Pathologies associées, états de santé et traitements des personnes diabétiques en France : les données du Sniiram 2011

// Associated pathologies, health conditions and treatments among French people with diabetes in 2011: data from the SNIIRAM

Kristel Cosker, Pierre Denis, Stéphane Tala, Alexandre Rigault, Sébastien Rivière, Laurence Pestel, Philippe Tuppin, Anne Fagot-Campagna (anne.fagot@cnamts.fr) ; pour le groupe de travail de la cartographie des patients et des dépenses de la CnamTS*
Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), Paris, France

* Pierre Denis, Jérôme Drouin, Anne Fagot-Campagna, Christelle Gastaldi-Ménager, Claude Gissot, Laurence Pestel, Dominique Polton, Alexandre Rigault, Sébastien Rivière, Sarah Rouve, Solène Samson, Stéphane Tala.
Soumis le 07.07.2014 // Date of submission: 07.07.2014
Mots-clés : Diabète | Comorbidités | Complications | France
Keywords : Diabetes mellitus | Comorbidities | Complications | France

Résumé

Objectifs –

Estimer la fréquence de pathologies, états de santé et traitements chroniques parmi les personnes diabétiques en France.

Méthodes –

Une cartographie des patients et des dépenses a été développée par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés à partir des données du Sniiram. Elle permet d’identifier les personnes prises en charge pour 56 groupes de pathologies (diabète compris), états de santé et traitements (fréquents, graves ou coûteux) parmi les bénéficiaires du régime général de l’assurance maladie (sections locales mutualistes comprises) en 2011 (58 millions de personnes). Le diabète a été repéré par un algorithme utilisant l’affection de longue durée « diabète » ou l’existence de trois remboursements d’antidiabétiques oraux ou d’insuline l’année 2011 ou l’année 2010. Les fréquences des différentes pathologies de la cartographie chez les personnes diabétiques ont été calculées, puis comparées par des ratios de morbidité standardisés sur l’âge et le sexe (SMR) à celles de l’ensemble de la population d’étude.

Résultats –

En 2011, parmi les personnes diabétiques (4,7% de la population couverte par le régime général, âge moyen 65 ans), 26% étaient prises en charge pour maladie cardio-neuro-vasculaire, soit une fréquence 1,5 fois supérieure à celle observée dans l’ensemble de la population d’étude. Elles étaient 11% à être prises en charge pour une maladie respiratoire chronique (SMR=1,4), 5% pour une maladie psychiatrique (SMR=1,4), 3% pour une maladie du foie ou du pancréas (SMR=2,1) et 1% pour insuffisance rénale chronique terminale (SMR=2,8).

Discussion-conclusion –

Les personnes diabétiques sont plus fréquemment prises en charge pour certaines pathologies chroniques que l’ensemble de la population, et ce indépendamment de l’âge. L’existence d’une polypathologie chez les personnes diabétiques complexifie la prise en charge médicale du diabète.

Abstract

Objective –

To estimate the frequencies of diseases, health status and treatments among people with diabetes in France.

Methods –

A mapping of patients and health care costs has been developed by the main French National Health Insurance Scheme (CNAMTS) using the national medical information database (SNIIRAM) on about 58 million people covered by the CNAMTS in 2011. It identifies 56 groups of diseases, health status and treatments (including diabetes) selected as frequent, severe or costly. Diabetes was identified using an algorithm based on 100% fee coverage for diabetes, or on three reimbursed oral hypoglycemic agents or insulin in 2011 or 2010. Disease frequencies were calculated among people with diabetes, and were compared with those from the overall population using age and sex standardised morbidity ratios (SMR).

Results –

In 2011, among people with diabetes (4.7% of the total population covered by the general scheme, mean age 65 years), 26% received care for a cardio-neurovascular disease, a frequency 1.5 time above that of the overall study population. Eleven percent received care for a respiratory chronic disease (SMR=1.4), 5% for a psychiatric disease (SMR=1.4), 3% for a liver or pancreatic disease (SMR=2.1), and 1% for terminal chronic renal insufficiency (SMR=2.8).

