Date de diagnostic de cancer et date d’effet d’affection de longue durée pour cancer : quelle concordance ?

// Date of cancer diagnosis and date of long term illness onset for cancer: any concordance?

Yao Cyril Kudjawu1 (yao.kudjawu@santepubliquefrance.fr), Teddy Meunier1, Pascale Grosclaude2, Karine Ligier3, Marc Colonna4, Patricia Delafosse4, Florence de Maria1, Gilles Chatellier5, Daniel Eilstein1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Registre des cancers du Tarn, Toulouse, France
3 Registre général des cancers de Lille et sa zone de proximité, Centre de référence régional en cancérologie, Centre hospitalier régional et universitaire, Lille, France
4 Registre général des cancers de l’Isère, Centre hospitalier universitaire, Grenoble, France
5 Assistance publique des hôpitaux de Paris, Unité d’épidémiologie et de recherche clinique, Inserm CIC 1418, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris, France
Soumis le 30.03.2016 // Date of submission: 03.30.2016
Mots-clés : Cancer | Affection longue durée | Registre de cancer | Base de données médico-administratives
Keywords: Cancer | Long term illness | Cancer registry | Medico-administrative database

Résumé

Introduction –

Pour produire des indicateurs de délai de prise en charge des personnes atteintes de cancer à partir des bases de données médico-administratives, nous avons voulu savoir si la date d’effet d’affection de longue durée (ALD) pour cancer pouvait être utilisée comme « proxy » de la date de diagnostic histologique.

Objectif –

Étudier la concordance entre les dates de diagnostic du cancer et d’effet d’ALD.

Matériel – méthodes –

Les données étaient issues des registres de cancer de l’Isère pour 2011, du Tarn et de Lille et sa zone de proximité pour 2009-2011 et concernaient le côlon-rectum, le poumon et le sein. L’analyse a porté sur la différence entre les dates de diagnostic et d’effet d’ALD.

Résultats –

L’effectif d’analyse était de 1 852, 1 514 et 3 437 cas, respectivement, pour les cancers du côlon-rectum, du poumon et du sein. Seulement 19%, 8,5% et 15%, respectivement, des patients atteints de cancers du côlon-rectum, de poumon et du sein, présentaient des dates identiques de diagnostic de cancer et d’effet d’ALD. La valeur absolue de la différence entre les deux dates était supérieure à une semaine chez 54% des patients (cancers colorectal et du sein) et 73% des patients pour le cancer du poumon.

Discussion – conclusion –

En l’absence d’information sur la date de diagnostic histologique, la date d’effet d’ALD ne peut pas servir de « proxy » de date pour calculer les indicateurs de délai de prise en charge des cancers.

Abstract

Introduction –

In order to produce, from medico-administrative databases, indicators on time to cancer care, we wanted to know if the date of long term illness (LTI) onset for cancer could be used as a “proxy” date for cancer diagnosis.

Objective –

To study the concordance between the date of cancer diagnosis and the date of LTI onset for this cancer.

Material – methods –

Data from population-based cancer registries of Isère for 2011, Tarn, and Lille and its nearby area for the period 2009-2011 were analyzed. Colon-rectum, lung, and breast cancer sites were studied. The analysis has focused the difference between the two dates of cancer diagnosis and LTI onset.

Results –

The total number of patients analyzed was 1,852, 1,514, and 3,437 cases for colon-rectum, lung, and breast cancers respectively. Only 19%, 8.5%, and 15% of the patients suffering from colon-rectum, lung, and breast cancers presented the same date of cancer diagnosis and LTI onset for this cancer, respectively. The absolute value of the difference between the two dates was higher than one week in 54% of patients (diagnosed for colon-rectum or breast cancer), and 73% in patients diagnosed for lung cancer.

Discussion – conclusion –

In absence of information on the date of histology-based cancer diagnosis, the date of LTI onset cannot be used as a “proxy” date for cancer diagnosis to calculate indicators on time to cancer care.

Introduction

En France, où les cancers représentent la première cause de mortalité 1, des plans nationaux de lutte contre le cancer existent depuis 2003. L’un des objectifs du deuxième de ces plans, réaffirmé par le troisième plan cancer (2014-2019), était de « Mieux connaître les délais de prise en charge des cancers afin de réduire les inégalités d’accès aux soins que constituent les retards éventuels ». En effet, les délais de mise en œuvre du protocole de soins après le diagnostic d’un cancer sont importants à maîtriser car, outre les bénéfices psychologiques que peut procurer un traitement rapide, certaines études ont montré qu’au-delà d’un certain temps tout retard pouvait être préjudiciable aux patients 2,3.

Une surveillance de ces délais dans la population française implique de connaître à la fois la date de diagnostic du cancer et la date de début de sa prise en charge. Si cette dernière peut être obtenue via les bases de données hospitalières ou de l’Assurance maladie, il est plus difficile de connaître la date réelle de diagnostic des cancers, collectée par les registres de cancers, via ces sources.

