Les cas de tuberculose déclarés en France en 2012

// Cases of tuberculosis notified in France in 2012

Delphine Antoine (d.antoine@invs.sante.fr), Fatima Belghiti, Jean-Paul Guthmann, Christine Campese, Daniel Lévy-Bruhl, Didier Che
Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 25.03.2014 // Date of submission: 03.25.2014
Mots-clés : Tuberculose | Épidémiologie | Surveillance | France
Keywords: Tuberculosis | Epidemiology | Surveillance | France

Résumé

Les données présentées dans cet article concernent les cas de tuberculose maladie déclarés en France au cours de l’année 2012.

Le nombre de cas de tuberculose maladie déclarés était de 4 975 en 2012 en France, soit 7,6 cas pour 100 000 habitants. Le nombre de cas est resté stable comparé à 2011 (4 991 cas, soit -0,3%). Les données épidémiologiques montrent que, malgré une incidence nationale faible et en baisse depuis plusieurs décennies, la tuberculose n’est pas encore maîtrisée partout en France. Comme les années précédentes, les taux de déclaration de la maladie restent plus élevés en Île-de-France, en Guyane et à Mayotte et dans certains groupes de population, particulièrement les personnes nées à l’étranger arrivées récemment en France. Cet élément souligne l’importance de ne pas relâcher la vigilance en matière de maîtrise de la tuberculose, particulièrement pour ces populations, afin de garantir une bonne prise en charge des cas et limiter les résistances aux antituberculeux.

Enfin, entre 2000 et 2012, le taux de déclaration de tuberculose a augmenté en France métropolitaine hors Île-de-France parmi les moins de 5 ans. Cette situation nécessite donc une attention particulière, notamment dans le contexte d’une couverture vaccinale BCG insuffisante, en particulier hors Île-de-France, et doit inciter à poursuivre les efforts d’information et de sensibilisation des médecins à l’intérêt et à la pratique de la vaccination par le BCG.

Abstract

This article presents data on tuberculosis (TB) cases reported in France in 2012.

The number of TB cases reported in 2012 in France was 4,975 (7.6 cases per 100,000 inhabitants). The number of TB cases remained stable compared to 2011 (4,991 cases or -0.3 %). Despite a low national TB incidence declining for several decades, according to epidemiological data, TB is not under control everywhere in France. As in previous years, disease notification rates were higher in Ile-de-France, French Guyana, Mayotte Island and in some population groups, particularly in persons born abroad recently arrived in France. This underlines the importance of continuous vigilance on TB control, especially for those population groups, to ensure adequate case management and to limit the development of TB resistance.

Between 2000 and 2012, the tuberculosis notification rate has increased outside the Ile-de-France region in children under 5 years of age. This requires special attention, especially in the context of a low level of BCG immunization, especially outside Ile-de-France, and should call for further efforts to inform and sensitize physicians to the interest and to the practice of BCG vaccination.

Introduction

L’incidence de la tuberculose a régulièrement diminué en France depuis la fin du XIXe siècle, sauf pendant les deux périodes de guerre mondiale 1,2. Cette baisse, liée dans un premier temps à l’amélioration des conditions de vie, notamment de logement et de nutrition, s’est accentuée dans le milieu des années 1950 avec l’apparition des traitements antituberculeux combinés. Elle s’est poursuivie grâce au développement des mesures de lutte contre la tuberculose avec, notamment, les dépistages des populations les plus à risque et la généralisation des enquêtes autour des cas de tuberculose. Avec moins de 10 nouveaux cas de tuberculose maladie déclarés pour 100 000 habitants depuis 2004, la France est considérée, au plan international, comme un pays à faible incidence de tuberculose. Cette situation masque cependant des différences importantes entre zones géographiques et groupes de population, nécessitant que les mesures mises en place pour maîtriser la tuberculose s’adaptent à ces disparités.

Les informations permettant d’identifier et de caractériser les populations les plus à risque de tuberculose sont en partie fournies par le système de la déclaration obligatoire (DO), dont les résultats pour l’année 2012 sont présentés dans cet article.

Méthodes

Source de données

Les données présentées sont issues de la DO, dont les principes ont été précédemment décrits 3, et concernent les cas de tuberculose maladie déclarés en 2012 en France. La DO de tuberculose nécessite au niveau local le recueil d’éléments nominatifs pour que l'enquête d'entourage puisse être initiée. De ce fait, depuis l’anonymisation de la DO de l’infection à VIH en 2003, l'information sur l’infection par le VIH n'est plus collectée en France dans le cadre de la DO tuberculose.