Conclusion –

Regardless of their age, people with diabetes are more frequently treated for several other chronic diseases compared to the overall population. These comorbidities add to the complexity of the medical management for people with diabetes.

Introduction

La prévalence du diabète parmi les bénéficiaires du régime général a été estimée, en France et à partir du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram), à 4,7% en 2011 1. L’âge moyen des personnes diabétiques est de 65 ans 2 et le pic de prévalence se situe à 75 ans. Par ailleurs, l’espérance de vie des personnes diabétiques, ainsi que celle de la population générale, est en augmentation 3. Il n’est donc pas rare que les personnes diabétiques soient atteintes d’autres pathologies, qu’elles soient directement liées au diabète (complications) ou plus fréquentes du fait de l’âge. Cependant, si la fréquence des complications du diabète a fait l’objet de plusieurs études en France 2,4,5, la nature et l’importance des comorbidités dans le diabète sont peu connues.

L’objectif de ce travail était d’estimer la fréquence des principales pathologies associées et des traitements parmi les personnes diabétiques, à partir d’un nouvel outil utilisant les données issues du Sniiram : la cartographie des patients et des dépenses développée par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS) 1.

Matériel et méthodes

Source de données

Une cartographie des patients et des dépenses a été élaborée par la CnamTS avec pour objectif d’identifier les pathologies, états de santé (maternité, hospitalisation non liée à une pathologie chronique…) et traitements lorsqu’ils sont fréquents, graves ou coûteux, afin d’étudier les effectifs de personnes concernées, les dépenses afférentes et les évolutions annuelles. Ainsi, 56 groupes non exclusifs de pathologies, états de santé ou traitements (tableau) ont été définis à partir des données du Sniiram et rassemblés en 13 grandes catégories non exclusives 1.

Le Sniiram rassemble de façon individuelle et anonyme des informations sur les prescriptions et prestations remboursées aux assurés des différents régimes. Pour chaque bénéficiaire, un numéro d’anonymisation est généré à partir de trois informations : le numéro d’assuré social, la date de naissance et le sexe. Grâce à un chaînage reposant sur ce numéro d’anonymisation, les informations sur les éventuelles hospitalisations depuis 2005, fournies par le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), sont disponibles 6. Une exception existe cependant : les jumeaux de même sexe ont par construction le même numéro d’anonymisation et leur distinction se fait sur le rang gémellaire, donnée non disponible dans le PMSI. Les jumeaux de même sexe hospitalisés dans l’année ont donc été exclus de la population d’étude.

La classification des pathologies, évènements de santé et traitements s’effectue à partir d’algorithmes utilisant : les diagnostics des affections de longue durée (ALD), lorsque celles-ci sont actives dans l’année d’étude ; le diagnostic principal ou relié, ou les diagnostics associés significatifs des séjours hospitaliers en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) et en psychiatrie, identifiés par leur code selon la 10e révision de la classification internationale des maladies (CIM-10) ; les délivrances de médicaments spécifiques, identifiés par leur code identifiant de présentation (CIP) ; ou les réalisations d’actes spécifiques, identifiés par leur code selon la classification commune des actes médicaux (CCAM). Les données de cette cartographie des patients et des dépenses ont été mises à jour annuellement en 2010, 2011 et 2012.

Ce travail a été réalisé sur la population des bénéficiaires du régime général (y compris les sections locales mutualistes : fonctionnaires, étudiants…) en France entière en 2011, représentant environ 58 millions de personnes.

Ont été considérées comme prises en charge pour diabète, les personnes ayant reçu au moins 3 délivrances (à des dates distinctes) d’antidiabétiques oraux ou d’insuline, ou au moins 2 en cas de remboursement d’au moins 1 grand conditionnement (correspondant à la délivrance d’un traitement pour une durée de 3 mois) en 2011 ou en 2010, ou les personnes en ALD pour diabète en 2011. La liste des médicaments permettant de définir le diabète correspond à la classe A10 de la classification Anatomical Therapeutic Chemical (ATC) des médicaments. Cet algorithme ne permet toutefois pas de différencier le diabète de type 1 du diabète de type 2. Les algorithmes permettant de déterminer les 55 autres groupes de pathologies, états de santé ou traitements sont détaillés dans le rapport annuel de la CnamTS 1.

