Qualité de vie des personnes en insuffisance rénale chronique terminale en France en 2011

// Quality of life of patients with end-stage renal disease in France in 2011

Élodie Speyer1,2, Serge Briançon1,2 (serge.briancon@univ-lorraine.fr), Christian Jacquelinet3, Davy Beauger4, Christian Baudelot5, Yvanie Caille5, Sylvie Mercier1, Corinne Isnard-Bagnis6, Stéphanie Gentile4
1 CHU Nancy, Pôle QSP2, Épidémiologie et évaluation cliniques, Nancy, France
2 Université de Lorraine, Université Paris Descartes, Apemac, EA4360, Nancy, France
3 Agence de la biomédecine, Saint-Denis La Plaine, France
4 Université Aix-Marseille, Faculté de Médecine, SPMC EA 3279, Laboratoire de santé publique, Marseille, France
5 Renaloo, Paris, France
6 Néphrologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière et Chaire de recherche en éducation thérapeutique, Paris, France
Soumis le 18.04.2014 // Date of submission: 04.18.2014
Mots-clés : Qualité de vie | Insuffisance rénale chronique terminale | Dialyse | Transplantation rénale | Enquête transversale
Keywords: Quality of life | End-stage renal disease | Dialysis | Kidney transplantation | Cross-sectional study

Résumé

Objectif –

Estimer le niveau de qualité de vie (QDV) des patients atteints d’insuffisance rénale chronique terminale (dialysés ou greffés).

Méthodes –

Enquête transversale par auto-questionnaire menée en 2011 auprès de patients de plus de 18 ans suivis dans l’une des 21 régions participant au Réseau épidémiologie et information en néphrologie (REIN) en 2009. Les patients ont été tirés au sort après stratification sur l’âge et la région. La QDV a été mesurée avec le questionnaire générique MOS SF36, et des questionnaires spécifiques, le KDQoL pour les patients dialysés et le ReTransQoL pour les greffés.

Résultats –

1 251 patients dialysés et 1 658 patients transplantés ont participé à l’enquête. Les scores de QDV étaient plus élevés (de 10 à 30,6 points) chez les greffés que chez les dialysés, et ce sur toutes les dimensions du MOS SF36, avec des différences régionales. Chez les greffés, ces scores tendaient à se rapprocher de ceux de la population générale. Les dialysés inscrits sur liste d’attente de greffe présentaient une meilleure QDV que les dialysés non inscrits sur toutes les dimensions, avec des différences variant de 3,9 (dimension vitalité générale) à 7,5 (fonctionnement physique). De même, les greffés préemptifs déclaraient une meilleure QDV que les non préemptifs, avec des différences variant de 4,2 points (santé mentale) à 8,5 (limitations dues à l’état physique).

Conclusion –

Les résultats de ces études de QDV donnent des arguments en faveur de la greffe aux cliniciens. Ces derniers pourraient indiquer à leurs patients que, lorsque la transplantation est réalisable et à pathologies associées comparables, la vie après la greffe est de meilleure qualité, notamment du fait d’une augmentation de leurs capacités physiques, de moindres limitations physiques et d’une amélioration de leurs relations sociales.

Abstract

Objective –

To estimate the quality of life (QOL) of patients with end-stage renal disease (dialysis or transplant).

Methods –

Cross-sectional survey by self-administered questionnaire conducted in 2011 in patients over 18 years old followed in one of the 21 regions participating in the network REIN (Renal Epidemiology and Information Network) in 2009. Patients were selected randomly after stratification on their age and region. QOL was measured using the MOS SF-36 generic questionnaire and specific questionnaires, the KDQOL for dialysis patients and the RETRANSQOL for transplanted patients.

Results –

1,251 dialysis patients and 1,658 transplanted patients participated in the survey. QOL scores were higher (from 10 to 30.6 points) in transplant patients than in dialysis patients, and in all dimensions of the MOS SF36, with regional differences. In transplanted patients, these scores tended to be closer to those of the general population. Dialysis patients registered on the waiting list for transplantation had a better QOL than dialysis patients not enrolled for all dimensions, with differences ranging from 3.9 (general vitality dimension) to 7.5 (physical functioning). Similarly, preemptive transplanted patients reported better QOL than non-preemptive patients, with differences ranging from 4.2 points (mental health) to 8.5 (limitations due to physical condition).

