Prévalence, morbidité et  mortalité associées aux hépatites B et C chroniques dans la population hospitalisée en France, 2004-2011

// Prevalence, morbidity and mortality associated with chronic hepatitis B and C in the French hospitalized population (2004-2011)

Alexandra Septfons (a.septfons@invs.sante.fr), Allison Gautier, Cécile Brouard, Pascale Bernillon, Javier Nicolau, Christine Larsen
Institut de veille sanitaire, Saint Maurice, France
Soumis le 12.12.2013 // Date of submission: 12.12.2013
Mots-clés : PMSI | Hépatite chronique B | Hépatite chronique C | Mortalité | Prévalence hospitalière
Keywords: Hospital Discharge Data System | Chronic hepatitis B | Chronic hepatitis C | Mortality | Hospitalization prevalence

Résumé

Objectifs –

Étudier la prévalence, la morbidité et la mortalité associées à une hépatite chronique B (HBC) ou C (HCC) ainsi que leurs évolutions dans la population française hospitalisée entre 2004 et 2011.

Méthodes –

Les hospitalisations avec un diagnostic d'HBC ou HCC ont été chaînées à partir du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Le nombre de personnes hospitalisées avec une HBC ou une HCC a été rapporté au nombre total de personnes hospitalisées pour estimer la prévalence hospitalière. Les facteurs de risque de décès des patients hospitalisés avec une HBC ou une HCC compliquée (cirrhose, carcinome hépatocellulaire [CHC]) ont été étudiés.

Résultats –

Entre 2004 et 2011, 54 409 patients avec une HBC et 161 387 avec une HCC ont été hospitalisés ; la prévalence hospitalière a augmenté pour l'HBC (de 0,09% à 0,11%) et diminué pour l'HCC (de 0,45% à 0,33%). 4 965 et 21 164 patients, atteints respectivement d’HBC et d’HCC, sont décédés, une complication étant diagnostiquée dans 60,2% et 61,0% des cas. La mortalité a augmenté (HBC : de 4,9% à 7,7% ; HCC : de 4,6% à 10,6%). Les facteurs de risque associés au décès des patients avec une complication étaient, pour l’HBC : la résidence hors Île-de-France, l’âge ≥50 ans, les diagnostics de CHC et de dépendance à l’alcool ; pour l’HCC : le sexe masculin, la résidence hors Île-de-France, l'hospitalisation à domicile, l’âge ≥50 ans, les diagnostics de dépendance à l’alcool, de CHC, de co-infection VIH et de lymphome non hodgkinien.

Conclusion –

Ces résultats, concordants avec les données d’enquêtes épidémiologiques spécifiques, confirment l’intérêt de l’utilisation du PMSI comme outil complémentaire de surveillance pour les hépatites chroniques B et C, en tenant compte de ses biais et limites.

Abstract

Objectives –

To estimate prevalence and trends of morbidity and mortality associated with chronic hepatitis B (CHB) and C (CHC) in the French hospitalized population between 2004 and 2011.

Methods –

Based on the 2004-2011 French Hospital Discharge Data System (medical, surgical, obstetrical unit and home medical care), hospitalizations for CHB or CHC were chained. CHB and CHC prevalence were calculated taking into account the total number of hospitalized patients. Risk factors associated with death were analyzed both in patients with CHB and CHC and liver complications (cirrhosis, hepatocellular carcinoma-HCC).

Results –

In 2004-2011, 161,387 and 54,409 patients were hospitalized with CHB and CHC respectively. CHB prevalence increased from 0.09% to 0.11% and CHC prevalence decreased from 0.45% to 0.33%. Respectively, 21,164 and 4,965 CHB and CHC patients died; a liver complication was diagnosed in 61.0% and 60.2% of cases. Between 2004 and 2011, the mortality increased in both CHB and CHC hospitalized patients (respectively, from 4.9% to 7.7% and from 4.6% to 10.6%). Risk factors associated with death in patients with complications were for CHB: residence out of Ile-de-France region, age ≥50 years, diagnosis of HCC, alcohol addiction; for CHC: male sex, residence out of Ile-de-France region, being hospitalized in home medical care, age≥50 years, diagnosis of alcohol addiction, HCC, HIV coinfection and non-Hodgkin lymphoma.