Analyse statistique

La population des personnes diabétiques prises en charge en 2011 a été décrite ainsi que la fréquence des principales pathologies retrouvées dans la cartographie. Les fréquences de ces pathologies prises en charge dans la population diabétique d’une part, et dans l’ensemble de la population des bénéficiaires du régime général (sections locales mutualistes incluses) d’autre part, ont été comparées après standardisation sur l’âge et le sexe grâce à des ratios standardisés de morbidité (SMR). Les effectifs présentés dans le tableau de résultats ont été arrondis à la dizaine.

Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Enterprise Guide® version 4.3.

Résultats

Caractéristiques générales des personnes diabétiques

Parmi les bénéficiaires diabétiques du régime général (près de 2 780 000 personnes, soit 4,7% de l’ensemble de la population), 48% étaient des femmes. L’âge moyen était de 65 ans ; 28% avaient 75 ans et plus, une tranche d’âge pour laquelle on observait une bascule du ratio hommes/femmes, avec 56% de femmes. Parmi les personnes diabétiques de moins de 60 ans, 14% bénéficiaient de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), soit 2 fois plus que dans l’ensemble de la population d’étude, à âge et sexe comparables. La proportion des personnes diabétiques bénéficiant d’une ALD pour diabète était de 71%. Le nombre de décès observés dans l’année chez les personnes diabétiques s’élevait à 66 900, soit 2,7%, à un âge moyen de 77 ans. Le taux de décès dans l’année était plus élevé parmi les personnes diabétiques que dans l’ensemble de la population d’étude, après ajustement sur l’âge et le sexe (SMR=1,30 ; intervalle de confiance à 95% : [1,30-1,31]).

Fréquence des comorbidités dans la population diabétique (tableau)

Parmi les personnes diabétiques, les pathologies pour lesquelles on notait le plus fréquemment une prise en charge étaient les maladies cardio-neuro-vasculaires (26%, et 41% des 75 ans et plus). Chez les personnes de 75 ans et plus, 19% avaient été prises en charge dans l’année pour coronaropathie, 15% pour troubles du rythme ou de la conduction cardiaque, 11% pour insuffisance cardiaque, 9% pour accident vasculaire cérébral (AVC) récent ou séquelles et 7% pour artériopathie oblitérante du membre inférieur (AOMI). La majorité des personnes diabétiques (71%, et 83% chez les 75 ans et plus) bénéficiait d’un traitement antihypertenseur (au moins 3 délivrances dans l’année à des dates différentes) et plus de la moitié (57%) d’un traitement hypolipémiant (au moins 3 délivrances). Parmi les personnes diabétiques, 11% avaient été prises en charge pour un cancer dans l’année, 5% pour une maladie psychiatrique et 14% avaient reçu un traitement antidépresseur (au moins 3 délivrances). Par ailleurs, 11% des personnes diabétiques avaient été prises en charge pour une maladie respiratoire chronique, 5% pour une maladie neurologique ou dégénérative (11% des 75 ans et plus, avec 9% pour démence), 3% pour une maladie du foie ou du pancréas, 2% pour une maladie inflammatoire ou rare et 1% pour insuffisance rénale chronique (dialyse ou greffe). Un tiers avaient reçu un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), corticoïdes ou antalgiques (au moins 6 délivrances) et 8% avaient été pris en charge pour une ALD autre que le diabète. Enfin, près d’un quart (23%) des personnes diabétiques avaient été hospitalisées en 2011 pour une affection non en rapport avec une de ces pathologies (« hospitalisations ponctuelles » dans le tableau).