Conclusion –

The results of these studies on QOL give clinicians arguments in favor of transplantation. Clinicians can inform their patients that when transplantation is feasible and when associated pathologies are comparable, life after transplantation is of better quality, mainly because of an increase in their physical abilities, a reduction of physical limitations and an improvement of their social relations.

Introduction

Dans la loi de santé publique de 2004 1, l’un des 100 objectifs prévoyait l’amélioration de la qualité de vie (QDV) des patients atteints d’insuffisance rénale terminale, en particulier des personnes dialysées. Pour répondre à cet objectif, et dans le cadre de la mise en place du Plan pour l’amélioration de la qualité de vie des maladies chroniques, l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Agence de la biomédecine ont réalisé, avec l’École de santé publique et la Faculté de médecine de Nancy, le Centre d’épidémiologie clinique du CHU de Nancy et le Département de santé publique et d’information médicale de la Conception du CHU de Marseille, deux études transversales de mesure de la qualité de vie des insuffisants rénaux terminaux : la première, menée en 2005 chez les sujets dialysés 2 et la seconde, en 2007, chez les sujets transplantés 3 dans les huit premières régions françaises qui avaient participé au Réseau épidémiologie et information en néphrologie (REIN) en 2003. Les données issues de ces deux premiers volets ont permis de réaliser une étude comparative du niveau de QDV et ont montré que les scores de QDV étaient plus élevés chez les greffés que chez les dialysés sur toutes les dimensions du MOS SF36, avec des différences variant de 10 points (dimension santé mentale) jusqu’à 30,6 points (limitations dues à l’état physique).

La répétition de cette évaluation est intéressante dans le cadre des mesures adoptées par le Plan pour l’amélioration de la qualité de vie des maladies chroniques afin de fournir des indicateurs dans le suivi de ce plan. C’est pourquoi il a été proposé de répéter ces deux études en les synchronisant et en les généralisant à l’ensemble du territoire français.

L’objectif de ce travail était de décrire, en 2011, la QDV des patients adultes atteints d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) en dialyse ou porteurs d’un greffon fonctionnel depuis au moins un an. Les objectifs secondaires étaient d’apprécier le bénéfice de QDV apporté par la transplantation rénale par rapport à la dialyse et d’identifier s’il existait une différence de résultats en termes de QDV entre les sujets greffés par donneur cadavérique ou par donneur vivant.

Méthode

La méthodologie de l’enquête Quavi-REIN, Volet dialyse & greffe 2011 est présentée dans l’article de S. Briançon et coll. de ce numéro 4. Cette enquête transversale par questionnaire auto-administré envoyé au domicile des personnes a permis de recueillir des données de QDV auprès de 2 909 personnes atteintes d’IRCT, dont 57% étaient porteuses d’un greffon fonctionnel (dénommées personnes greffées dans la suite de l’article).

Données recueillies

Chaque cahier de questionnaires comportait un questionnaire générique, qui permet de mesurer la QDV aussi bien chez des personnes a priori en bonne santé que chez des personnes malades, et un questionnaire spécifique selon le type du traitement de suppléance, greffe rénale ou dialyse.

Le questionnaire générique Medical Outcome Survey Short Form 36-items (MOS SF36) 5,6 est l’instrument actuellement le plus utilisé internationalement. Validé en langue française 7, il permet de réaliser des comparaisons également avec d’autres pathologies. Il est constitué de 36 items, avec des modalités de réponse de type échelle de Likert, explorant huit dimensions :

  • fonctionnement physique (10 items) : mesure les limitations des activités physiques telles que marcher, monter des escaliers, se pencher en avant, soulever des objets, ainsi que les efforts importants et intenses.
  • limitations dues à l’état physique (4 items) : mesure la gêne, due à l’état physique, dans les activités quotidiennes (mesure les limitations dans certaines activités ou la difficulté à les réaliser).
  • douleurs physiques (2 items) : mesure l’intensité des douleurs et la gêne occasionnée.
  • santé mentale (5 items) : mesure de l’anxiété, de la dépression, du bien-être.
  • limitations dues à l’état mental (3 items) : mesure la gêne, due à l’état psychique, dans les activités quotidiennes (temps passé au travail moins important, travail bâclé).
  • vie et relation avec les autres (2 items) : mesure les limitations des activités sociales, dues aux problèmes physiques et psychiques.
  • vitalité (4 items) : mesure de la vitalité, de l’énergie, de la fatigue.
  • santé générale (5 items) : mesure la santé en général, résistance à la maladie.

Il existe une 9e dimension qui correspond en fait à une seule question supplémentaire "Évolution de la santé", qui n'est pas considérée dans cet article.

