme cela a été observé au Royaume-Uni et aux Pays-Bas 10,11,12. Une augmentation de la couverture vaccinale, notamment chez les adolescents chez lesquels le taux de portage et de circulation des méningocoques est le plus élevé 13, permettrait de protéger les populations non ciblées par le programme de vaccination (notamment les moins de 1 an) et d’éviter l’installation et la diffusion de clones virulents de méningocoque C comme dans le Finistère en 2012.

En 2012, le taux d’incidence des IIM B était stable par rapport aux années précédentes mais certains clones ont été à l’origine de situations épidémiques localisées. Le vaccin Bexsero® (Novartis Vaccines and Diagnostics) a obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne en janvier 2013 pour la vaccination dès 2 mois contre les IIM B. Ce vaccin comporte quatre antigènes vaccinaux majeurs NHBA, NadA, fHbp et PorA P1.4 susceptibles d’induire la synthèse d’anticorps bactéricides protecteurs contre les IIM. La proportion estimée de souches invasives circulant en France entre juillet 2007 et juin 2008 couvertes par le vaccin (au moins 1 antigène) était de 85% (IC95%:[69-93]) 14. En 2012, les deux situations de regroupement spatio-temporel d’IIM B dans les Pyrénées-Atlantiques et en Alsace étaient liées à la prédominance d’un clone couvert par le vaccin. La disponibilité récente du vaccin Bexsero® en France pourrait contribuer au contrôle de ce type de situation épidémiologique impliquant une souche B couverte par le vaccin 15.

Une tendance à l’augmentation des IIM Y a été observée en 2010 et en 2011 16. Cette tendance n’a pas été observée en 2012 mais a repris sur les premiers mois de 2013, avec un changement de l’âge des cas. Après un déplacement des IIM Y vers des groupes d’âges plus jeunes entre 2006 et 2010 (âge médian de 73 ans en 2006 et de 20 ans en 2010), les IIM Y touchaient à nouveau davantage les personnes âgées de 60 ans et plus en 2012 et 2013. Une augmentation des IIM Y s’observe également en Europe depuis 2010 17. Les IIM Y surviennent le plus souvent chez des personnes âgées associées à des infections pulmonaires ou chez des personnes plus jeunes porteuses d’un déficit en fraction terminale du complément 18. Une étude des formes cliniques et facteurs de risque des IIM Y pourrait être utile si cette augmentation de l’incidence se poursuit en France.

L’incidence des IIM W a augmenté avec une prédominance des souches du cc11 alors que, pour les années antérieures,les souches W appartenaient le plus souvent au cc22. Le dernier pic d’IIM W en France a eu lieu en 2000 et avait été observé dans un contexte d’épidémie internationale au retour des pèlerins d’Arabie Saoudite 19. Les cas d’IIM W appartenant au complexe clonal ST-11 et survenus début 2012 avaient un lien épidémiologique avec un pays d’Afrique subsaharienne (Bénin, Mali, Sénégal) 20 où le sérogroupe W était prédominant 21. Cet épisode en France a conduit à rappeler les recommandations de vaccination contre le méningocoque pour les voyageurs se rendant dans les pays appartenant à la ceinture de la méningite en Afrique subsaharienne.

Remerciements

Nous remercions les cliniciens et les biologistes déclarants, les professionnels des Agences régionales de santé (ARS) qui ont participé au recueil d’information, les personnels des ARS et des Cellules interrégionales d’épidémiologie de l’InVS (Cire) qui ont contribué aux investigations des situations inhabituelles, ainsi que Mireille Allemand à l’InVS pour la cartographie.

Références

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Citer cet article

Barret AS, Deghmane AE, Lepoutre A, Fonteneau L, Maine C, Taha MK, et al. Les infections invasives à méningocoques en France en 2012 : principales caractéristiques épidémiologiques. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(1-2):pages.