Tableau : Fréquences des principales pathologies, états de santé et traitements de la cartographie des patients et des dépenses parmi les personnes diabétiques en 2011, et comparaison à l’ensemble de la population d’étude (58 millions de personnes) de même âge et sexe par des ratios standardisés de morbidité (SMR), France
Agrandir l'image

Au total, 50% des personnes diabétiques (66% des 75 ans ou plus) avaient été prises en charge pour au moins un autre grand type de pathologie (quelle que soit la pathologie parmi : une maladie cardio-neuro-vasculaire, un cancer, une maladie psychiatrique, une maladie neurologique ou dégénérative, une maladie respiratoire chronique, une maladie inflammatoire ou rare ou le VIH, une insuffisance rénale chronique, une maladie du foie et du pancréas ou une ALD autre que le diabète), 17% pour au moins deux et 4% pour au moins trois. L’association au diabète la plus fréquente était une maladie cardio-neuro-vasculaire (51% des personnes prises en charge pour au moins un autre grand type de pathologie en plus du diabète). L’association au diabète et à une maladie cardio-neuro-vasculaire la plus fréquente était une maladie respiratoire chronique (26% des personnes prises en charge pour au moins deux autres grands types de pathologie en plus du diabète). L’association au diabète, à une maladie cardio-neuro-vasculaire et à une maladie respiratoire chronique la plus fréquente était un cancer (19% des personnes prises en charge pour au moins trois autres grands types de pathologies en plus du diabète).

Comparaisons avec l’ensemble de la population d’étude (tableau)

Une prise en charge pour insuffisance rénale chronique était beaucoup plus fréquente chez les diabétiques par rapport à l’ensemble de la population d’étude, à âge et sexe comparables (SMR=2,79). Il en était de même pour les maladies du foie et du pancréas (SMR=2,06), les maladies cardio-neuro-vasculaires (SMR=1,53) et, en particulier, l’insuffisance cardiaque aiguë (SMR=2,04), la coronaropathie (SMR=1,77), l’AOMI (SMR=1,72), les AVC (SMR=1,50) et les troubles du rythme et de la conduction cardiaque (SMR=1,36). Les traitements du risque vasculaire (antihypertenseurs et hypolipémiants) étaient aussi plus fréquents (SMR=1,55), ainsi que les maladies respiratoires chroniques (SMR=1,37), les maladies psychiatriques (SMR=1,37) et les traitements psychotropes (SMR=1,23), dont les neuroleptiques. La catégorie « maladies inflammatoires ou rares ou le VIH » était un peu plus souvent représentée (SMR=1,14), ce qui était lié à une prise en charge essentiellement pour mucoviscidose (SMR=11) et, dans une bien moindre proportion, pour polyarthrite rhumatoïde (SMR=1,12) et spondylarthrite ankylosante (SMR=1,09). Parmi les maladies neurologiques ou dégénératives, une fréquence moins importante était observée pour la sclérose en plaques (SMR=0,78) et plus importante pour l’épilepsie (SMR=1,22) et les myopathies et myasthénies (SMR=1,26). Parmi les cancers, une prise en charge pour cancer de la prostate était retrouvée moins fréquemment chez les personnes diabétiques (SMR=0,89). Des différences très modestes étaient observées pour les cancers du côlon (SMR=1,10), du poumon (SMR=1,07), du sein (SMR=0,96) et les autres cancers (SMR=1,09). Au total, les personnes diabétiques avaient plus souvent été prises en charge pour au moins un autre grand type de pathologie (quelle que soit la pathologie parmi : une maladie cardio-neuro-vasculaire, un cancer, une maladie psychiatrique, une maladie neurologique ou dégénérative, une maladie respiratoire chronique, une maladie inflammatoire ou rare ou le VIH, une insuffisance rénale chronique, une maladie du foie et du pancréas, ou une ALD autre que le diabète) (SMR=1,32), deux autres grands types (SMR=1,44) ou trois (SMR=1,51) que l’ensemble de la population d’étude, à âge et sexe comparables.

Discussion

Cette étude s’intéresse à la prévalence des pathologies prises en charge chez les personnes diabétiques, qu’elles représentent ou non des complications ou des déterminants du diabète. Les résultats indiquent que les personnes diabétiques sont très fréquemment prises en charge pour d’autres pathologies, et ce plus souvent que l’ensemble de la population d’étude, à âge et sexe identiques.