Il est également possible de calculer un score résumé physique (PCS) et un score résumé mental (MCS) à partir de ces huit dimensions.

Le questionnaire spécifique à destination des patients greffés était le questionnaire ReTransQol 8, constitué de 49 items, pour cinq dimensions :

  • physique (10 items) : mesure les symptômes, les douleurs, l’autonomie.
  • mental (9 items) : mesure les répercussions mentales et sociales de la greffe.
  • qualité des soins (11 items) : mesure la satisfaction vis-à-vis de la prise en charge.
  • peur de la perte du greffon (6 items) : mesure les contraintes liées à la maladie rénale et à la greffe, la peur d’un éventuel retour en dialyse.
  • traitements (9 items) : mesure la gêne liée au greffon, la répercussion des effets secondaires des traitements.

Quatre items ne participent pas au calcul des scores.

Le questionnaire spécifique pour les personnes en dialyse était le questionnaire Kidney Disease Quality of Life (KDQoL), développé aux États-Unis par Ron Hays 9, validé et largement utilisé. Pour cette étude, la version courte (24 items, répartis en trois dimensions) a été utilisée :

  • symptômes et problèmes de santé (12 items) : mesure les symptômes et les problèmes tels que crampes, douleurs, démangeaisons, fatigue.
  • effets de la maladie rénale (8 items) : mesure les limitations dans la vie quotidienne, telles les restrictions alimentaires, les restrictions de déplacement, la dépendance vis-à-vis du système de soins.
  • fardeau de la maladie rénale (4 items) : mesure les répercussions mentales de la maladie rénale.

Analyse statistique

Les scores de QDV ont été calculés si au moins la moitié des items constituant chaque dimension était renseignée. Ils ont été standardisés de 0 (niveau de plus mauvaise QDV) à 100 (meilleure QDV). Deux scores résumés issus du MOS SF36, physique (PCS) et mental (MCS), ont été calculés par combinaison linéaire des précédentes dimensions, dont la moyenne et l’écart-type attendus sont de 50 et 10, respectivement.

Ces scores autorisent une vision plus synthétique de la QDV et une comparaison directe et intuitive aux scores de référence en population générale 10. Les scores de QDV ont été pondérés. À chaque sujet a été affecté un poids égal à l’inverse de la proportion de sujets de sa région de résidence et de sa classe d’âge dans les bases REIN (1) et Cristal (2), et rend donc compte du plan de sondage stratifié sur les deux facteurs (région de résidence et tranche d’âge).

Les scores pondérés de QDV des personnes incluses sont présentés sous forme de moyenne et écart-type.

Des comparaisons ont été réalisées sur la QDV des insuffisants rénaux greffés, en distinguant les greffés préemptifs (versus non préemptifs), et sur celle des patients en dialyse, en distinguant les dialysés inscrits sur liste d’attente de ceux qui ne le sont pas. Ces comparaisons ont été systématiquement ajustées sur l’âge, le sexe et le nombre de comorbidités. Enfin, le niveau de QDV des patients en IRCT a été comparé à celui de la population générale 10. Des tests du Chi2 ou des tests d’analyse de variance (selon la nature des variables) ont été réalisés pour les comparaisons. Le seuil de significativité statistique a été fixé à 0,05.

La taille de notre échantillon (2 909 personnes en IRCT) a permis de détecter des différences significatives entre dialysés et greffés, sur le plan statistique et clinique, à partir de 2,7 points pour les 8 scores et 5,4 points pour les scores résumés, pour une puissance de 0,90 et un risque de première espèce de 0,05.

Résultats

Plus de 93% des patients atteints d’IRCT ont répondu à l’enquête à leur domicile. Les dialysés ont été plus nombreux à rapporter un besoin d’aide pour remplir le cahier que les greffés (38,8% vs. 17,7% ; p<0,0001). Ces derniers déclaraient avoir été aidés principalement par un membre de leur famille. Il est à noter que le cahier a été complété en plusieurs fois pour au moins 64% de l’ensemble des patients en IRCT.

Qualité de vie des personnes en dialyse et des patients greffés (MOS SF36)

Les personnes en dialyse présentaient des niveaux de QDV variant entre 33,7 (limitations dues à l’état physique) et 56,5 (vie et relations avec les autres) alors que les niveaux des patients greffés variaient de 52,8 (vitalité et santé générale) à 73,9 (fonctionnement physique) (figure 1). Pour toutes les dimensions, les scores de QDV différaient significativement (p<0,001) entre personnes greffées et personnes en dialyse, avec notamment une altération de près de 9 points sur le PCS et de 5 points sur le MCS.

