Dépistage du VIH : une augmentation du nombre de tests positifs dans une activité de dépistage importante et stable

// HIV testing: an increase in the number of positive tests in the context of important and stable screening activity

François Bourdillon
Directeur général de l’Institut de veille sanitaire

L’arrivée des traitements antirétroviraux a bouleversé la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Si les progrès thérapeutiques ont permis de contrôler la maladie, de la considérer comme une maladie chronique et d’améliorer l’espérance de vie, il faut faire le constat que l’épidémie d’infections par le VIH est toujours active en France, avec 7 000 à 8 000 nouvelles contaminations par an 1. Plusieurs raisons expliquent ce nombre élevé, et notamment des comportements de prévention loin d’être optimaux. La phase asymptomatique de la maladie étant très longue, de l’ordre de 10 ans, les personnes dont l’infection par le VIH n’est pas diagnostiquée seraient à l’origine de plus de la moitié de ces nouvelles contaminations 1. Or, malgré de nombreux efforts de prévention et de promotion du dépistage, le nombre de personnes ignorant leur séropositivité ne se réduit pas. Environ 30% des personnes découvrant leur séropositivité sont déjà au stade sida ou à un niveau immunitaire faible (CD4≤200/mm3), traduisant un délai de plusieurs années après leur contamination.

C’est dans ce contexte que le Plan national de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles (IST) 2010-2014 2 a recommandé de renforcer les stratégies de dépistage. En 2011, le ministère de la Santé a systématisé la proposition de dépistage à l’ensemble de la population, considérant cette stratégie comme coût-efficace 3. En effet, dépister une personne séropositive lui permet d’accéder à un traitement et d’accroître son espérance de vie. De plus, le traitement a un effet préventif : en faisant baisser la charge virale, il réduit considérablement le risque de transmission du VIH.

La sortie d’un BEH axé sur les données françaises les plus récentes en matière de dépistage de l’infection par le VIH, à l’issue du Plan national de lutte contre le sida, est donc la bienvenue. Trois champs sont explorés : l’activité de dépistage du VIH avec un bilan décennal ; les pratiques de dépistage chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) ; et enfin l’analyse du public touché par une campagne de dépistage à l’aide de tests rapides d’orientation et de diagnostic (TROD). D’une manière générale ces travaux, qui ont mobilisé les équipes de l’Institut de veille sanitaire, peuvent être considérés comme des éléments d’évaluation des actions entreprises ces dernières années. Il en ressort quelques points saillants :

  • l’activité de dépistage VIH est essentiellement réalisée par les laboratoires d’analyses médicales : 5,2 millions de tests y ont été effectués en 2013. Les centres de dépistages anonymes et gratuits (CDAG) en ont fait quant à eux 344 000. Enfin, le recours aux TROD est estimé, en France, à 56 500 tests ;
  • le nombre de tests réalisés, s’il a augmenté après la publication en 2011 des recommandations nationales de dépistage, est resté stable depuis cette date ;
  • le nombre de tests positifs en 2013 est de 11 000 (1), en augmentation de 7% depuis 2011, permettant de penser que les propositions de dépistage seraient mieux ciblées, notamment grâce aux actions communautaires par TROD ;
  • la proportion de tests positifs est plus élevée en CDAG que dans les autres lieux de dépistage, respectivement de 3,6 pour 1 000 et de 2,1 pour 1 000 ;
  • la moitié des HSH ayant participé à l’Enquête presse gays et lesbiennes ne se sont pas fait dépister dans l’année (c’est la recommandation). Ces HSH, moins bien dépistés, diffèrent dans leurs caractéristiques de la communauté gay affichant ses valeurs de liberté sexuelle. « Ils fréquentaient moins la scène gay, résidaient moins dans les zones urbaines ; ils étaient plus souvent mono-partenaires et avaient moins de rapports à risque avec des partenaires occasionnels ». La frange qui semble incompressible de HSH ne s’étant jamais fait tester est de 14% ;
  • enfin, le public touché pendant la semaine du dépistage VIH « Flash Test » avec des propositions de TROD ne diffère pas vraiment de celui qui est dépisté dans le cadre des actions communautaires organisées régulièrement, contrairement à ce qui était attendu et recherché. Toutefois, la stratégie semble efficace car, d’une part, le taux de séropositivité découvert est de 5,5 pour 1 000 et, d’autre part, cette action a mobilisé les acteurs du dépistage et permis de promouvoir les pratiques de dépistage à l’aide de TROD dans quatre régions très concernées par l’épidémie.

