Couverture vaccinale auto-déclarée de la rougeole chez les internes des facultés de médecine et de pharmacie de l'Université d’Aix-Marseille : raisons de non-vaccination, Marseille, France, 2013

// Measles vaccination coverage among medical and pharmacist residents of the Aix-Marseille University: reasons for non-vaccination, Marseilles, France, 2013

Tiphanie Succo1, Teija Korhonen1,2, Ariane Neveu1, Alexis Armengaud1, Caroline Six1, Kostas Danis2, Philippe Malfait1 (philippe.malfait@ars.sante.fr)
1 Cellule de l’Institut de veille sanitaire en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, Marseille, France
2 European Programme for Intervention Epidemiology Training (Epiet), Stockholm, Suède
Soumis le 12.02.2015 // Date of submission: 02.12.2015
Mots-clés : Vaccination | Rougeole | Internes en médecine | Internes en pharmacie
Keywords: Vaccination | Measles | Medical residents | Pharmacy residents

Résumé

La France a été récemment touchée par une épidémie de rougeole impliquant les professionnels de santé. En 2013, une étude transversale a été menée auprès des internes en médecine et en pharmacie de l’Université d’Aix-Marseille pour mesurer la couverture vaccinale (CV) anti-rougeoleuse et identifier des facteurs favorisant ou non cette vaccination.

Un auto-questionnaire a été distribué, lors du choix des stages pour les internes en médecine et par messagerie électronique pour les internes en pharmacie.

Au total, 61% des internes de médecine et 40% des internes de pharmacie ont participé à l’enquête. En médecine, la CV anti-rougeoleuse s’élevait à 93% avec une dose et 76% avec deux doses ; en pharmacie, ces taux étaient respectivement de 94% et 82%. Les internes non vaccinés contre la rougeole avec deux doses citaient le manque de temps, le manque d’intérêt ou l’oubli de se faire vacciner comme raisons principales d’une vaccination incomplète. Les personnes vaccinées citaient plus souvent que les non-vaccinés la facilité d’accès à la vaccination comme élément important pour actualiser leurs vaccinations.

La CV anti-rougeoleuse avec deux doses était inférieure au seuil de 95% recommandé en France. Il apparaît nécessaire de mobiliser les services de santé scolaire et de médecine universitaire pour améliorer les CV des étudiants, selon le nouveau calendrier vaccinal, et assurer la vaccination des personnes n’ayant pas reçu au moins deux doses de vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole (ROR). Les services de médecine du travail pourraient jouer un rôle plus actif pour améliorer la CV parmi les professionnels de la santé.

Abstract

France recently experienced a large measles outbreak, involving also healthcare workers. A cross-sectional study was carried out in 2013 among medical and pharmacist residents in Aix-Marseille University, France, aiming to estimate the vaccine coverage (VC) against measles and identify potential factors for vaccination or non-vaccination.

A self-administered questionnaire was distributed during a meeting where medical residents chose their next residency assignment and by email for pharmacist residents.

Among medical residents, 61% participated in the study and 40% among pharmacist residents. Among medical participants, 93% reported having been vaccinated against measles with 1 dose and 76% received 2 doses (respectively 94% and 82% among pharmacist residents). Residents incompletely vaccinated reported lack of interest or time as the main reasons of incomplete vaccination. Vaccinated residents were more likely to report easy access to vaccination as the main motivation for measles vaccination, compared to unvaccinated residents.

VC among medical residents of the Aix-Marseille University was below the recommended 95% coverage for 2 doses of measles vaccination. School and University health services should be sensitized in order to improve VC among students, following the new vaccination schedule, and catch people who have not received at least 2 doses of trivalent measles-mumps-rubella (MMR) vaccine. Occupational health services may play a more active role to improve VC for health professionals.