Conclusion –

Consistent with data from specific epidemiological studies, these results validate the use of the French Hospital Discharge Data System as a complementary tool for monitoring chronic hepatitis B and C mortality, taking into account its biases and limitations.

Introduction

La France est un pays de faible endémicité pour les infections chroniques par les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC), avec des prévalences inférieures à 1% estimées en 2004 en population générale 1. Cependant, ces prévalences sont toujours très élevées dans des populations très exposées au risque d’infection par le VHC, comme chez les usagers de drogues (44%) 2, ou par le VHB, comme chez les migrants en situation de précarité sociale (près de 7%) 3. Ces infections représentent un réel problème de santé publique en France du fait de leur morbidité (risque d’évolution vers la cirrhose et/ou le carcinome hépatocellulaire) et de la mortalité annuelle qui leur est associée, estimée en 2001 à plus de 1 500 et 3 600 décès 4 pour, respectivement, le VHB et le VHC.

En l’absence de nouvelles estimations de la prévalence et de la mortalité associées aux hépatites B et C dans la population générale française, l’objectif de ce travail était d’estimer la prévalence et la mortalité associées aux hépatites B et C chroniques dans la population hospitalière et d’en suivre les tendances entre 2004 et 2011. Les objectifs secondaires étaient : 1) d’explorer la faisabilité et l’intérêt du couplage des données du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie et obstétrique (PMSI-MCO), et en hospitalisation à domicile (PMSI-HAD) ; 2) d’étudier les facteurs associés au décès des patients hospitalisés avec une complication d’hépatite (cirrhose, carcinome hépatocellulaire).

Méthodes

Population d’étude

Dans les bases nationales du PMSI-MCO et HAD, ont été identifiés les séjours des patients de 18 ans et plus hospitalisés en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer (DOM), comportant les codes B180 et B181 (hépatite chronique B avec ou sans agent delta), et B182 (hépatite chronique C) en diagnostic principal (DP), relié (DR) ou associé (DA), entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2011 (à l’exception des séjours identifiés pour acte de dialyse, radiothérapie ou imagerie). Les séjours ont été chaînés grâce au numéro d’anonymat.

Définition de cas

Un cas prévalent a été défini par au moins une hospitalisation en MCO ou HAD dans l’année, avec un diagnostic d’hépatite chronique B ou C en DP, DR ou DA.

Le taux de prévalence une année donnée a été défini par le rapport entre le nombre annuel de cas prévalents et le total de patients hospitalisés par année (données de l'Agence technique de l’information sur l’hospitalisation - Atih).

À partir du moment où un cas était identifié par un diagnostic d’hépatite chronique en DP, DR ou DA, tous ses séjours ultérieurs et antérieurs ont été considérés.

Les complications d’hépatite chronique ont été définies par les diagnostics de cirrhose ou de ses complications (ascite, syndrome hépatorénal, rupture des varices œsophagiennes…) et de carcinome hépatocellulaire (CHC) en DP, DR ou DA.

Seules les comorbidités décrites comme des facteurs associés à la sévérité de l’atteinte hépatique (cirrhose et CHC) 4 ont été prises en compte dans cette étude. Elles ont été définies par les diagnostics (DP, DR, DA) d’infection VIH, de diabète non insulinodépendant ou d’obésité définissant le syndrome métabolique, le lymphome non hodgkinien pour l’hépatite C et les dépendances à l’alcool et aux substances psychoactives.

Les décès ont été repérés par le code « décès » dans le champ « mode de sortie » de la base PMSI.

Analyse statistique

Les caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, région de résidence), les complications, les comorbidités et les actes (biopsie et transplantation hépatiques, hépatectomie) ont été analysés.

Une analyse de survie a été effectuée pour étudier les facteurs associés au décès à partir du premier séjour mentionnant un diagnostic de complication et jusqu’à la date de décès ou le dernier séjour en MCO ou HAD. Seuls les patients non décédés au premier séjour ont été retenus pour l'analyse de survie. L’analyse de survie par un modèle de Cox a été évaluée mais n’a pas pu être mise en œuvre de façon satisfaisante, car de nombreuses variables d’intérêt ne respectaient pas l’hypothèse des risques proportionnels, hypothèse fortement recommandée pour son application. Un modèle de régression à accélération des risques Log-logistique a donc été utilisé.