Un effet sexe et âge était observé dans les deux populations de personnes en IRCT. Les femmes déclaraient une moins bonne QDV que les hommes, avec des différences significatives dans toutes les dimensions, variant de -3,1 (vitalité) à -7,9 (fonctionnement physique) chez les personnes en dialyse et de -5 (vie et relation avec les autres) à -9 (limitations dues à l’état mental) chez les patients greffés. La QDV des personnes en IRCT diminuait avec l’âge de façon significative dans toutes les dimensions, à l’exception des dimensions santé mentale, vie et relation avec les autres et santé générale, et ce quel que soit le sexe.

Figure 1 : Qualité de vie pondérée des patients en insuffisance rénale chronique terminale mesurée par le MOS SF36 en France en 2011
Agrandir l’image

Comparaison du niveau de qualité de vie des patients IRCT selon certaines caractéristiques de prise en charge

Qualité de vie des patients transplantés selon le type de greffe (préemptive ou non préemptive) (tableau 1)

Les données issues du MOS SF36 montrent, d’une façon générale, que les patients transplantés de manière préemptive présentent une QDV meilleure que ceux ayant connu une période de dialyse avant leur greffe, à l’exception des dimensions santé générale et vitalité. Les différences, toutes significativement différentes, variaient de 4,2 points (santé mentale) à 8,5 points (limitations due à l’état physique). Concernant les données du ReTransQoL, ces différences, bien qu’également observées, étaient moins importantes, variant de 0,3 points (qualité des soins) à 7 points (perte du greffon).

Tableau 1 : Scores moyens pondérés de qualité de vie des patients transplantés, de façon préemptive ou non, à partir des questionnaires MOS SF36 et ReTransQoL. France, 2011
Agrandir l’image

Qualité de vie des patients transplantés selon le type de don (donneur vivant ou cadavérique) (tableau 2)

Les données du MOS SF36 indiquent que les patients transplantés à partir d’un donneur vivant présentent, d’une façon générale, une meilleure QDV que ceux ayant reçu un rein d’un donneur cadavérique. Cette différence est significative uniquement pour les dimensions à composante physique telles que le fonctionnement physique et les limitations dues à l’état physique, avec des différences de 6 et 7,1 points respectivement. Bien que cette tendance soit également observée avec les données du ReTransQoL, aucune différence significative n’a été observée.

Tableau 2 : Descriptif des scores moyens pondérés de qualité de vie des patients transplantés selon le type de donneur de greffe à partir des questionnaires MOS SF36 et ReTransQoL. France, 2011
Agrandir l’image

Qualité de vie des patients en dialyse selon le fait d’être inscrit ou non sur liste d’attente au moment de l’enquête (tableau 3)

Les patients inscrits sur liste d’attente de transplantation présentent une meilleure QDV que leurs pairs non inscrits, avec des différences significatives variant de 3,9 points (vitalité générale) à 7,5 points (fonctionnement physique) pour le MOS SF36. Le KDQoL, quant à lui, ne révèle pas de différence significative sur ce critère.

Tableau 3 : Descriptif des scores moyens pondérés de qualité de vie des patients en dialyse à partir des questionnaires MOS SF36 et KDQoL. France, 2011
Agrandir l’image

Qualité de vie selon le lieu de résidence

Si l’on s’intéresse plus spécifiquement aux scores résumés physique (PCS) et mental (MCS), nous observons des disparités régionales et ce quelle que soit la population étudiée.

Scores résumés physique

Les régions de suivi où les personnes présentaient les meilleurs PCS étaient la région Rhône-Alpes, la Bretagne, les Pays de Loire et la Haute-Normandie (PCS>46,6) pour les patients greffés, et l’Île-de-France, Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées et Bretagne pour les personnes en dialyse (PCS>36,9) (figure 2).

Figure 2 : Score résumé physique (PCS) par région selon le type de traitement de suppléance des patients en insuffisance rénale chronique terminale en France en 2011
Agrandir l’image

Scores résumés mental

Les régions de suivi où les personnes présentaient les meilleurs MCS étaient la Lorraine, le Limousin et les Pays de Loire (MCS>46,3) pour les patients greffés et l’Alsace, la Bretagne, le Poitou-Charentes et le Limousin pour les personnes en dialyse (MCS>41,8) (figure 3).