Introduction

La rougeole est une maladie hautement contagieuse pouvant entraîner de graves complications. La vaccination par une dose de vaccin anti-rougeoleux a été introduite dans le calendrier vaccinal français en 1983, et celle par une dose de vaccin combiné rougeole-oreillons-rubéole (ROR) en 1986. Une 2e dose de vaccin a été recommandée à l’âge de 11-13 ans en 1996, âge ramené à 3-6 ans en 1998. En 2011, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) recommandait que toute personne née après 1980 devait recevoir deux doses de vaccin trivalent ROR 1.

Si la rougeole était devenue sporadique en France, plusieurs vagues d’épidémie se sont succédées depuis début 2008. Plus de 23 000 cas de rougeole ont été rapportés entre le 1er janvier 2008 et le 30 septembre 2013, dont plus de 1 000 cas avec pneumonie, 32 avec complications neurologiques et 10 décès 2. Fin 2011, le nombre de cas a diminué mais le virus continue de circuler, notamment dans le sud de la France 2,3,4. En 2013, 82 cas de rougeole (incidence : 1,7/100 000) ont été recensés en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca).

Des études ont montré que le risque de contracter la rougeole était plus élevé pour le personnel de santé qu’en population générale 5,6 et que le personnel non immunisé était particulièrement à risque de transmettre la maladie aux patients et notamment aux sujets fragiles : enfants, femmes enceintes, personnes âgées, patients immunodéprimés 7. La vaccination anti-rougeoleuse est particulièrement recommandée pour le personnel de santé en raison de la forte contagiosité de la maladie, des complications et des séquelles qu’elle entraîne 3,6. Par ailleurs, les internes en médecine et en pharmacie font l’objet des mêmes obligations et recommandations vaccinales que tout autre professionnel de santé 1,8.

En France, il n’existe pas de dispositif d’évaluation de la couverture vaccinale (CV) en routine chez l’adulte, y compris pour le personnel de santé 9. Toutefois, les investigations menées lors d’épidémies ont montré des niveaux de CV insuffisants au sein de la population générale ainsi que pour les personnels de santé, particulièrement en région Paca 4,10,11,12.

En 2013, une étude transversale a été conduite auprès des internes des facultés de médecine et de pharmacie de l’Université d’Aix-Marseille. L’objectif était d’estimer la CV de la rougeole et d’identifier les facteurs associés au statut vaccinal

Méthodes

La Cellule de l’Institut de veille sanitaire (Cire) Sud a mené deux études transversales : l’une soutenue par le Syndicat autonome des internes des hôpitaux de Marseille (SAIHM), réalisée en mars 2013 auprès des internes en médecine, l’autre, menée avec l’Association des internes en pharmacie de Marseille (AIPM) en avril 2013, auprès des internes en pharmacie, respectivement inscrits à la Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université d’Aix-Marseille. Le protocole a été validé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Les informations, collectées par questionnaire, incluaient : les caractéristiques démographiques (sexe, spécialité, année d’internat) ; la consultation d’un médecin du travail durant l’internat ; les antécédents de rougeole ; le statut vaccinal auto-déclaré pour la rougeole (nombre de doses reçues, lieu de vaccination, effets secondaires) ; le statut vaccinal auto-déclaré pour l’hépatite B, la coqueluche et la grippe ; les raisons invoquées de vaccination ou de non-vaccination contre la rougeole. L’âge n’a pas été recueilli pour des raisons de confidentialité, mais en raison de la durée des études, il s’avère que la quasi-totalité des étudiants étaient nés après 1982.

En médecine, un questionnaire a été remis en main propre à l’occasion d’une réunion de deux jours organisée par le SAIHM, par délégation de la Faculté de médecine, au cours de laquelle l’ensemble des internes devaient choisir leur affectation de stage ultérieure. Le questionnaire, complété sur place, était récupéré immédiatement après remplissage. En pharmacie, en l’absence d’un tel rassemblement, le questionnaire a été envoyé par courriel à tous les internes par l’AIPM, chargée d’organiser les choix par la Faculté de pharmacie, avec retour à la Cire Sud. Deux relances ont été réalisées par courriel.