Le modèle final a été choisi d'après le critère d'Akaike, en contrôlant la colinéarité des variables par la mesure du paramètre VIF (facteur d’inflation de la variance).

Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® 12.0 (Stata Corporation, College Station, Texas, États-Unis), le seuil de significativité étant fixé à 5%.

Résultats

Prévalences hospitalières des hépatites chroniques B et C

Sur la période 2004-2011, 215 796 patients ont été hospitalisés avec un diagnostic d’hépatite chronique B ou C, le nombre de patients hospitalisés avec une HBC augmentant de 36% entre 2004 et 2011 (p<0,001) et celui de patients hospitalisés avec une HCC diminuant de 16% (p<0,001) (tableau 1).

Tableau 1 : Prévalence hospitalière des hépatites chroniques B et C (PMSI-MCO, HAD), 2004-2011, France
Agrandir l'image

L’inclusion des patients a été réalisée avec un DP d’hépatite chronique pour un patient sur cinq (26% inclus HBC, 21% inclus HCC), avec un DR dans 1 cas sur 10 (11% pour les deux) et avec un DA dans 63% des inclusions pour HBC et 68% pour HCC. La proportion de patients inclus sur un DP tendait à diminuer entre 2004 à 2011 pour les HCC (de 23% à 15%) alors qu’elle restait stable pour les patients avec une HBC.

Les prévalences hospitalières de l’HBC et de l’HCC ont été estimées à respectivement 0,15% et 0,44% sur la période 2004-2011, avec une augmentation de la prévalence annuelle de l’HBC (de 0,09% en 2004 à 0,11% en 2011 ; p<0,001) alors que la prévalence annuelle de l’HCC tendait à diminuer (0,45% en 2004 à 0,33% en 2011 ; p<0,001).

Si les hommes étaient majoritaires dans les deux groupes (HBC : 61,9% ; HCC : 58,4%), leur proportion a diminué entre 2004 et 2011 parmi les porteurs d’HBC (de 62,9% à 61,1% ; p<0,001) et a augmenté parmi les porteurs d’HCC (de 57,9% à 59,5% ; p<0,001).

Les porteurs d'HBC étaient significativement plus jeunes (âge moyen : 48,4 ans) que ceux ayant une HCC (54,2 ans). La moyenne d’âge des porteurs d’HBC était stable sur la période (48,4 ans) alors qu’elle tendait à augmenter chez les porteurs d’HCC (de 52 ans en 2004 à 56 ans en 2011 ; p<0,001).

Les femmes étaient plus jeunes que les hommes (moyenne : 47,7 ans vs 50,6 ans ; p<0,001) dans le groupe HBC, et plus âgées dans le groupe HCC (59,4 ans vs 53,0 ans ; p<0,001).

Sur la période, une complication (cirrhose ou CHC) était présente parmi 21,8% des patients avec une HBC et 25,8% de ceux avec une HCC. Une cirrhose était rapportée chez 16,6% et 24,3% des porteurs d’HBC et d’HCC, respectivement, cette proportion augmentant entre 2004 et 2011 dans les deux groupes, mais de façon plus marquée dans le groupe HCC (HBC : de 17,9% à 20,5% ; p<0,001 ; HCC : de 17,8% à 33,7% ; p<0,001) (figure 1). Un CHC, associé ou non à une cirrhose, était plus fréquent chez les porteurs d’HCC que chez les porteurs d’HBC (6,7% vs 5,9% ; p<0,001).

Figure 1 : Évolution entre 2004 et 2011 du nombre et de la proportion de patients hospitalisés avec un diagnostic de cirrhose ou de carcinome hépatocellulaire (CHC) parmi les patients hospitalisés (PMSI-MCO, HAD), 2004-2011, France
Agrandir l'image

Les hommes avaient plus fréquemment un diagnostic de complication que les femmes, tant parmi les porteurs d’HBC (cirrhose : 26,9% vs 13,7% ; p<0,001 ; CHC : 6,1% vs 1,4% ; p<0,001) que parmi ceux avec une HCC (cirrhose : 30,4% vs 23,2% ; p<0,001 ; CHC : 5,1% vs 2,7% ; p<0,001).

Les patients avec complication étaient plus âgés en moyenne dans les deux groupes qu'en l'absence de complication (HBC : 57,9 ans vs 51,3 ans ; p<0,001 ; HCC : 58,8 ans vs 53,6 ans ; p<0,001).

