Les hospitalisations pour complications podologiques chez les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement en France en 2013

// Hospitalization for podiatric complications in people pharmacologically treated for diabetes in France, in 2013

Sandrine Fosse-Edorh1 (s.fosse@invs.sante.fr), Laurence Mandereau-Bruno1, Agnès Hartmann-Heurtier2
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France
Soumis le 24.07.2015 // Date of submission: 07.24.2015
Mots-clés : Diabète | Complication | Amputation | Plaies du pied | Disparités régionales | Disparités socio-économiques
Keywords: Diabetes | Complication | Amputation | Foot ulcer | Regional disparities | Socio-economic disparities

Résumé

Objectif –

Dresser un bilan des hospitalisations pour complications podologiques chez les personnes diabétiques en France en 2013.

Méthodes –

Les données ont été extraites du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) chaîné au Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement ont été identifiées sur la base des remboursements de traitements antidiabétiques. Les hospitalisations pour amputation d’un membre inférieur (AMI) ont été sélectionnées à partir des actes codés selon la classification commune des actes médicaux, et celles des plaies du pied à partir des diagnostics principaux, reliés et associés. Pour les plaies du pied, le premier séjour annuel de chaque personne a été conservé. Pour les AMI, le séjour de l’amputation de niveau le plus proximal a été conservé. Afin d’établir des comparaisons régionales et selon le niveau socio-économique, les taux d’incidence ont été standardisés sur la structure d’âge de la population européenne 2010, chez les personnes de 45 ans et plus.

Résultats –

En 2013, en France, les taux d’incidence des hospitalisations pour AMI et plaie du pied dans la population diabétique étaient respectivement de 252/100 000 et 668/100 000 personnes diabétiques. À structure d’âge identique, le taux d’hommes diabétiques hospitalisés pour AMI était 2,6 fois plus élevé que celui des femmes, et le taux de plaies du pied était 1,6 fois supérieur. Ces taux étaient respectivement 1,5 et 1,4 fois plus élevés chez les personnes diabétiques de moins de 60 ans bénéficiaires de la Couverture maladie universelle complémentaire que chez les non-bénéficiaires. Il était 1,3 fois supérieur chez les personnes résidant dans les communes les plus défavorisées par rapport à celles résidant dans les communes les plus favorisées. Les disparités régionales étaient très marquées pour ces deux complications.

Conclusion –

Les hospitalisations pour complications podologiques restent très fréquentes dans la population diabétique en France en 2013, et de fortes disparités socio-économiques et territoriales sont observées. Ce système de surveillance des hospitalisations pour complications podologiques, basé sur les données du Sniiram, peut devenir un outil d’aide au développement d’actions régionales dans les zones identifiées à haut risque.

Abstract

Objective –

To provide an overview of hospitalization for podiatric complications in people pharmacologically treated for diabetes in France in 2013.

Methods –

Data were extracted from the National Information System for Health Insurance (Sniiram) linked to the French national hospital discharge databases (PMSI). People treated for diabetes were identified from reimbursements of their antidiabetic deliveries. Hospitalizations for lower limb amputation (LLA) were selected from the acts coded using the common classification of medical acts, and foot ulcers were selected from the main related or associated diagnosis. For foot ulcers, the first annual hospital stay of each patient was retained. Regarding LLA, the hospital stay related to the most proximal amputation was retained. In order to perform regional and socio-economic comparisons, incidence rates were age-standardized using the 2010 European population in people aged 45 years and older.

Results –

In 2013, in France, the incidence rate of people treated for diabetes hospitalized for LLA and foot ulcers were 252/100,000 et 668/100,000, respectively. The age-standardized rate of hospitalisation for LLA was 2.6 times higher in men than in women. The rate for foot ulcers was 1.6 times higher in men. The rates were respectively 1.5 and 1.4 times higher in people with diabetes under 60 years of age who benefited from the universal complementary health insurance (a deprivation marker) than in non beneficiaries. It was 1.3 times higher among people living in the most deprived towns compared to those living in the less deprived. Regional disparities were very marked for these two complications.

Conclusion –

Hospitalization for podiatric complications were very frequent in the diabetic population in France in 2013 and strong socio-economic and territorial disparities were observed. This surveillance system of hospitalization for podiatric complications based on data from Sniiram can become a tool for the development of regional actions in areas identified as high risk.