Les internes déclarant avoir reçu deux doses de vaccin étaient considérés comme étant vaccinés contre la rougeole. Ils étaient considérés comme « à jour » de la vaccination : contre la grippe s’ils avaient reçu un vaccin durant la saison grippale 2012-2013, et contre la coqueluche et l’hépatite B, s’ils s’étaient conformés au calendrier vaccinal 2012 (coqueluche trois doses à 2, 3 et 4 mois, puis rappels à 16-18 mois, 11-13 ans et 26-28 ans ; hépatite B : 3 doses à 1, 2 et 6 à 12 mois). Un calendrier vaccinal simplifié accompagnait le questionnaire pour permettre aux internes de se situer par rapport au calendrier recommandé.

L’effectif des internes par sexe, année d’internat et spécialité étaient fournis par le SAIHM et l’AIPM. La CV a été calculée en utilisant le nombre de répondants comme dénominateur. La CV a été comparée pour ces différents groupes par le test du Chi2. La régression de Poisson a été utilisée pour l’identification des facteurs éventuellement associés à la vaccination contre la rougeole avec deux doses et le résultat présenté sous forme de ratio de prévalence (RP) avec un intervalle de confiance à 95% (IC95%).

Résultats

Description de la population d’étude

Au total, 703 internes en médecine ont participé à l’étude sur les 1 152 attendus (61%). Seuls 18 ont refusé de répondre, les autres non-répondants étant des internes non présents physiquement au choix mais qui avaient donné des procurations à d’autres pour leur choix de stage. En pharmacie, 77 internes ont répondu sur 192 (40%). Le pourcentage de participation était plus élevé en médecine qu’en pharmacie (p<0,001).

En médecine, les internes de 1ère année étaient surreprésentés et ceux de 4e année sous-représentés (p<0,001). Les internes en pédiatrie et gynécologie-obstétrique étaient sous-représentés alors que ceux en médecine générale étaient surreprésentés (p<0,01) (tableau 1a).

Tableau 1a : Caractéristiques des répondants en médecine. Enquête de couverture vaccinale auprès des internes de la Faculté de médecine de l’Université d’Aix-Marseille, France, mars 2013
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En pharmacie, les distributions des participants par sexe, année d’internat et spécialité ne différaient pas de celles de la population totale d’internes en pharmacie (tableau 1b)

Tableau 1b : Caractéristiques des répondants en pharmacie. Enquête de couverture vaccinale auprès des internes de la Faculté de pharmacie de l’Université d’Aix-Marseille, France, avril 2013
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Vaccination anti-rougeoleuse

La CV avec au moins une dose de vaccin a été estimée à 93% (613/660 ; IC95%:[91-95]) en médecine et à 94% (64/68 ; IC95%:[88-100]) en pharmacie. La CV avec deux doses de vaccin contre la rougeole s’élevait à 76% (389/509 ; IC95%:[73-80]) en médecine et à 82% (40/49 ; IC95%:[70-93]) en pharmacie.

En médecine, la CV avec au moins une dose était plus élevée chez les internes de gynécologie-obstétrique et des spécialités médicales (respectivement 96% et 95%) ; la différence n’était pas significative avec les autres spécialités. En pharmacie, aucune différence significative n’a été mise en évidence selon le sexe, les années d’internat ou les spécialités.

En médecine et en pharmacie, 75% des internes (respectivement 460/613 et 48/64) ont déclaré avoir été vaccinés par leur médecin traitant, suivi du service de santé scolaire, pour respectivement 14% (88/613) et 22% (14/64). Moins de 7% des internes en médecine (41/613) et 14% des internes en pharmacie (9/64) ont indiqué avoir été vaccinés par les services de santé universitaire ou de médecine du travail.

Antécédents de rougeole

En médecine, 14% (95/664) des internes ont déclaré avoir contracté la rougeole dans le passé, dont 12% (11/95) confirmés biologiquement. En pharmacie, ces chiffres étaient de 10% (7/72) et aucun confirmé biologiquement.