Mortalité parmi les patients hospitalisés avec une hépatite chronique B ou C

Sur la période 2004-2011, 4 965 patients avec une HBC et 21 164 patients avec une HCC sont décédés à l’hôpital ou en HAD, soit une mortalité globale de, respectivement, 9,1% (HBC) et 13,1% (HCC).

La mortalité était plus élevée parmi les hommes que parmi les femmes, dans le groupe HBC (11,0% vs 6,0%) comme HCC (13,8% vs 12,1%) (p<0,001). Les patients décédaient plus jeunes en moyenne dans le groupe HBC que dans le groupe HCC (62,6 ans vs 65,0 ans ; p<0,001). Les hommes, en revanche, étaient plus jeunes au décès que les femmes dans les deux groupes (HBC : âge moyen au décès : 61 ans vs 67 ans ; p<0,001 ; HCC : 62 ans vs 70 ans ; p<0,001).

Plus de 60% des décès (HBC : 60,2% ; HCC : 61,0%) sont survenus parmi les patients hospitalisés avec une complication. Un CHC a été diagnostiqué parmi 21,6% et 18,0% des patients décédés porteurs d’HBC et d’HCC respectivement.

En cas de dépendance à l’alcool, la mortalité des patients était plus élevée dans les deux groupes (HBC : 24,8% vs 6,8% ; p<0.001 ; HCC : 21,4% vs 10,4% ; p<0.001). Cette mortalité était encore plus élevée parmi les patients cirrhotiques (HBC : 29,9% vs 4,7% ; p<0,001 ; HCC : 30,8% vs 7,0% ; p<0.001) et en présence de carcinome hépatocellulaire (HBC : 50,2% vs 10,3% ; p<0,001 ; HCC : 47,1% vs 7,0% ; p<0,001).

Entre 2004 et 2011, la mortalité globale des patients hospitalisés a augmenté dans les deux groupes (HBC : de 4,9% à 7,7% ; p<0,001 ; HCC : de 4,6% à 10,6% ; p<0,001) (figure 2).

Figure 2 : Évolution du nombre et du pourcentage de décès parmi les patients hospitalisés avec un diagnostic d’hépatite B ou C chronique, par année d’hospitalisation (PMSI-MCO, HAD), 2004-2011, France
Agrandir l'image

Analyse de survie des patients hospitalisés après un diagnostic de complication entre 2004 et 2011

Parmi les 40 748 patients (7 649 patients HBC et 33 099 patients HCC) hospitalisés avec une cirrhose et/ou un CHC, les hommes étaient majoritaires (HBC : 78,2% ; HCC : 64,6%). Parmi eux, la mortalité était de 31,2% dans le groupe HBC et de 31,7% dans celui d’HCC ; pour les patients avec une HCC, une interaction a été mise en évidence entre la dépendance à l’alcool et le statut VIH.

Parmi les patients hospitalisés avec une complication hépatique (cirrhose et/ou CHC), les facteurs associés au risque de décès plus précoce (Time ratio <1) étaient i) pour l’HBC : la résidence hors Île-de-France, l’âge ≥50 ans, le diagnostic de CHC, le séjour en HAD et la dépendance à l’alcool ; ii) pour l’HCC : le sexe masculin, la résidence hors Île-de-France, le séjour en HAD, l’âge ≥50 ans, la dépendance à l’alcool, les diagnostics de CHC, de co-infection VIH et de lymphome non hodgkinien (tableau 2).

Tableau 2 : Facteurs indépendamment associés à un décès plus précoce ou plus tardif pour les patients hospitalisés avec une hépatite B ou C chronique et un diagnostic de complication hépatique (cirrhose ou carcinome hépatocellulaire) (PMSI-MCO, HAD), 2004-2011, France
Agrandir l'image

Discussion

Le choix de coupler les séjours en MCO et en HAD reposait sur l'hypothèse d’une prise en charge à domicile des patients en fin de vie et/ou avec des complications d'hépatite. En effet, si la part relative des séjours en HAD était faible (~0,5%), près de 2% (488) des décès sont survenus en HAD. Ce chaînage par le numéro d’anonymat a également permis de récupérer des diagnostics de complications d’hépatite et des diagnostics de comorbidités qui n’apparaissaient pas dans la base MCO. Ce travail a donc permis d'estimer les morbidités et mortalités hospitalières et d'étudier les facteurs associés au décès.