Des données sur la résistance aux antituberculeux (uniquement rifampicine et isoniazide) sont collectées dans la DO depuis 2003. Cependant, les données de la DO tuberculose ne sont pas exhaustives et sont de qualité relative. C’est la raison pour laquelle ce sont les données du Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA) qui sont utilisées au niveau national et international (European Centre for Disease Prevention and Control – ECDC, Organisation mondiale de la santé – OMS) pour la surveillance de la résistance aux antituberculeux.

Les données de Mayotte sont intégrées dans les données France entière depuis 2011. Elles sont comprises dans les analyses présentées lorsque celles-ci portent sur 2011 et 2012 mais sont exclues des analyses de tendance portant sur les années antérieures à 2011.

Définition de cas de tuberculose maladie

Les cas de tuberculose maladie à déclarer comprennent les cas avec des signes cliniques et/ou radiologiques compatibles avec une tuberculose s’accompagnant d’une décision de traitement antituberculeux standard, que ces cas soient ou non confirmés par la mise en évidence d’une mycobactérie du complexe tuberculosis à la culture.

Les formes pulmonaires comprennent les atteintes du parenchyme pulmonaire, de l’arbre trachéo-bronchique et du larynx 4.

Données de population

Les données de population utilisées pour calculer les taux sont les estimations de population annuelles de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de 2012 et celles du recensement de 2009 concernant les lieux de naissance. Les données sur les personnes sans domicile fixe sont issues d’une estimation réalisée par l’Insee en 2011 5.

Analyse

La dénomination « taux de déclaration » est utilisée au lieu de « taux d’incidence » en raison de la sous-déclaration des cas.

Les pourcentages sont calculés parmi les cas pour lesquels l’information est connue, sauf indication contraire dans le texte. L’analyse des données a été effectuée avec le logiciel Epi info® (version TM 3.3.2, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, États-Unis). Les comparaisons de données ont été effectuées à l’aide du test du Chi2 ou du test de Fisher avec une signification statistique considérée au seuil de 5%.

Résultats

Nombre de cas déclarés en 2012 et distribution géographique

En 2012, 4 975 cas de tuberculose maladie ont été déclarés en France (dont 186 dans les DOM), soit un taux de déclaration de 7,6 cas pour 100 000 habitants. Le nombre de cas est resté stable comparé à 2011 (4 991 cas, soit -0,3%).

Avec 1 747 cas déclarés en 2012, l’Île-de-France comptait 35% des cas de tuberculose maladie déclarés en France. Comme en 2011, l’Île-de-France, Mayotte et la Guyane étaient les trois zones géographiques à plus fort taux de déclaration (respectivement 14,7/105, 16,9/105 et 24,2/105). Dans toutes les autres régions, le taux de déclaration était inférieur à 10 cas pour 100 000 habitants en 2012.

Caractéristiques sociodémographiques des cas

Les hommes représentaient 59% des cas de tuberculose déclarés. Le nombre de cas était plus élevé chez les hommes que chez les femmes, sauf parmi les moins de 15 ans. L’âge médian des patients était de 42 ans (écart interquartile : 28-63 ans). Les patients de moins de 5 ans (n=144) représentaient 2,9% des cas déclarés (tableau).

Le rapport hommes/femmes était de 12 sur 10 pour les personnes nées en France contre 17 sur 10 pour celles nées à l’étranger (figure 1). Parmi les cas nés en France, environ 25% étaient des jeunes adultes (25-44 ans) et 40% étaient des personnes de plus de 60 ans, alors que pour les cas nés à l’étranger, ces proportions étaient respectivement de 50% et 20% (figure 1).

Le taux de déclaration était plus élevé chez les hommes que chez les femmes (9,3 vs. 6,0/105 ; p<0,001). Par groupe d’âges, il était plus élevé chez les adultes de 25 à 44 ans (11,1/105) et chez les personnes de 65 ans et plus (10,3/105) (tableau).

Tableau : Nombre de cas déclarés et taux de déclaration de tuberculose (pour 100 000) par principales caractéristiques, France entière, 2012
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Figure 1 : Nombre de cas déclarés de tuberculose par sexe, groupe d’âges et lieu de naissance, France entière, 2012
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Entre 2000 et 2012, en France entière (sans inclure Mayotte), le taux de déclaration de tuberculose a baissé dans tous les groupes d’âges, sauf chez les enfants de moins de 5 ans (figure 2). Cette stabilisation du taux de déclaration chez les moins de 5 ans peut masquer des disparités géographiques. Ainsi, on note que le taux de déclaration a baissé en Île-de-France (10,8/105 en 2000 vs. 5,7/105 en 2012) mais a augmenté en France métropolitaine, hors Île-de-France (respectivement 1,8/105 vs. 3,1/105).