Ce BEH est l’occasion de rappeler les principes de dépistage actualisés en 2013 1 :

  • promotion du dépistage volontaire motivé par une exposition à un risque, du fait de son impact sur les motivations à l’adoption de comportements favorables ;
  • accentuation de l’attention des médecins traitants sur les situations cliniques classiques devant amener à proposer un dépistage (voir encadré ci-après). Il existe trop d’occasions manquées de proposer un test de dépistage face à des facteurs de risque ou des signes cliniques devant faire évoquer le diagnostic 4 ;
  • construction, pour les personnes les plus exposées au VIH (HSH, migrants originaires de zones à forte prévalence, usagers de drogues intraveineuses etc.), d’une stratégie de prévention combinée mobilisant toute la palette des outils de prévention 5 : la promotion du préservatif, qui reste l’outil de référence, le dépistage sous toutes ses formes (y compris les autotests qui pourraient avoir un intérêt chez les HSH et les migrants qui se dépistent peu ou pas), les traitements chez les personnes séropositives mais aussi en post, voire préexposition pour les séronégatifs, la prise en compte de la santé sexuelle. Sur ce dernier point, le BEH présente aussi quelques éléments de l’activité du « 190 » un centre de santé sexuelle pour HSH, où les auteurs mettent l’accent sur « le besoin d’une médecine spécifiquement compétente sur les questions de santé des HSH en matière de sexualité ».

Encadré : Éléments devant amener à prescrire un test de dépistage / diagnostic du VIH 1

Selon les populations

Certaines populations devraient se voir offrir, à une fréquence régulière, un test de dépistage du VIH :

  • les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ;
  • les personnes hétérosexuelles ayant eu plus d’un partenaire sexuel au cours des 12 derniers mois ;
  • les populations des départements français d’Amérique et des autres Caraïbes ;
  • les usagers de drogues injectables (UDI) ;
  • les personnes originaires d’une zone de haute prévalence, notamment d’Afrique subsaharienne ;
  • les personnes en situation de prostitution ;
  • les personnes dont les partenaires sexuels sont infectés par le VIH ;
  • les populations en situation de précarité qui consultent par exemple dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) ;
  • l’entourage familial de PVVIH (conjoint et enfant(s) de femmes enceintes)

Selon les circonstances

Un test de dépistage de l’infection par le VIH devrait être systématiquement proposé, quelle que soit la population, dans un certain nombre de circonstances particulières :

  • suspicion ou diagnostic d’IST ou d’hépatite B ou C ;
  • suspicion ou diagnostic de tuberculose ;
  • projet de grossesse et grossesse (la proposition systématique de dépistage doit être proposée lors de la première consultation prénatale et être réitérée au 6e mois de grossesse aux femmes négatives exposées à un risque viral ainsi qu’à tous les pères à l’examen du 4e mois) ;
  • interruption volontaire de grossesse (IVG) ;
  • première prescription d’une contraception ;
  • viol ;
  • à l’entrée en détention ou en cours d’incarcération.

Sur la base des données cliniques ou biologiques particulières :

  • cancers, tuberculose, zona, pneumopathie, infections herpétiques récidivantes, dermite séborrhéique, asthénie chronique, syndrome pseudo-grippal prolongé ou atypique (syndrome pseudo-grippal prolongé ou atypique pouvant faire craindre une primo-infection par le VIH, situation où la personne est très contaminante du fait d’une production virale qui peut être majeure), lymphopénie, thrombopénie, amaigrissement et/ou fièvre prolongée inexpliquée, etc.

PVVIH : personnes vivant avec le VIH

Références

1 Morlat P (dir.). Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Recommandations du groupe d’experts. Rapport 2013. Paris: La Documentation Française, 2013. 478 p. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Morlat_2013_Mise_en_ligne.pdf
2 Plan national de lutte contre le VIH/SIDA et les IST 2010-2014. Paris: Ministère de la Santé et des Sports; 2010. 266 p. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_national_lutte_contre_le_VIH-SIDA_et_les_IST_2010-2014.pdf
3 Haute Autorité de santé. Dépistage de l’infection par le VIH en France. Stratégies et dispositif de dépistage. Recommandations en santé publique. Saint-Denis: HAS, 2009. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_866949/depistage-de-linfection-par-le-vih-en-france-strategies-et-dispositif-de-depistage
4 Champenois K, Cousien A, Cuzin L, Le Vu S, Deuffic-Burban S, Lannoy E, et al. Missed opportunities for HIV testing in newly-HIV-diagnosed patients, a cross sectional study. BMC Infect Dis. 2013;13:200.
5 Bourdillon F. Prévention et dépistage de l’infection par le VIH. Rev Prat. 2014;(8):1067-72.

Citer cet article

Bourdillon P. Éditorial. Dépistage du VIH : une augmentation du nombre de tests positifs dans une activité de dépistage importante et stable. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(32-33):532-4. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/32-33/2014_32-33_0.html

1 Il ne s’agit pas forcément de découvertes de séropositivité (dont le nombre estimé grâce à la déclaration obligatoire se situe plutôt autour de 6 000 par an), car des tests peuvent être refaits chez une personne déjà connue comme séropositive pour diverses raisons (prise en charge, essais cliniques…).