Parmi les internes en médecine ayant déclaré avoir eu la rougeole, 4 ont dit avoir présenté des complications (pneumonie notamment) et 1 a été hospitalisé. En pharmacie, aucun des 7 internes n’a signalé de complications ou n’a été hospitalisé.

En médecine, 37% (35/95) des internes se souvenaient de l’année de la maladie, dont 23% (8/35) ont déclaré avoir eu la rougeole avant l’introduction de la vaccination en 1983, 63% (22/35) entre 1983 et 1996 (année d’introduction de la 2e dose) et 14% (5/35) entre 2007 et 2011. En pharmacie, 3 internes sur 7 (43%) se souvenaient de l’année de la maladie (antérieure à 1983 pour l’un d’entre eux).

Couverture vaccinale pour les autres vaccins

La CV de la coqueluche était plus élevée en pharmacie (91% ; 51/56) qu’en médecine (78% ; 467/596) (p<0,03). En médecine, la CV était plus faible pour les internes de 4e année (64%) par rapport aux autres années (p<0,04). En pharmacie, aucune différence n’a été observée selon le sexe, la spécialité et les années d’internat.

Pour la saison 2012-2013, 50% (350/698) des internes en médecine et 36% (28/77) des internes en pharmacie ont indiqué avoir été vaccinés contre la grippe saisonnière (p<0,03). Les internes de médecine en pédiatrie et gynécologie-obstétrique étaient davantage vaccinés (66%) que ceux d’autres spécialités (49%, p<0,03). Au contraire, les internes des spécialités chirurgicales étaient les moins vaccinés (30%). En pharmacie, les internes de biologie médicale étaient plus vaccinés (74%) que ceux des autres spécialités (24%, p<0,001).

Concernant l’hépatite B, les CV entre médecine (99%) et pharmacie (97%) étaient comparables, quels que soient le sexe, l’année d’internat et la spécialité.

Consultation d’un médecin du travail

En médecine, 38% (264/695) des internes ont indiqué avoir consulté un médecin du travail au cours de leur internat, contre 66% (50/76) en pharmacie (p<0,001). La proportion d’internes consultant la médecine du travail tendait à augmenter avec les années d’internat, mais restait relativement faible pour les internes en médecine (tableau 2).

Tableau 2 : Répartition des internes ayant effectué ou non une visite médicale à la médecine du travail durant leur période d’internat, par année d’internat en médecine (n=695) et en pharmacie (n=76) et ratios de prévalences. Enquêtes de couverture vaccinale réalisées auprès des internes des Facultés de médecine et de pharmacie de l’Université d’Aix-Marseille, France, mars et avril 2013
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Raisons de non-vaccination avec au moins deux doses de vaccin anti-rougeoleux

Parmi les 120 internes en médecine non vaccinés contre la rougeole avec deux doses, 39 (33%) ont cité le désintérêt et l’oubli comme raison de non-vaccination, 33 (28%) ont déclaré avoir déjà eu la rougeole et 5 (4%) considéraient le risque de contracter la maladie comme faible. Deux ont manifesté une opposition à la vaccination (41 sans réponse).

Parmi les 9 internes en pharmacie non vaccinés contre la rougeole avec deux doses, 2 ont cité le désintérêt et l’oubli comme raison de non-vaccination, 3 ont déclaré avoir déjà eu la rougeole (3 sans réponse).

Facteurs associés à la vaccination anti-rougeoleuse

La facilité d’accès à la vaccination était le facteur de motivation le plus souvent cité aussi bien en médecine (345/509 ; 68%) qu’en pharmacie (52/77 ; 68%). Ensuite venait la volonté de protéger les patients ou la présence de personnes vulnérables dans l’entourage.