La moitié des personnes diabétiques sont prises en charge pour au moins une autre pathologie chronique, et cette proportion s’élève même à deux tiers des personnes diabétiques de 75 ans et plus. Parmi les personnes diabétiques de 75 ans et plus, l’insuffisance cardiaque, la coronaropathie, les séquelles d’AVC, les démences et les maladies respiratoires chroniques (asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive, insuffisance respiratoire…) sont particulièrement souvent retrouvées. Or, il s’agit de pathologies parfois très invalidantes et qui peuvent complexifier la prise en charge médicale du diabète.

Une prise en charge pour une autre pathologie chronique est plus fréquente chez les personnes diabétiques que dans l’ensemble de la population d’étude, à âge et sexe comparables. Une telle association entre le diabète et une autre pathologie chronique peut résulter par exemple d’une relation causale (dans l’un ou l’autre sens), de traitements entraînant des effets secondaires, de l’existence de facteurs de risque ou comportements à risque communs (obésité, facteurs génétiques, niveau socioéconomique…).

Certaines pathologies correspondent en effet à des complications du diabète (insuffisance rénale chronique, AOMI, coronaropathie, AVC), à des facteurs de risque vasculaire (hypertension artérielle, dyslipidémie) et à des facteurs de risque de diabète (mucoviscidose). L’augmentation de fréquence observée chez les personnes diabétiques par rapport à l’ensemble de la population d’étude était ici attendue. Ces complications du diabète ont un impact sur la prise en charge des personnes diabétiques, mais elles représentent aussi des déterminants importants de la mortalité des personnes diabétiques. Ainsi, l’étude de mortalité Entred 2001 a mis en évidence l’excès de mortalité par pathologies cardio-neuro-vasculaires (hypertension artérielle, cardiopathie ischémique, AVC), premières causes de décès chez les personnes diabétiques, ainsi que l’excès lié à une défaillance rénale 7.

De nombreuses autres pathologies sont également plus fréquentes chez les personnes diabétiques par rapport à la population d’étude. Il s’agit essentiellement des maladies du foie et du pancréas, des maladies psychiatriques, des maladies respiratoires chroniques et, dans une moindre mesure, de la myopathie ou myasthénie et l’épilepsie. Les SMR étaient faibles (compris entre 1,05 et 1,19) pour certaines maladies inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante), certaines maladies neurologiques ou dégénératives (paraplégie, démence) et certains cancers (côlon et poumon). La fréquence, plus élevée que dans l’ensemble de la population d’étude à âge et sexe comparables, observée pour les maladies du foie et du pancréas pourrait s’expliquer par le lien entre diabète et stéatose hépatique et surtout par les pancréatites chroniques, qui peuvent être à l’origine d’un diabète. La fréquence de prise en charge plus importante pour maladie psychiatrique corrobore les données de la littérature sur le lien entre diabète et dépression 8, et diabète et troubles psychotiques 9 (notamment par le biais d’un risque métabolique chez les personnes traitées par neuroleptiques 10). En ce qui concerne les cancers, la fréquence plus importante de cancer du côlon chez les personnes diabétiques est connue 11, mais celle observée avec le cancer du poumon reste plus controversée, et le lien apparaît d’ailleurs faible dans notre étude. La prévalence plus faible chez les personnes diabétiques du cancer de la prostate est connue 11. En revanche, celle que nous observons pour le cancer du sein va dans le sens inverse d’un sur-risque connu dans la littérature. Cependant, l’étude de mortalité Entred 2001 n’a pas retrouvé non plus cette association en population française 7. La fréquence plus élevée des maladies respiratoires chroniques pourrait témoigner de complications de l’obésité, facteur de risque majeur du diabète de type 2. Les fréquences plus élevées observées pour la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante et l’épilepsie ont déjà été évoquées dans la littérature. La fréquence plus élevée observée pour les myasthénies pourrait s’expliquer par une fréquence plus importante du diabète de type 1 par mécanisme auto-immun, ou du diabète de type 2 en lien avec la corticothérapie. En revanche, la notion de fréquence plus basse de la sclérose en plaques chez les personnes diabétiques n’a pas été retrouvée dans la littérature. Enfin, le lien entre diabète et démence (non vasculaire) est actuellement controversé 12 et l’association observée dans notre étude est faible.