Prévalence dans la population hospitalisée

Pour la première fois en France, la prévalence hospitalière des hépatites chroniques B et C entre 2004 et 2011 a été calculée à partir des données exhaustives d’hospitalisations (base de données PMSI). Elle est, respectivement, de 0,15% et 0,44%. On note que la prévalence de l’HBC dans la population hospitalière en 2004 était beaucoup plus faible (0,09%) que celle estimée en population générale métropolitaine (0,65%, IC95%: [0,45-0,93]) 1. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette plus faible prévalence : la méconnaissance du statut vis-à-vis du VHB dans la population générale était élevée en 2004, puisque seules 45% des personnes positives pour l’antigène HBs connaissaient leur statut 1 ; la majorité des patients pris en charge pour une HBC présentent une hépatite chronique peu active (antigène HBe négatif, transaminases normales, charge virale VHB faible <2 000 UI/mL) 5,6 pour lesquels un suivi en ambulatoire est suffisant ; quand un traitement antiviral est prescrit (chez 24% des patients pris en charge) 6, ce traitement (le plus souvent une monothérapie) est bien toléré, engendre peu d’effets secondaires et requiert rarement un suivi spécialisé. La population hospitalisée pour une HBC présente par ailleurs des caractéristiques démographiques similaires à celles la population générale positive pour l’AgHBs, les hommes étant majoritaires et les femmes plus jeunes que les hommes. Ces similitudes sont aussi observées en comparant avec les données de surveillance nationale de l’HBC à partir des pôles de référence 6.

À la différence de l’HBC, la prévalence hospitalière de l’HCC en 2004 (0,45%) se rapprochait de celle estimée en population générale (0,53% [0,40-0,70]) 1. La connaissance du diagnostic d’HBC dans la population générale était plus élevée (59%) 1 ; le traitement antiviral de l’HCC, institué dans près de la moitié des cas (45%)  6, étant plus lourd (bithérapie incluant de l’interféron et de la ribavirine), souvent mal toléré et pouvant conduire à des hospitalisations fréquentes. Les caractéristiques démographiques des patients hospitalisés avec une HCC entre 2004 et 2011 étaient également assez semblables à celles de la population générale présentant une HCC en 2004 1. En comparant avec les données des pôles de référence, on observe que la part plus importante des personnes avec une HCC est retrouvée, pour les deux études, dans la classe d’âge des 40-49 ans. De plus, les femmes hospitalisées sont plus âgées (59 ans) que les hommes (53 ans), comme estimé grâce aux pôles de référence avec, en 2006, une moyenne d’âge de 46,4 ans pour les hommes et de 51,5 pour les femmes 7.

Dans la population des personnes hospitalisées, les tendances observées suggèrent une baisse régulière de la prévalence de l’HCC entre 2004 et 2011 et une stabilité de celle de l’HBC depuis 2007. La diminution de la prévalence observée dans la population hospitalisée avec une HCC est concordante avec la diminution de la prévalence observée parmi les nouveaux donneurs de sang entre 2002 et 2012 et les usagers de drogues entre 2004 et 2011 2,8,9. Cette diminution pourrait aussi être liée à l’impact des traitements antiviraux contre le VHC depuis 2000, la proportion de patients porteurs chroniques d’une hépatite C ayant diminué entre 1994 et 2004 dans la population générale, passant de 81% à 57% [40-72] 7. La stabilité de la prévalence de l’HBC est concordante avec la stabilité des flux migratoires en France depuis plusieurs années (données Insee, Ined).

L’augmentation de la proportion des complications sur la période pourrait être liée: 1) à l'histoire naturelle et à l'évolution lente des hépatites chroniques virales : les complications reflètent dans l'étude les contaminations par le VHB et VHC plus fréquentes observées dans les années 1970-1990. En effet, 10 à 20% des hépatites chroniques C évoluent en cirrhose 20 à 30 ans après la contamination et après 30 à 40 ans pour les hépatites chroniques B ; 2) au rappel, à partir de 2010, des patients cirrhotiques infectés par le VHC de génotype 1 qui étaient en échec thérapeutique après une bithérapie conventionnelle et qui ont pu bénéficier d’un nouveau traitement (trithérapie associant une antiprotéase à la bithérapie conventionnelle), en autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte dès janvier 2011 10.