Introduction

Les plaies chroniques du pied sont des complications graves du diabète, avec un retentissement sévère à la fois pour la personne diabétique sur sa qualité de vie et sa durée de vie, et pour la société avec un coût élevé. Leur gravité peut conduire à l’hospitalisation et parfois l’amputation. Depuis plus de 25 ans, la communauté internationale se mobilise pour réduire ce fléau. En France, en 2005, le programme national d’action diabète avait axé un de ses objectifs sur l’amélioration de la prévention des lésions du pied dans la population diabétique. Pour contribuer à ce programme, une première estimation, basée sur les données d’hospitalisations de l’année 2003 du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) a alors été établie et rapportait une incidence des amputations de membres inférieurs (AMI) de 378/100 000 personnes diabétiques 1. En 2007, alors que ce taux était restéstable (376/100 000) 2, l’étude Entred rapportait que seulement 20% des personnes diabétiques de type 2 déclaraient que leur médecin leur avait fait un test au monofilament 3. C’est dans ce contexte qu’en 2007, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié un rapport visant à mieux dépister les lésions podologiques par une gradation annuelle du risque, 4après examen clinique et utilisation d’un monofilament 4. Par la suite, depuis 2008, l’Assurance maladie a mis en place un forfait podologique permettant aux personnes diabétiques de grade 2 et 3 de bénéficier respectivement d’un remboursement de 4 et 6 séances annuelles de soins podologiques, dispensées par un podologue formé.

L’objectif de cet article est de décrire les hospitalisations pour AMI et plaie du pied en France en 2013 chez les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement, d’en mesurer les évolutions depuis 2010, et d’en décrire les disparités régionales et socio-économiques.

Population et méthodes

Source de données

Les données ont été extraites du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram), pour l’ensemble des régimes. La méthodologie utilisée est décrite dans un autre article de ce même numéro 5.

Méthodes d’analyse

Les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement ont été identifiées par la délivrance d’antidiabétiques oraux ou d’insuline à au moins 3 dates différentes (2 si au moins un grand conditionnement a été délivré), au cours de l’année 6.

Les AMI ont été identifiées à partir des séjours hospitaliers mentionnant un acte codé selon la Classification commune des actes médicaux (CCAM) : NZFA001, NZFA002, NZFA003, NZFA004, NZFA005, NZFA006, NZFA007, NZFA008, NZFA009, NZFA010, NZFA013 et les plaies du pied à partir des codes diagnostics principaux, reliés ou associés (CIM10) : L97, L984, M8607, M8617, M8627, M8637, M8647, M8657, M8667, M8687, M8697, S90 et S91. Si une personne était hospitalisée plusieurs fois au cours d’une année donnée avec un acte d’AMI ou pour une plaie du pied, l’ensemble de ses séjours ont été considérés, mais elle n’a été comptabilisée qu’une seule fois comme ayant été amputée ou comme ayant eu une plaie du pied. Dans le cas d’une AMI, seules les caractéristiques de l’amputation de niveau le plus proximal ont été prises en compte dans cette étude.

Afin d’établir des comparaisons régionales et selon le niveau socio-économique, les taux d’incidence ont été standardisés sur la structure d’âge de la population européenne 2010, chez les personnes de 45 ans et plus.

Résultats

En 2013, en France, les taux d’incidence des hospitalisations pour AMI et plaie du pied dans la population diabétique étaient de 252/100 000 et 668/100 000 personnes diabétiques, respectivement. Les personnes diabétiques amputées étaient âgées en moyenne de 71 ans et de 71,5 ans pour les personnes hospitalisées pour une plaie du pied. Les taux d’incidence augmentaient avec l’âge pour atteindre 428/100 000 et 1 621/100 000, respectivement, chez les personnes âgées de 90 ans et plus (figure 1a et 1b). Ils étaient, respectivement, 2,6 fois et 1,6 fois plus élevés chez les hommes que chez les femmes à structure d’âge identique.

Figure 1a : Taux d’incidence des amputations de membre inférieur pour 100 000 personnes diabétiques traitées pharmacologiquement selon le sexe et l’âge, France entière, 2013
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Figure 1b : Taux d’incidence des hospitalisations pour plaie du pied pour 100 000 personnes diabétiques traitées pharmacologiquement selon le sexe et l’âge, France entière, 2013
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Le niveau le plus haut d’amputation était l’orteil dans 52% des cas, le pied (19%), la jambe (17%) et la cuisse (12%).