En médecine, l’analyse univariée a montré que 5 facteurs étaient significativement associés à la vaccination contre la rougeole avec deux doses de vaccin (tableau 3). En analyse multivariée, 4 facteurs restaient significativement associés au fait d’être vacciné avec deux doses (tableau 4). Les internes qui disaient avoir eu la rougeole dans le passé étaient moins à même d’être vaccinés avec deux doses contre la maladie (RP=0,48). La CV anti-rougeoleuse était plus élevée pour les internes déclarant que la protection des patients constituait une motivation pour la vaccination.

Tableau 3 : Facteurs associés à la vaccination anti-rougeoleuse deux doses. Enquête de couverture vaccinale auprès des internes de la Faculté de médecine de l’Université d’Aix-Marseille, France, mars 2013
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Tableau 4 : Facteurs associés à la vaccination anti-rougeoleuse deux doses avec modèle de régression de Poisson. Enquête de couverture vaccinale auprès des internes de la Faculté de médecine de l’Université d’Aix-Marseille, France, mars 2013
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En pharmacie, l’étude a été limitée en raison du faible effectif. L’analyse univariée a montré que les internes déclarant avoir eu la rougeole étaient moins vaccinés que les autres (p<0,01 ; RP=0,4 ; IC95%:[0,12-1,19]).

Discussion

Les estimations de CV avec deux doses de vaccin anti-rougeoleux (76% chez les internes en médecine et 82% chez les internes en pharmacie) sont comparables à celles estimées chez les enfants scolarisés en primaire ou secondaire, mais sont insuffisantes pour espérer l’élimination de la rougeole 1,8,13. Cependant, la recommandation de vaccination contre la rougeole avec deux doses pour les personnes nées depuis 1980 datant seulement de 2011, il est possible qu’il existe un décalage avant la mise en place sur le terrain de la recommandation, expliquant ainsi une couverture encore insuffisante. Une nouvelle évaluation dans quelques années permettrait de mieux appréhender ce phénomène. Malgré tout, les professionnels de santé constituent une population particulière pour qui l’objectif de CV doit être le plus élevé possible, car ils sont susceptibles de transmettre la maladie aux patients, avec un risque aggravé pour les personnes fragiles 3,5,7.

Les données de CV chez les internes sont peu fréquentes en France. Une étude menée auprès d’étudiants admis en 2e année du cursus des études de médecine à Lille, en 2011, a montré une CV à 78% pour deux doses de vaccin anti-rougeoleux, à partir du carnet de santé 11. Une autre étude impliquant 157 internes en médecine (41% de réponses) en région parisienne en 2009, a montré une CV vérifiée dans le carnet de santé de 80% pour une dose et de 46% pour deux doses 12.

La facilité d’accès à la vaccination apparaît comme un facteur motivant pour la vaccination anti-rougeoleuse avec deux doses. D’autres études portant sur la vaccination contre la grippe saisonnière vont dans ce sens, suggérant que les difficultés d’accès pourraient représenter un frein à la vaccination 14,15.

Dans notre étude, deux motifs de non-vaccination étaient cités par les non-vaccinés avec deux doses. Le premier témoignait d’un désintérêt pour la vaccination et d’un manque de sensibilisation sur les dangers de la maladie. Ceci est peut-être lié à la génération des internes interrogés, qui n’a peu ou pas eu connaissance de la gravité des infections prévenues par les vaccins, ou au fait que ces maladies sont moins abordées lors des études médicales. Le second montre que des internes se croient protégés par leur antécédent de rougeole. Or, ce diagnostic porté depuis les années 1980 s’est avéré de moins en moins exact au cours du temps du fait de l’importante diminution de l’incidence de la rougeole liée à l’augmentation de la CV, d’où l’importance en période de pré-élimination de confirmer le diagnostic biologiquement. En effet, des éruptions maculo-papuleuses ont pu être diagnostiquées à tort comme étant des cas de rougeole. Aussi, le HCSP recommande que toute personne née après 1980 ait reçu deux doses de vaccin trivalent, quels que soient ses antécédents de rougeole. Enfin, il faut rappeler que le nombre d’internes manifestant une opposition à la vaccination était minime (2 en médecine, aucun en pharmacie).