En outre, il y a probablement une surreprésentation des formes compliquées dues à notre population d’étude restreinte aux personnes hospitalisées.

Mortalité hospitalière

La définition de cas utilisée dans notre étude était très sensible. Les diagnostics figurant en DP n'étaient donc pas systématiquement liés à la pathologie hépatique, y compris lorsque le décès survenait au cours de l'hospitalisation, comme nous l'avons constaté lors d'une étude complémentaire (résultats non présentés). Il convient donc d'interpréter avec précaution les résultats concernant le lien de causalité entre le décès, les facteurs de risque étudiés et la pathologie virale chronique. De plus, seules les données de l’enquête du CépiDc (Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès) de 2001 peuvent renseigner sur la cause exacte de décès et permettent de définir l’imputabilité des décès aux virus 4. En l'absence d’éléments de confirmation (retour au dossier médical par exemple), la mortalité observée dans notre étude surestime probablement le nombre de décès hospitaliers associés à l’hépatite virale chronique. Cependant, nous avons pu également exclure des patients pour lesquels complications et décès n’ont pas été pris en compte, si le diagnostic d'hépatite B ou C n'a jamais été saisi (DP, DR, DA). Néanmoins, selon l’Atih, l’analyse des décès avec le PMSI est fiable, le codage du décès présente peu d’erreurs de saisie et les effectifs des patients décédés à l’hôpital observés dans le PMSI sont très proches de ceux dénombrés par l’Insee 11.

La mortalité hospitalière associée aux HBC et HCC estimée dans notre étude est inférieure à la mortalité estimée en 2001, que ce soit en 2004 (données MCO) ou en 2005 (données MCO+HAD). Se basant sur les certificats de décès et sur une enquête complémentaire avec un retour au dossier médical, les estimations produites par le CépiDc en 2001 sont plus spécifiques pour ce qui concerne la mortalité associée aux hépatites B et C que pour la mortalité hospitalière calculée à partir d’informations saisies dans le PMSI, dispositif à visée médico-économique. Cependant, l’âge moyen au décès estimé dans notre étude (HBC : 63 ans, HCC : 65 ans) n’est pas différent de celui estimé en 2001 (HBC : 65 ans ; HCC : 66 ans).

L’augmentation de la mortalité entre 2004 et 2011 pourrait s’expliquer par l’augmentation de la proportion et du nombre de cirrhoses chez les patients atteints d’hépatite B ou C chronique, le diagnostic de cirrhose étant associé à une plus grande mortalité en 2001 4.

Les facteurs associés au risque de décès parmi les patients hospitalisés avec une complication d’hépatite sont concordants avec les données épidémiologiques de 2001 mettant en évidence le rôle majeur de la consommation d’alcool, de la co-infection avec le VIH (pour HCC) et du sexe masculin 4. Dans notre étude, la co-infection avec le VIH était en faveur d’un risque de décès plus précoce parmi les patients avec un diagnostic d’HCC, mais sans effet significatif sur la survie des patients avec un diagnostic d’HBC. Or, à la différence des traitements de l’HCC qui lui sont spécifiques, les analogues nucléosidiques et nucléotidiques utilisés contre le VHB sont également des inhibiteurs de la transcriptase inverse du VIH. Ils sont préférentiellement prescrits chez les patients co-infectés VIH-VHB et bien tolérés 12. Il est probable qu’en réduisant la charge virale VHB chez ces patients, l’évolution de l’HBC vers la cirrhose soit retardée par rapport aux patients co-infectés VIH-VHC, pour lesquels les traitements anti-VHC sont spécifiques, très lourds et dont la prescription peut être retardée pour contre-indications ou mauvaise adhérence 13.

L’augmentation du risque de décès (ou diminution de la durée de survie) pour les patients ayant des comorbidités en lien avec un syndrome métabolique n’a pas été mise en évidence. Le diabète non-insulinodépendant et l’obésité étaient identifiés comme des facteurs associés à une progression plus rapide vers la cirrhose et le développement d’un CHC. Il est probable que le codage de ces diagnostics dans le PMSI ne soit pas suffisamment exhaustif pour permettre une interprétation dans le cadre d’une surveillance épidémiologique, et nous n’avons pas pu estimer l’exhaustivité de ces codes diagnostiques. Comparativement à une prise en charge pour une complication d’hépatite (CHC ou cirrhose), dont la létalité est très élevée (autour de 30% dans notre étude), la prise en compte des pathologies métaboliques a probablement peu d’impact (en termes de mobilisation de moyens) sur la prise en charge globale hospitalière. Une étude menée au CHU de Dijon en 2010 a montré que 47% des patients obèses n’ont pas été codés dans le PMSI pour leur état nutritionnel 14.