Si l'on étend l’analyse aux enfants nés après la baisse de couverture vaccinale observée dès 2006 (enfants de moins de 7 ans en 2012), on note une baisse du nombre de cas en Île-de-France et en Guyane (où la recommandation vaccinale s’applique à tous les enfants), comparé à 2005, lorsque la vaccination était obligatoire pour tous les enfants. On observe, par ailleurs, une augmentation du nombre de cas hors Île-de-France (où la recommandation vaccinale s’applique aux enfants à risque élevé de tuberculose). Cette augmentation hors Île-de-France/Guyane s’accompagne d’une diminution de la part des sujets vaccinés par le BCG. Ces modifications restent compatibles avec ce qui était attendu 6.

Figure 2 : Taux de déclaration de tuberculose maladie (pour 100 000) par groupe d’âges, France entière, 2000-2012 (à l’exclusion de Mayotte)
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Le lieu de naissance était renseigné pour 92% des cas de tuberculose déclarés en 2012. Les personnes nées en France représentaient 44% des cas ; celles nées dans un autre pays d’Europe (y compris de l’Union européenne) : 11%, en Afrique subsaharienne : 20%, en Afrique du Nord : 14%, en Asie : 8%, et dans une autre région : 3%.

L’analyse de l’évolution du nombre de cas par région de naissance est faite depuis 2004, car la proportion de données renseignées sur la région de naissance est supérieure à 90% depuis cette date (sans Mayotte, intégrée dans les données nationales depuis 2011). De 2004 à 2012, le nombre de cas de tuberculose nés en France a baissé (2 686 contre 2 005) alors que celui des cas nés à l’étranger est resté relativement stable (2 526 contre 2 518). Pendant cette période, on observe une légère baisse du nombre de cas nés en Afrique du Nord (706 contre 631), une relative stabilité pour les patients nés en Afrique subsaharienne et en Asie, et une augmentation annuelle régulière du nombre de cas nés en Europe (hors France) (288 contre 488). Les cas de tuberculose nés dans un pays d’Europe centrale ou d’Europe de l’Est représentaient 57% des cas nés en Europe en 2012.

Les taux de déclaration en 2012 étaient de 3,5/105 parmi les personnes nées en France et de 35,3/105 chez les personnes nées à l’étranger (tableau). Le taux de déclaration était de 103,4/105 chez les personnes nées en Afrique subsaharienne, de 59,3/105 parmi celles nées en Asie, de 23,8/105 parmi celles nées en Afrique du Nord. Il était de 18,1/105 parmi les personnes nées en Europe (sans la France) et de 37,2/105 parmi les personnes nées dans les autres régions (Amériques et Océanie).

Parmi les 2 538 cas nés à l’étranger, l’année d’entrée en France était renseignée pour 1 824 cas (72%). Trente pour cent (30%) d’entre eux étaient arrivés depuis moins de deux ans au moment de la déclaration de leur tuberculose, 17,6% entre deux et quatre ans, 14,6% entre cinq et neuf ans et 37,8% étaient en France depuis 10 ans ou plus. Le taux de déclaration chez les personnes nées à l’étranger diminuait avec l’ancienneté de l’entrée en France. Il était de 216,5/105 chez les personnes arrivées depuis moins de deux ans et de 12,9/105 chez celles arrivées en France depuis 10 ans ou plus (figure 3). Le taux de déclaration le plus important était observé chez les personnes nées en Afrique et arrivées en France depuis moins de deux ans au moment du diagnostic (397/105) (figure 3).

Figure 3 : Taux de déclaration de tuberculose (pour 100 000) par région de naissance et ancienneté d’arrivée en France, patients nés à l’étranger, France entière, 2012
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Les personnes qui vivaient en collectivité au moment de la déclaration de tuberculose étaient au nombre de 658 (15% des cas avec information renseignée). Parmi ces 658 cas, 39% vivaient en centre d’hébergement collectif, 14% en établissement pour personnes âgées, 10% en établissement pénitentiaire, 30% dans une autre structure, et pour 6% le type d’hébergement n’était pas précisé.

Les personnes sans domicile fixe représentaient 4,6% (n=231) des 4 354 cas avec information renseignée, avec un taux estimé à 173,7/105.

Les personnes avec une tuberculose déclarée en 2012 et nées à l’étranger vivaient en collectivité ou étaient sans domicile fixe plus fréquemment que les personnes nées en France (respectivement 19% vs. 11% ; p<0,001 et 8% vs. 3% ; p<0,001).