Les trois quarts des internes en médecine et en pharmacie ont indiqué qu’ils avaient été vaccinés par leur médecin traitant. Seuls 38% des internes en médecine et 66% en pharmacie ont consulté la médecine du travail au cours de leur internat. Ce chiffre reste faible dans la mesure où le médecin du travail du lieu de stage est informé des affectations d’internes. Le médecin pourrait ainsi constituer une voie importante de rattrapage des sujets non vaccinés et améliorer la CV. Cependant, il est probable que le changement de lieu d’exercice des internes tous les 6 mois ne facilite pas l’accès à la médecine du travail et le suivi des visites médicales par ce service.

Cette étude présente quelques limites. En termes de représentativité nationale, les internes de l’Université d’Aix-Marseille peuvent ne pas être représentatifs de tous les internes de France. Ensuite, tous les internes n’ont pas répondu, particulièrement en pharmacie où le taux de participation s’est révélé assez moyen (40%) malgré deux relances. En médecine, le nombre de refus de participer était très faible, les non-répondants étant des internes pour l’essentiel requis dans les services et qui avaient donné des procurations à d’autres pour leur choix de stage. La participation, meilleure en médecine qu’en pharmacie, est liée à la méthode de recueil des données, montrant que les questionnaires réalisés en face-à-face restent bien plus performants que les méthodes « passives » même par appel individuel comme le recours à la messagerie électronique, qui reste une méthode assez passive. Par ailleurs, la CV a été estimée à partir des déclarations des internes, sans consultation du carnet de santé qui est une source de données fiable. Plusieurs études ont montré que les CV estimées à partir de données auto-déclarées, comme c’était le cas dans notre étude, étaient plutôt surestimées 16,17. Ceci est notable pour la vaccination contre la coqueluche, qui semble être particulièrement élevée dans cette étude. Il est possible que les internes aient associé ce vaccin au DTP ou aient considéré avoir été vaccinés dans l’enfance sans vérifier les recommandations spéci- fiques pour cette valence dans le calendrier fourni. Néanmoins, malgré une surestimation probable, nous rapportons une CV insuffisante contre la rougeole.

Ainsi, il apparaît essentiel d’assurer une large diffusion du calendrier vaccinal chaque année en rappelant que la 2e dose n’est pas un simple rappel, mais un rattrapage des échecs vaccinaux de la 1ère dose. Les professionnels de santé doivent être sensibilisés, dès les études médicales, aux risques que représente la rougeole pour laquelle les formes sévères augmentent avec l’âge, en rappelant qu’être vacciné limite la transmission nosocomiale. De plus, les étudiants devraient pouvoir, via les Services universitaires de médecine préventive et promotion de la santé (SUMPPS), être sensibilisés en amont de tout stage hospitalier aux recommandations vaccinales autant qu’aux obligations. Il semble possible d’améliorer la CV en rendant la vaccination facilement accessible et en mobilisant, lors des études, les SUMPPS et les services de médecine du travail. Néanmoins, devant le trop grand nombre d’internes n’ayant pas effectué de visite médicale, il serait important de rendre effective l’obligation de consultation à la médecine du travail.

Remerciements

Les auteurs remercient le Syndicat autonome des internes des hôpitaux de Marseille (SAIHM), l’Association des internes en pharmacie de Marseille (AIPM) et la Faculté de médecine de l’Université d’Aix-Marseille pour avoir permis la réalisation de cette étude, l’équipe de la Cire Sud pour la réalisation de l’enquête et tous les internes qui ont accepté de répondre à l’enquête.

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Citer cet article

Succo T, Korhonen T, Neveu A, Armengaud A, Six C, Danis K, et al. Couverture vaccinale auto-déclarée de la rougeole chez les internes des facultés de médecine et de pharmacie de l’Université d’Aix-Marseille : raisons de non-vaccination, Marseille, France, 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(28):506-12. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/28/2015_28_1.html