En ce qui concerne la mortalité (toutes causes) des personnes diabétiques, un excès de 30% est retrouvé en comparaison à la population d’étude à âge et sexe comparables, alors que cet excès est de 45% [37-52] dans l’étude de mortalité Entred 2001 réalisée sur échantillon. Ceci peut s’expliquer par des différences de méthodes (dans la définition du diabète et de la population d’étude sélectionnée), mais aussi par le fait que ces études ont eu lieu à des périodes différentes. La mortalité de l’étude Entred 2001 est une mortalité cumulative sur 5 ans, de 2001 à 2006, tandis que notre étude s’intéresse à la mortalité en 2011. Il est donc possible qu’une amélioration de la prise en charge et du suivi des personnes diabétiques ait eu une influence sur la mortalité et réduit l’écart avec l’ensemble de la population.

Forces et limites

Les principales forces de ce travail résident dans l’utilisation des données du régime général issues du Sniiram, portant sur plus de 86% de la population française en 2011, et de la cartographie des patients et des dépenses, outil permettant le repérage de 56 groupes de pathologies, états de santé ou traitements grâce à des algorithmes préétablis. Ces définitions ont fait l’objet d’analyses de sensibilité portant sur les effectifs et les dépenses engendrées, ainsi que d’une prestation externe afin de recueillir le regard critique des partenaires sur ces algorithmes, ce qui a globalement permis de les améliorer. Il ne s’agit pas ici d’identifier tous les patients atteints, mais ceux ayant recours à des soins du fait de ces pathologies, quand ce recours peut être repéré dans le Sniiram. En plus de son objectif général d’analyse dynamique du poids des pathologies et des dépenses, la cartographie a pour objectifs de faciliter, par la création de pathologies d’emblée repérées, les études « standardisées » de la polypathologie en général, et plus particulièrement des comorbidités de certaines populations. Ce travail en constitue une illustration.

Si la méthode utilisée ici n’est pas soumise aux biais des enquêtes déclaratives, elle a les limites classiques dues aux données provenant des bases médico-administratives. Ainsi, l’existence de plusieurs pathologies ou d’une autre prise en charge à 100% préexistante conduit moins souvent à une demande supplémentaire d’ALD. Les informations sur les données de consommations de soins peuvent être limitées pour les personnes les plus dépendantes, celles hospitalisées en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes avec pharmacie à usage intérieur ou encore celles qui sont décédées dans l’année. Ces exemples peuvent entraîner une sous-estimation du poids de la polypathologie. Cependant, l’utilisation, dans certains algorithmes de définition des pathologies, de données de consommations sur les années antérieures permet d’identifier une partie de ces personnes. Des limites sont également liées à la méthode de chaînage utilisée dans la cartographie des patients et des dépenses : les données de certains jumeaux ont été éliminées, tandis que les personnes ayant des remboursements sous différents numéros d’assuré social (enfant ayant-droit des deux parents, veufs…) ont pu être comptabilisées comme plusieurs personnes différentes. Par ailleurs, la définition des personnes diabétiques ne permet pas de repérer les personnes traitées par régime diététique seul, ni les personnes diabétiques non diagnostiquées et peut inclure quelques personnes non diabétiques (metformine pour d’autres indications ou hors AMM). Enfin, si l’âge et le sexe de la population diabétique ont été considérés dans les comparaisons avec l’ensemble de la population d’étude, les conditions socioéconomiques et l’obésité n’ont pas pu être prises en compte.