Parmi les personnes diabétiques amputées au niveau d’un membre inférieur, 20% étaient ré-amputées au moins une fois au cours de l'année. Le taux de réhospitalisation dans l’année pour plaie du pied était de 30%.

Le suivi à 4 ans des personnes hospitalisées pour une plaie du pied en 2010 montrait que 53% d’entre elles avaient été ré-hospitalisées au moins une fois pour une plaie du pied, 30% avaient été hospitalisées pour au moins une AMI et 37% étaient décédées.

Évolutions temporelles

Entre 2010 et 2013, le taux d’incidence pour AMI est resté stable. En revanche, celui des plaies du pied a augmenté de 558 à 668/100 000 personnes diabétiques, soit une augmentation de 20% (figure 2).

Figure 2 : Évolution des taux d’incidence des amputations de membre inférieur et des hospitalisations pour plaie du pied pour 100 000 personnes diabétiques traitées pharmacologiquement, France entière, 2010-2013
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Les niveaux d’amputation sont restés relativement stables. La proportion d’amputations majeures (cuisse et jambe) était de 30% en 2010 et de 29% en 2013.

Disparités socio-économiques

En 2013, parmi les personnes de moins de 60 ans, les hospitalisations pour AMI et plaies du pied étaient respectivement 1,5 fois et 1,4 fois plus fréquentes chez les personnes diabétiques bénéficiant de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) que chez celles qui n’en bénéficiaient pas, à structure d’âge identique.

Par ailleurs, les hospitalisations pour AMI et pour plaies du pied étaient 1,3 fois plus fréquentes chez les personnes diabétiques résidant dans les communes les plus défavorisées par rapport à celles résidant dans les communes les moins défavorisées (figure 3).

Figure 3 : Taux d’incidence standardiséª des amputations de membre inférieur et des hospitalisations pour plaie du pied (pour 100 000 personnes diabétiques traitées pharmacologiquement), selon le niveau territorial de désavantage social, France métropolitaine, 2013
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Disparités régionales

À structure d’âge identique, 6 régions enregistraient des taux d’incidence des AMI très élevés par rapport au taux d’incidence standardisé national (figure 4a) : la Guyane (1,6 fois plus élevé), la Guadeloupe (1,6 fois plus), la Martinique (1,3 fois plus), La Réunion (1,3 fois plus), la Basse-Normandie (1,3 fois plus) et le Nord-Pas-de-Calais (1,3 fois plus). À l’inverse, le Languedoc-Roussillon enregistrait un taux d’incidence 1,4 fois inférieur au taux national, tout comme l’Île-de-France (1,3 fois moins), l’Auvergne (1,3 fois moins), la Provence-Alpes-Côte d’Azur (1,2 fois moins) et la Bourgogne (1,2 fois moins).

Figure 4a : Taux d’incidence standardiséª des amputations de membre inférieur par région (pour 100 000 personnes diabétiques traitées pharmacologiquement), France entière, 2013
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Concernant les hospitalisations pour plaies du pied, la situation était différente (figure 4b). À structure d’âge identique, le Nord-Pas-de-Calais enregistrait le taux d’incidence le plus élevé (1,5 fois plus élevé que le taux national), puis la Picardie (1,3 fois plus), l’Alsace (1,3 fois plus), la Martinique (1,3 fois plus), la Bourgogne (1,2 fois plus) et l’Auvergne (1,2 fois plus). Les régions qui enregistraient les plus faibles taux d’incidence étaient la Corse (3,7 fois inférieur au taux national), la Guyane (1,8 fois moins), la Guadeloupe (1,5 fois moins), la Provence-Alpes-Côte d’Azur (1,4 fois moins), La Réunion (1,2 fois moins) et l’Île-de-France (1,2 fois moins).

Figure 4b : Taux d’incidence standardiséª des hospitalisations pour plaies du pied par région (pour 100 000 personnes diabétiques traitées pharmacologiquement), France entière, 2013
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Les données détaillées par région pour l’année 2013 sont disponibles sur le site internet de l’Institut de veille sanitaire (InVS) à l’adresse : http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-chroniques-et-traumatismes/Diabete/Donnees-epidemiologiques/Donnees-epidemiologiques-sur-le-diabete-en-regions.