Caractéristiques cliniques des cas

Les tuberculoses pulmonaires avec ou sans autre localisation de la maladie représentaient 74% des cas avec une localisation renseignée (n=4 947), proportion relativement stable depuis le début des années 2000.

Les localisations respiratoires autres que pulmonaires (pleurale et ganglionnaire intra-thoracique) concernaient 14% des cas, et les formes exclusivement extra-respiratoires 12% des cas.

Une localisation méningée était notée pour 108 cas de tuberculose déclarés en 2012 (soit 1,8%), dont 8 cas chez des enfants de moins de 15 ans (2 cas âgés de 9 à 13 ans et 6 cas âgés de moins de 5 ans). Le nombre de cas de tuberculose méningée des enfants de moins de 5 ans était de moins de 3 cas annuellement depuis 2007, année du changement de politique vaccinale par le BCG. Parmi les 6 cas de tuberculoses méningées déclarés en 2012 chez des enfants de moins de 5 ans, 2 étaient nés à l’étranger et avaient été très probablement infectés dans leur pays d’origine. Parmi les 4 autres cas, 1 enfant était vacciné par le BCG et les 3 autres enfants, qui résidaient en France métropolitaine hors Île-de-France, n’étaient pas vaccinés bien qu’éligibles à la vaccination BCG.

Parmi les cas pulmonaires pour lesquels l’information était connue (n=3 405/3 671), 50% avaient un examen microscopique direct positif, signe de plus forte contagiosité. Parmi les 1 975 cas pulmonaires avec un résultat de microscopie négatif ou inconnu, 939 avait un résultat de culture positif sur prélèvement respiratoire. Au total, 71,7% de tous les cas pulmonaires avaient un résultat de microscopie ou de culture positif sur prélèvement respiratoire.

Les cas de tuberculose avec un résultat de culture renseigné représentaient 57,4% de l’ensemble des cas déclarés (2 858/4 975), dont 82% avaient un résultat positif.

Parmi les cas de tuberculose avec une information renseignée (2 991/4 975), la proportion de cas ayant eu un antécédent de tuberculose traitée par antituberculeux était de 12% (372/2 991), similaire aux années précédentes.

Contexte du diagnostic

Le contexte du diagnostic, collecté depuis 2007, était renseigné pour 86% des cas. Le diagnostic de tuberculose s’était effectué dans le cadre d’un recours spontané au système de soins pour 76% d’entre eux, lors d’une enquête autour d’un cas pour 6%, lors d’un dépistage pour 4% et dans un autre contexte pour 14% des cas (exemple : recours aux soins sans lien avec la tuberculose). Cette répartition est similaire aux années précédentes.

Discussion

Les données épidémiologiques font état d’une stabilisation du taux de déclaration de la tuberculose en 2012. Même en tenant compte de l’exhaustivité de la déclaration de la tuberculose, estimée à environ 65%-70% 7,8, la France reste un pays de faible incidence.

Entre 2000 et 2012, le taux de déclaration de tuberculose a baissé dans tous les groupes d’âges, sauf chez les enfants de moins de 5 ans chez qui il est resté relativement stable et avec une hausse en France métropolitaine hors Île-de-France. Cela nécessite donc une attention particulière, notamment dans le contexte de baisse de la couverture vaccinale BCG dans les suites du retrait du Monovax® en janvier 2006 et de la suspension de l’obligation de vaccination en juillet 2007. Les données disponibles depuis 2006 ne montraient pas d’impact de ces modifications au-delà de ce qui était attendu 9,10. Cependant, l’insuffisance de la couverture vaccinale (voir encadré), en particulier hors Île-de-France, et la part importante dans cette même zone, parmi les méningites tuberculeuses de l’enfant, de cas survenus chez des enfants éligibles à la vaccination BCG mais non vaccinés, incitent à poursuivre les efforts d’information et de sensibilisation des médecins à l’intérêt et à la pratique de la vaccination par le BCG.