Conclusion

Les personnes diabétiques sont très fréquemment prises en charge pour d’autres pathologies chroniques, complications ou comorbidités, dont certaines peuvent avoir un retentissement important sur la qualité de vie (démence, AVC, insuffisance cardiaque…). Certaines de ces comorbidités ne sont que partiellement liées à l’âge : il existe en effet une association plus fréquente avec de nombreuses pathologies (dont beaucoup ne sont pas des complications reconnues du diabète), à âge et sexe égaux par rapport à l’ensemble de la population d’étude. Si aucun effet de causalité ne peut être déduit de ces observations, elles concordent dans leur ensemble avec les données de la littérature.

Par ailleurs, la cartographie des patients et des dépenses développée par la CnamTS représente un outil utile à l’analyse épidémiologique. Cet outil permettra, à terme, de contribuer à l’analyse des évolutions temporelles de la prévalence du diabète dans la population et des comorbidités des personnes diabétiques, ainsi que de l’impact de ces comorbidités sur leur prise en charge.

Références

1 Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses - Propositions de l'Assurance maladie pour 2015. CnamTS ; 2014. 162 p. http://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/cnamts_rapport_charges_produits_2015.pdf
2 Fagot-Campagna A, Fosse S, Roudier C, Romon I, Penfornis A, Lecomte P, et al. Caractéristiques, risque vasculaire et complications chez les personnes diabétiques en France métropolitaine : d’importantes évolutions entre Entred 2001 et Entred 2007. Bull Epidémiol Hebd. 2009;(42-43):450-5. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=956
3 Ricci P, Blotière P, Weill A, Simon D, Tuppin P, Ricordeau P, et al. Diabète traité : quelles évolutions entre 2000 et 2009 en France ? Bull Epidémiol Hebd. 2010;(42-43):425-31. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=506
4 Delcourt C, Vauzelle-Kervroedan F, Cathelineau G, Papoz L. Low prevalence of long-term complications in non-insulin-dependent diabetes mellitus in France: a multicenter study. CODIAB-INSERM-ZENECA Pharma Study Group. J Diabetes Complications. 1998;12(2):88-95.
5 Romon I, Fosse S, Eschwège E, Simon D, Weill A, Varroud-Vial M, et al. Prevalence of macrovascular complications and cardiovascular risk factors in people treated for diabetes and living in France: the ENTRED study 2001. Diabetes Metab. 2008;34(2):140-7.
6 Tuppin P, de Roquefeuil L, Weill A, Ricordeau P, Merlière Y. French national health insurance information system and the permanent beneficiaries sample. Rev Epidémiol Santé Publique. 2010;58(4):286-90.
7 Romon I, Rey G, Mandereau-Bruno L, Weill A, Jougla E, Eschwège E, et al. The excess mortality related to cardiovascular diseases and cancer among adults pharmacologically treated for diabetes-the 2001-2006 ENTRED cohort. Diabet Med. 2014;31(8):946-53.
8 Tabák AG, Akbaraly TN, Batty GD, Kivimäki M. Depression and type 2 diabetes: a causal association? Lancet Diabetes Endocrinol. 2014;2(3):236-45.
9 Nuevo R, Chatterji S, Fraguas D, Verdes E, Naidoo N, Arango C, et al. Increased risk of diabetes mellitus among persons with psychotic symptoms: results from the WHO World Health Survey. J Clin Psychiatry. 2011;72(12):1592-9.
10 McEvoy JP, Meyer JM, Goff DC, Nasrallah HA, Davis SM, Sullivan L, et al. Prevalence of the metabolic syndrome in patients with schizophrenia: baseline results from the Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness (CATIE) schizophrenia trial and comparison with national estimates from NHANES III. Schizophr Res. 2005;80(1):19-32.
11 Giovannucci E, Harlan DM, Archer MC, Bergenstal RM, Gapstur SM, Habel LA, et al. Diabetes and Cancer: a consensus report. Diabetes Care. 2010;33(7):1674-85. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2890380/
12 Ninomiya T. Diabetes mellitus and dementia. Curr Diab Rep. 2014;14(5):487.

Citer cet article

Cosker K, Denis P, Tala S, Rigault A, Rivière S, Pestel L, et al. Pathologies associées, états de santé et traitements des personnes diabétiques en France : les données du Sniiram 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(30-31):507-14. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/30-31/2014_30-31_3.html