Figure 3 : Score résumé mental (MCS) par région selon le type de traitement de suppléance des patients en insuffisance rénale chronique terminale en 2011, France
Agrandir l’image

Comparaison du niveau de qualité de vie par rapport à la population générale (tableau 4)

Cette comparaison de QDV ne peut être réalisée qu’à partir des données issues du questionnaire générique MOS SF36. Les personnes en IRCT rapportaient une QDV statistiquement plus mauvaise que celle de la population générale, avec une altération variant de 11,6 points (santé mentale) à 48,0 points (limitations dues à l’état physique) chez les personnes en dialyse et de 2,0 points à 16,1 points pour ces mêmes dimensions chez les patients greffés. L’altération du PCS et du MCS était beaucoup plus marquée chez les personnes en dialyse que chez les patients greffés.

Tableau 4 : Qualité de vie des patients en insuffisance rénale chronique terminale en 2011 comparée à celle de la population générale
Agrandir l’image

Discussion – Conclusion

De grandes différences de QDV ont été mises en évidence, que ce soit entre personnes en dialyse et greffés, entre greffés à partir de donneur vivant versus donneur décédé, entre greffés de façon préemptive versus non préemptive ou entre dialysés sur liste d’attente versus non inscrits.

Ces différences sont en partie attribuables aux caractéristiques des participants à l’étude, détaillées dans l’article de E. Speyer et coll. dans ce numéro 11. Il s’agit en particulier de l’âge et de l’existence de comorbidités associées à la maladie rénale, en lien principalement avec le processus de sélection pour la greffe réalisé par les équipes de transplantation. Cependant, la prise en compte des différences de caractéristiques laisse persister des différences cliniquement et statistiquement significatives en termes de QDV.

Cette enquête présente deux forces principales. D’une part, elle repose sur un échantillon initialement représentatif et simultané de personnes en dialyse et de personnes greffées inscrites dans les registres nationaux REIN et Cristal, et le biais de non réponse aux questionnaires a été partiellement compensé par un redressement sur l’âge et la région de résidence. D’autre part, elle a utilisé des instruments de mesure de la QDV validés et standardisés, utilisés internationalement. Dans une méta-analyse, Liem et coll. 12 ont montré que la QDV des personnes greffées est meilleure que celle des personnes en dialyse, avec des différences de scores variant de 2 à 22 points en ajustant sur l’âge et la présence d’un diabète.

Les analyses présentées dans cet article sont essentiellement de nature descriptive et n’ont pas la valeur probante d’une approche comparative analytique. Cependant, nous avons réalisé des analyses ajustées sur les trois principaux facteurs de confusion de la QDV que sont l’âge, le sexe et le nombre de comorbidités associées. Les différences observées, notamment entre dialysés et greffés, sont si élevées, bien au-delà du seuil de significativité clinique de 5 points pour les huit dimensions et de 2 points pour les dimensions résumées 6, qu’il est peu probable que des facteurs de confusion non maîtrisés puissent les expliquer. Ce résultat est par ailleurs conforté par les différences retrouvées entre les dialysés non-inscrits sur liste, les dialysés inscrits sur liste et les greffés non préemptifs. Par exemple, le score de fonctionnement physique est estimé à 32 chez les dialysés non inscrits sur liste et à 43 chez ceux qui sont inscrits, traduisant une différence d’un peu plus de 10 points attribuable à la sélection d’inscription sur liste d’attente. Ce score chez les greffés préemptifs est estimé à 73, ce qui peut correspondre en grande partie au bénéfice de la transplantation rénale sur la dialyse, avec un double bénéfice de l’absence de dialyse au préalable et d’avoir plus souvent une greffe de rein à partir de donneur vivant.

La QDV liée à la santé devient un indicateur d’importance dans les décisions médicales et de santé publique. Sa prise en considération permet, tant aux professionnels de santé qu’aux décideurs, de tenir compte du point de vue du patient sur son propre état de santé et du retentissement de sa maladie sur son fonctionnement et ses activités de la vie quotidienne. Cette appréciation est particulièrement importante dans les maladies chroniques, pour lesquelles la place du patient est évidemment déterminante dans l’adhésion aux recommandations et prescriptions des professionnels de santé, dans l’acquisition de l’autonomie dans la prise en charge de la maladie et dans la mise en place d’un véritable partenariat avec les professionnels de santé et d’un accompagnement dans le parcours de soin 13. La capacité des professionnels de santé à montrer à certains patients que, lorsque la transplantation est réalisable et à pathologies associées comparables, la qualité de vie après la greffe est améliorée pourrait être une aide importante pour vaincre le refus d’inscription de certains patients, notamment en leur amenant la preuve, via ces études de QDV, que la greffe augmente les capacités physiques, améliore les relations sociales et réduit les limitations sur le plan physique.