Discussion

Cet article décrit les hospitalisations pour complications podologiques du diabète en France à partir des données disponibles dans le Sniiram. Entre 2010 et 2013, le taux d’incidence des AMI chez les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement est resté stable (252/100n 000 en 2013), alors que le taux d’incidence des hospitalisations pour plaies du pied dans cette même population progressait pour atteindre 668/100n 000 en 2013. En outre, de fortes inégalités socio-économiques et géographiques étaient observées.

La France se situait dans la moyenne des autres pays de l’OCDE, en termes d’incidence des AMI en 2007 7. Les comparaisons internationales des taux d’incidence restent toutefois délicates du fait de méthodologies hétérogènes, souvent dues à des définitions de cas différentes ou à des estimations biaisées de la population diabétique. Cependant, au sein d’un même pays, des estimations basées sur une même méthodologie permettent de suivre les tendances temporelles. Plusieurs études internationales ont ainsi mis en évidence une diminution de l’incidence des AMI chez les personnes diabétiques, que ce soit aux Pays-Bas, en Finlande, aux États-Unis, en Écosse ou au Danemark.

En France, une étude avec une méthodologie proche de la nôtre, mais portant uniquement sur les données du Régime général, a mis en évidence une légère diminution des taux d’incidence sur la période 2008-2011 8. Une précédente étude, basée sur les seules données du PMSI, avait montré que l’incidence des AMI était restée stable entre 2003 et 2007 2. Une limite forte de cette étude, réalisée avant l’accès aux données du Sniiram, était l’hétérogénéité dans l’identification des cas de diabète au numérateur et au dénominateur. Au numérateur, l’identification des personnes diabétiques amputées reposait sur la présence d’un diagnostic de diabète lors du séjour hospitalier. Au dénominateur, la population diabétique était estimée à partir des bases de données de consommation médicale. Ce biais, incontournable à l’époque, avait été identifié et discuté. Désormais, l’accès au Sniiram permet d’homogénéiser l’identification des personnes diabétiques. Cependant, si cette nouvelle méthodologie améliore l’estimation de l’incidence, elle ne permet pas la comparaison des taux d’incidence obtenus sur la période précédente. Ces différences méthodologiques rappellent la nécessité de stabiliser les algorithmes utilisés pour un système de surveillance épidémiologique des hospitalisations pour complications podologiques du diabète en France, afin de pouvoir étudier les évolutions temporelles sur le long terme permettant d’évaluer l’impact des nouvelles mesures de prévention.

Les plaies chroniques du pied sont une complication de la neuropathie et de l’artériopathie des membres inférieurs, complications qui peuvent être prévenues par l’équilibre du diabète 9 et le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire. Quand ces complications sont déjà présentes, la prévention repose sur l’éducation du patient et sur le recours au podologue pour les soins de prévention et la mise en place d’orthèses si nécessaire 10. Le niveau de risque doit être établi par une gradation du risque podologique par le médecin prenant en charge le diabète. Toutefois, en 2007, d’après les données d’Entred, 40% des médecins n’avaient pas gradé le risque podologique et 17% n’avaient pas répondu à cette question 3.

Il faut également souligner que cette étude ne prend pas en compte les plaies de pied suivies en ambulatoire. Ainsi, l’augmentation de l’incidence des hospitalisations pour plaie de pied est difficile à interpréter car elle peut refléter à la fois une augmentation de l’incidence des plaies graves nécessitant une hospitalisation mais aussi, inversement, une prise en charge hospitalière plus précoce des lésions en prévention d’une AMI.

Cette étude a mis en évidence de fortes disparités socio-économiques. Le taux d’incidence d’AMI est 1,5 fois plus élevé chez les personnes diabétiques âgées de moins de 60 ans bénéficiaires de la CMU-C par rapport aux non-bénéficiaires, et 1,3 fois plus élevé chez les personnes résidant dans les communes les plus défavorisées par rapport à celles qui résident dans les communes les moins défavorisées. Or l’AMI est la conséquence d’une plaie qui s’est aggravée à cause d’une mauvaise prise en charge. Ces disparités confirment les résultats observés à partir des données de l’étude Entred, qui montraient que la prévalence d’un antécédent de plaie du pied et/ou d’une amputation était d’autant plus fréquente que les personnes étaient plus défavorisées 11.