Limites

Nos résultats doivent être interprétés en tenant compte du défaut d’exhaustivité du numéro anonyme, qui ne permet pas le chaînage des séjours (pour MCO : en 2004, 4,4% des séjours sans numéro anonyme, 0,8% en 2009 ; pour HAD en 2004 : 7,3% et en 2011 : 1,2%) 15 ; de la qualité du codage des informations saisies dans le PMSI (erreurs de codage de variables sociodémographiques, exhaustivité non évaluée pour les DA...) ; du probable défaut d’exhaustivité des diagnostics d’hépatites chroniques et de certaines comorbidités, comme les dépendances à l’alcool ou aux substances et l’obésité, s’ils n’ont pas entrainé de soins spécifiques lors des hospitalisations 16.

L’évolution du codage des diagnostics (changement de définition pour le DP, amélioration de la qualité de la saisie et du nombre de DA) entre 2008 et 2009 aurait pu augmenter de façon significative le nombre de patients repérés par ces diagnostics en 2009. Si nous n’observons pas cette augmentation en 2009, il est possible que cette amélioration du codage soit néanmoins prise en compte dans les trois dernières années de notre période d’étude.

Des travaux complémentaires (ex : retour au dossier médical) sont néanmoins nécessaires pour préciser la qualité des données et mesurer la validité du PMSI-MCO et HAD pour l'étude des hépatites virales chroniques. Des travaux pour valider l’utilisation des données du PMSI ont déjà été mis en place pour d’autres pathologies telles que pour les infarctus cérébraux 17 ou les cancers de la thyroïde 18, montrant une exhaustivité satisfaisante du PMSI.

En perspective de ce travail, une exploitation des données du Sniiram (Système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie) pour les hépatites chroniques B et C pourra être envisagée.

Conclusion

Cette étude confirme l'intérêt de l'utilisation du PMSI pour l’analyse des trajectoires hospitalières de patients avec un diagnostic d'hépatite chronique virale et l'utilité du couplage des bases PMSI-MCO et PMSI-HAD.

Les résultats obtenus, concordants avec les études épidémiologiques en population générale, suggèrent que le PMSI pourrait être une source de données utile pour le suivi des évolutions des hépatites virales chroniques et pour évaluer le poids des hépatites en termes de morbi-mortalité, en complément d'enquêtes ponctuelles spécifiques en population.

Remerciements

À Jean-Claude Desenclos, Caroline Semaille, Lucie Léon et Etienne Lucas pour leur implication dans ce travail.