Enfin, l’intérêt principal de cette enquête était de disposer de nouveaux résultats à comparer avec ceux des précédentes enquêtes de 2005 et 2007, pour rechercher d’éventuelles évolutions de la QDV des patients en IRCT au terme du Plan d’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de maladie chronique prévu par la Loi de santé publique de 2004 et mis en œuvre en 2007. Ces évolutions sont décrites dans l’article de D. Beauger et coll. dans ce numéro 14.

Références

1 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. JO du 11/8/2004. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=83B0D59A28728BACCF51ADE32A14E5E3.tpdjo10v_3?cidTexte=JORFTEXT000000787078&dateTexte=20141112
2 Boini S, Bloch J, Briancon S. Surveillance de la qualité de vie des sujets atteints d’insuffisance rénale chronique terminale. Rapport Qualité de vie – REIN. Volet dialyse 2005. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2008. 67 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=3479
3 Boini S, Briançon S, Gentile S, Germain L, Jouve E, Bloch J, et al. Surveillance de la qualité de vie des sujets atteints d’insuffisance rénale chronique terminale. Rapport Qualité de vie-REIN. Volet greffe. 2007. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2009. 139 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=593
4 Briancon S, Speyer E, Jacquelinet C, Beauger D, Baudelot C, Caille Y, et al. Méthodologie générale de l’étude Quavi-REIN, Volet dialyse & greffe 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2014 ;(37-38):611-5. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/37-38/2014_37-38_2.html
5 Ware JE, Snow KK, Kosinski M, Gandek B. SF-36 Health Survey Manual and Interpretation guide. Boston (MA): The Health Institute, New England Medical Center; 1993.
6 Ware JE, Kosinski M, Keller SD. SF-36 Physical & Mental Health Summary Scales: a user’s manual. 5th ed. Boston (MA): Health Assessment Lab,New England Medical Center; 1994.
7 Leplège A, Ecosse E, Pouchot J, Coste J, Perneger TV. Le questionnaire MOS SF-36. Manuel de l’utilisateur et guide d’interprétation des scores. Paris: Editions Estem; 2001. 155 p.
8 Gentile S, Jouve E, Dussol B, Moal V, Berland Y, Sambuc R. Development and validation of a French patient-based health-related quality of life instrument in kidney transplant: the ReTransQoL. Health Qual Life Outcomes. 2008;6:78.
9 Hays RD, Kallich JD, Mapes DL, Coons SJ, Carter WB. Development of the kidney disease quality of life (KDQOL) instrument. Qual Life Res. 1994;3(5):329-38.
10 Lanoë J, Makdessi-Raynaud Y. L’état de santé en France en 2003: santé perçue, morbidité déclarée et recours aux soins à travers l’enquête décennale santé. Etudes et résultats (Drees). 2005;436:1-12.
11 Speyer E, Briançon S, Jacquelinet C, Beauger D, Baudelot C, Caille Y, et al. Caractéristiques socio-démographiques et médicales des participants à l’étude Quavi-Rein, Volet dialyse & greffe 2011 . Bull Epidémiol Hebd. 2014;(37-38):616-22. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/37-38/2014_37-38_3.html
12 Liem YS, Bosch JL, Arends LR, Heijenbrok-Kal MH, Hunink MG. Quality of life assessed with the Medical Outcomes Study Short Form 36-Item Health Survey of patients on renal replacement therapy: a systematic review and meta-analysis. Value Health. 2007;10(5):390-7.
13 Perneger TV, Leski M, Chopard-Stoermann C, Martin PY. Assessment of health status in chronic hemodialysis patients. J Nephrol. 2003;16(2):252-9.
14 Beauger D, Gentile S ; Groupe Quavi-REIN. Évolution de la qualité de vie des patients atteints d’insuffisance rénale chronique terminale entre 2005-2007 et 2011: résultats des enquêtes de surveillance épidémiologique en France. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(37-38):631-40. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/37-38/2014_37-38_5.html

Citer cet article

Speyer E, Briançon S, Jacquelinet C, Beauger D, Baudelot C, Caille Y, et al. Qualité de vie des personnes en insuffisance rénale chronique terminale en France en 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(37-38):623-30. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/37-38/2014_37-38_4.html