Par ailleurs, les disparités régionales sont très importantes, avec un taux d’incidence de l’AMI 2,2 fois plus élevé en Guyane qu’en Languedoc-Roussillon, à structure d’âge identique. Outre ces différences régionales de taux d’incidence de l’AMI, un fait marquant concerne les disparités intra-régionales entre les taux d’incidence des AMI et des hospitalisations pour plaies du pied. Ainsi, certaines régions ont un taux très élevé d’incidence des AMI mais un taux d’hospitalisations pour plaies du pied plus faible que la moyenne nationale. C’est le cas pour 3 des 4 DOM : La Réunion, la Guyane et la Guadeloupe. Cela suggère que les plaies sont prises en charge plutôt en ambulatoire mais que, lorsqu’elles sont hospitalisées, la situation clinique a déjà évolué, et/ou la prise en charge n’est pas optimale, ne permettant pas d’éviter l’amputation. À l’inverse, certaines régions enregistrent des taux d’incidence de l’AMI très faibles mais des taux d’incidence des hospitalisations pour plaies du pied très élevés. Il serait intéressant de compléter cette analyse en tenant compte de la localisation géographique des centres experts dans la prise en charge et le traitement du pied diabétique. Néanmoins, ces observations soulignent, d’une part, l’importance de développer des programmes d’éducation des patients et d’information sur les forfaits podologiques pour prévenir les plaies et, d’autre part, de former des équipes pluridisciplinaires à la démarche thérapeutique permettant d’éviter les amputations 10, dans les régions à recours élevé à l’AMI.

Cette étude repose sur les données du Sniiram qui couvrent, pour les remboursements de prestations et les hospitalisations, la quasi-totalité des assurés sociaux (environ 98%). Cependant, l’identification de la population diabétique est établie uniquement sur les traitements hypoglycémiants soumis à remboursement. Ainsi, cette définition n’inclut pas les personnes diabétiques en hospitalisation delongue durée ou résidant dans un établissement d’hébergement doté d’une pharmacie à usage intérieur, ni les personnes peu observantes du traitement ou celles décédées durant les premiers mois de l’année, sans avoir pu bénéficier de 3 remboursements de traitements antidiabétiques. Cette limite sous-estime donc l’effectif de personnes diabétiques amputées ou hospitalisées pour plaie du pied. Toutefois, cette limite n’a pas d’impact sur les taux d’incidence puisqu’ils reposent sur une même définition au numérateur et au dénominateur. De plus, il est hautement probable que ce biais soit constant au cours du temps et en fonction des régions, et impacte donc peu les évolutions temporelles ou les disparités régionales.

Une autre limite à notre étude repose sur l’identification des plaies du pied lors des séjours hospitaliers, probablement soumise à hétérogénéité dans les pratiques de codage. En revanche, le codage des actes d’amputation est vraisemblablement plus fiable.

En conclusion, cette étude, qui repose sur les données exhaustives du Sniiram, a mis en évidence de fortes inégalités socio-économiques et territoriales concernant les hospitalisations pour complications podologiques chez les personnes diabétiques. Cette analyse mériterait d’être approfondie par une étude complémentaire prenant en compte la localisation géographique des centres de référence du pied diabétique, ou encore les disparités dans le recours à des actes permettant d’éviter les amputations tels que les gestes de revascularisation devant une plaie chronique. Outre les apports pour la surveillance au niveau national, la mise en place de ce système de surveillance des complications podologiques peut devenir un outil d’aide au développement d’actions régionales ciblées aux zones identifiées à haut risque d’AMI.

Références

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11 Fosse-Edorh S, Fagot-Campagna A, Detournay B, Bihan H, Eschwege E, Gautier A, et al. Impact of socio-economic position on health and quality of care in adults with Type 2 diabetes in France: the Entred 2007 study. Diabet Med. 2015;32(11):1438-44.

Citer cet article

Fosse-Edorh S, Mandereau-Bruno L, Hartmann-Heurtier A. Les hospitalisations pour complications podologiques chez les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement, en France en 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(34-35):638-44. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/34-35/2015_34-35_4.html