Références

[1] Meffre C, Le Strat Y, Delarocque-Astagneau E, Dubois F, Antona D, Lemasson JM, et al. Prevalence of hepatitis B and hepatitis C virus infections in France in 2004: social factors are important predictors after adjusting for known risk factors. J Med Virol. 2010;82(4):546-55.
[2] Jauffret-Roustide M, Pillonel J, Weill-Barillet L, Léon L, Le Strat Y, Brunet S, et al. Estimation de la séroprévalence du VIH et de l’hépatite C chez les usagers de drogues en France. Premiers résultats de l’enquête ANRS-Coquelicot 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(39-40):504-9. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11832
[3] Médecins du Monde. Observatoire de l’accès aux soins de la mission France. Rapport 2011. Paris : Médecins du Monde; 2012. 218 p. http://www.medecinsdumonde.org/Publications/Les-Rapports/En-France/Observatoire-de-l-acces-aux-soins-de-la-mission-France
[4] Péquignot F, Hillon P, Antona D, Ganne N, Zarski JP, Méchain M, et al. Estimation nationale de la mortalité associée et imputable à l’hépatite C et à l’hépatite B en France métropolitaine en 2001. Bull Epidémiol Hebd. 2008;(27):237-40. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=3472
[5] Zarski JP, Marcellin P, Leroy V, Trepo C, Samuel D, Ganne-Carrie N, et al; Fédération nationale des Pôles de référence et des Réseaux Hépatites. Characteristics of patients with chronic hepatitis B in France: Predominant frequency of HBe antigen negative cases. J Hepatol. 2006;45(3):355-60.
[6] Institut de veille sanitaire. Dossier thématique hépatites virales [Internet]. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Hepatites-virales
[7] Delarocque-Astagneau E, Meffre C, Dubois F, Pioche C, Le Strat Y, Roudot-Thoraval F, et al. The impact of the prevention programme of hepatitis C over more than a decade: the French experience. J Viral Hepat. 2010;17(6):435-43.
[8] Pillonel J, Legrand D, Sommen C, Laperche S. Surveillance épidémiologique des donneurs de sang et risque résiduel de transmission du VIH, de l'HTLV, du VHC et du VHB par transfusion en France entre 2008 et 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(39-40):438-42. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11020
[9] Jauffret-Roustide M, Le SY, Couturier E, Thierry D, Rondy M, Quaglia M, et al. A national cross-sectional study among drug-users in France: epidemiology of HCV and highlight on practical and statistical aspects of the design. BMC Infect Dis. 2009;9:113.
[10] Hézode C, Fontaine H, Dorival C, Larrey D, Zoulim F, Canva V, et al. Triple therapy in treatment-experienced patients with HCV-cirrhosis in a multicentre cohort of the French Early Access Programme (ANRS CO20-CUPIC). J Hepatol. 2013;59(3):434-41.
[11] Cellule d’analyse de l’activité de l’Agence technique d’information sur l’hospitalisation. Le décès dans le PMSI-MCO. Validation et précautions d’utilisation. Quelques résultats. Lyon: Atih; 2010. 33 p.
[12] Kosi L, Reiberger T, Payer BA, Grabmeier-Pfistershammer K, Strassl R, Rieger A, et al. Five-year on-treatment efficacy of lamivudine-, tenofovir- and tenofovir + emtricitabine-based HAART in HBV-HIV-coinfected patients. J Viral Hepat. 2012;19(11):801-10.
[13] Winnock M, Bani-Sadr F, Pambrun E, Loko MA, Carrieri P, Neau D, et al; French National Agency for Research on AIDS and Viral Hepatitis (ANRS) CO13 HEPAVIH Study Group. Factors associated with guideline-based hepatitis C virus (HCV) treatment initiation in HIV/HCV-coinfected patients: role of comorbidities and physicians' perceptions. HIV Med. 2013;14(7):430-6.
[14] Brindisi M-C, Potignon C, Musat A, Hillon P, Rat P, Osmak L, et al. Impact financier pour les établissements hospitaliers du mauvais codage PMSI de la dénutrition et de l’obésité. Étude au sein du pôle des pathologies digestives, endocriniennes et métaboliques du CHU de Dijon. Nutr Clin Métab. 2010;24(S1):118-9.
[15] Agence technique d’information sur l’hospitalisation. Aide à l’utilisation des informations de chaînage. Lyon: Atih; 2013. 26 p. http://www.atih.sante.fr/aide-lutilisation-des-informations-de-chainage
[16] Rotily M, Vainchtock A, Jouaneton B, Abergel A, Wartelle-Bladou C. Surveillance de la prise en charge de l’hépatite chronique C : analyse des données nationales du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Bull Epidémiol Hebd. 2012;(31-32):365-9. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10881
[17] Haesebaert J, Termoz A, Mouchoux C, Mechtouff L, Schott AM. Validation de l’utilisation des données issues du PMSI pour identifier les patients pris en charge pour un infarctus cérébral - Résultats préliminaires. Rev Epidémiol Santé Publique. 2012;60(S1):S11.
[18] Carré N, Uhry Z, Velten M, Trétarre B, Schvartz C, Molinié F, et al. Valeur prédictive et sensibilité du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) par rapport aux registres des cancers : application au cancer de la thyroïde (1999-2000). Rev Epidémiol Santé Publique. 2006;54(4):367-76.

Citer cet article

Septfons A, Gautier A, Brouard C, Bernillon P, Nicolau J, Larsen C. Prévalence, morbidité et mortalité associées aux hépatites B et C chroniques dans la population hospitalisée en France, 2004-2011. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(12):202-9.