Encadré : Évolution de la couverture vaccinale par le BCG en France
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De 2004 à 2012, le nombre de cas est resté relativement stable chez les personnes nées à l’étranger, alors qu’il a baissé chez les personnes nées en France. Les données sur les flux migratoires de 2006 à 2011 n’indiquent pas de changements concernant les effectifs et la répartition par grande région d’origine des immigrations à caractère permanent en France entière 11. D’autres facteurs pourraient expliquer que le nombre de cas ne diminue pas dans ces populations, notamment des difficultés d’accès aux soins et de prise en charge ainsi que des conditions de vies plus précaires. La proportion de personnes résidant en collectivité et de personnes sans domicile fixe était en effet plus importante chez les personnes nées à l’étranger que chez celles nées en France. Il convient donc de favoriser, pour ces populations 12, un recours aux soins dans des délais brefs afin d’assurer les conditions permettant une identification rapide et une prise en charge de la maladie afin d’en limiter l’extension, particulièrement au sein de leurs communautés. En effet, et même s’il faut rester prudent quant à l’interprétation des études, la transmission de la tuberculose entre immigrés et population originaire du pays d’accueil semble limitée et le nombre de cas qui résultent de ces transmissions est faible 13,14, justifiant de cibler les efforts sur les populations les plus à risque.

Quant aux taux de tuberculose selon la date d’arrivée en France, les données montrent que les personnes nées à l’étranger ont un risque important de développer la maladie dans les premières années qui suivent leur arrivée en France et que ce risque est plus important si ces personnes sont originaires d’Afrique subsaharienne. En effet, compte tenu des niveaux de prévalence de la maladie dans ces régions, le risque d’avoir été exposé au bacille tuberculeux y est plus grand. Malgré une proportion élevée de données manquantes, ces résultats sont cohérents avec les données présentées précédemment 3 et ce qui est décrit dans les autres pays à faible incidence.

On note une augmentation du nombre de cas déclarés de tuberculose chez des personnes nées en Europe (hors France) dont une partie est originaire d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. Les pays de cette région présentent des incidences de tuberculose élevées (supérieures à 50/105) et sont confrontés à des niveaux importants de multirésistance aux antituberculeux 4.

Le nombre de souches multirésistantes (Multidrug resistant, MDR, résistante à l’isoniazide et à la rifampicine) reçues au CNR-MyRMA, qui était resté stable entre 2006 et 2010 (environ 50 souches/an), a augmenté en 2011 et 2012 (respectivement 69 et 92 souches) 15. Cette évolution est essentiellement liée à l’augmentation du nombre de souches issues de patients nés dans des pays de l’ex-URSS, qui représentaient 50% des cas de tuberculose MDR en 2012 et dont l’arrivée en France était très probablement récente 15. La situation épidémiologique internationale et les facteurs de risque de résistance aux antituberculeux, notamment les antécédents de tuberculose, sont donc importants à prendre en compte pour permettre une prise en charge rapide et adaptée en cas de suspicion de tuberculose MDR. Malgré cette hausse récente du nombre de cas MDR, qu’il faut suivre avec la plus grande attention, le taux de multirésistance en France reste faible (autour de 2% parmi les cas de tuberculose sans antécédents de tuberculose 4).

Les données épidémiologiques récentes montrent que, malgré une incidence nationale faible et en baisse depuis plusieurs décennies, la tuberculose n’est pas encore maîtrisée partout en France. Comme les années précédentes, les taux de déclaration de la maladie restent plus élevés en Île-de-France, en Guyane, à Mayotte et dans certains groupes de population, particulièrement les personnes nées à l’étranger arrivées récemment en France ou les personnes sans domicile fixe. Ces données soulignent l’importance de ne pas relâcher la vigilance en matière de maîtrise de la tuberculose et de poursuivre les efforts entrepris depuis plusieurs années pour sensibiliser les cliniciens à l’intérêt de la surveillance de la tuberculose afin d’améliorer l’exhaustivité et la qualité des données. L’identification rapide des cas de tuberculose maladie, leur prise en charge appropriée et le dépistage de leur entourage restent les outils principaux de lutte contre la tuberculose 16. Dans un pays où l’incidence diminue, l’expertise risque de se raréfier. Il convient donc d’être très vigilant sur la sensibilisation et la formation des acteurs de terrain pour garantir une prise en charge optimale des patients et la mise en œuvre de mesures de santé publique adéquates sur l’ensemble du territoire. Les recommandations portant sur les enquêtes autour d’un cas ont été révisées. Leur nouvelle version, disponible depuis le 25 octobre 2013, pourra contribuer à la poursuite de l’harmonisation des outils et des pratiques mises en œuvre pour maîtriser la tuberculose en France 17.

Remerciements

Aux médecins et biologistes déclarants et aux personnels des Centres de lutte antituberculeuse (Clat) et des Agences régionales de santé, qui contribuent à l’amélioration de la qualité des données de surveillance et du contrôle de la tuberculose.

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Citer cet article

Antoine D, Belghiti F, Guthmann JP, Campese C, Lévy-Bruhl D, Che D. Les cas de tuberculose déclarés en France en 2012. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(20):352-9. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/20/2014_20_2.html