Pour une très grande partie des patients nous disposons des informations issues des données d’affection de longue durée (ALD) qui sont de plus en plus utilisées dans le champ de l’épidémiologie et de la santé publique 4,5. Les ALD sont des maladies « dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessitent un traitement prolongé et/ou une thérapeutique particulièrement coûteuse », et pour lesquelles un dispositif financier de l’Assurance maladie a pour objectif de prendre en charge la totalité des soins qui leur sont liés 6. Sur la base des informations diagnostiques datées (dates présumées) et des arguments cliniques et ou paracliniques de la maladie candidate à l’ALD, le médecin traitant établit un protocole de soins en concertation avec le patient et avec le ou les autres médecins correspondants qui interviennent dans le suivi de la maladie. Le protocole de soins est ensuite étudié par le médecin conseil de l’Assurance maladie, qui donne son accord pour la prise en charge à 100% d’une partie ou de la totalité des soins et des traitements liés à l’ALD, avec effet rétroactif. Dans les réformes de l’ALD en cours, l’accord du médecin conseil n’est plus nécessaire, depuis 2016, pour son obtention.

Les informations recueillies dans le cadre de ce dispositif sont organisées pour répondre aux impératifs de liquidation des caisses d’assurance maladie. Cependant, elles sont mises en forme pour les besoins de la recherche et des connaissances médicales.

Afin de vérifier s’il était possible d’utiliser des informations issues des ALD pour produire des indicateurs de délai d’accès au traitement chez les personnes atteintes d’un cancer du côlon-rectum, du poumon ou du sein, qui sont des cancers fréquents en France, nous avons étudié la concordance entre la date de diagnostic du cancer et la date d’effet d’ALD chez des patients enregistrés dans trois registres de cancer volontaires pour participer à l’étude.

Matériel et méthodes

Sources de données

Les données sont issues des registres généraux de cancer des départements de l’Isère, du Tarn ainsi que Lille et sa zone de proximité. Elles concernaient les années 2011 pour l’Isère et 2009-2011 pour les deux autres.

Pour recenser de façon exhaustive les cas incidents de cancers, les registres font un travail 1) de recherche des cas auprès de multiples sources, telles que les laboratoires d’anatomie et de cytologie pathologique, les établissements de soins et les services de l’Assurance maladie, qui leur transmettent notamment les données d’ALD ; 2) de dédoublonnage des cas puis de validation de l’information auprès des établissements de soins et des médecins libéraux ; 3) d’enregistrement, comprenant le recoupement des informations collectées et le codage des cas selon les règles définies par le réseau européen de registres de cancer 7. Après validation, les registres de cancers enregistrent les informations suivantes : l’identité du patient, son sexe, ses date et lieu de naissance, son lieu de résidence au moment du diagnostic, la localisation et la nature précise du cancer, la date de diagnostic ou d’incidence et le critère de diagnostic, le statut vital et le stade de gravité au diagnostic pour certains cancers.

Traitement des données

Les données nominatives d’incidence des cancers du côlon-rectum, du poumon et du sein sur la période d’étude, validées par chacun des trois registres, ont été croisées au sein des registres avec celles des bénéficiaires d’une ALD pour ces cancers de la même période, de l’année précédente (sauf pour l’Isère) et de l’année suivante. Les données croisées ont ensuite été anonymisées puis transmises à l’Institut de veille sanitaire (1) pour analyse. Ces données comportaient les informations sur le sexe, le code géographique de résidence du patient, le code CIM-10 de diagnostic de cancer, le comportement tumoral (cancer invasif ou in situ), la base diagnostique du cancer (histologie, cytologie, symptômes cliniques…), la date de diagnostic ou d’incidence du cancer, le régime d’assurance maladie, la date d’effet d’ALD, la topographie du cancer signalée par l’ALD.

Méthodologie d’analyse

Les patients qui présentaient des codes CIM-10 de diagnostic discordants entre le registre de cancer et l’ALD ont été exclus. Parmi ceux qui présentaient des codes CIM-10 de diagnostic identiques, nous avons identifié des signalements correspondant au même patient mais avec différentes dates d’effet d’ALD (figure 1). Pour ces patients, nous avons conservé, pour l’analyse, l’enregistrement correspondant à la date d’effet d’ALD la plus ancienne.

Nous avons réalisé une analyse descriptive des données sans doublon par localisation cancéreuse, puis avons calculé pour chaque patient la différence entre la date de diagnostic et la date de mise en ALD selon la localisation cancéreuse pour l’ensemble des trois départements de résidence et pour chaque département.

Figure 1 : Les étapes de sélection de la population d’étude
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Résultats

Caractéristiques des patients

Au total, les informations anonymisées de 8 198 nouveaux patients diagnostiqués entre 2009 et 2011 pour cancers du côlon-rectum, du poumon et du sein ont été transmises par les trois registres. Parmi ces patients 1 395 (17%) ont été exclus pour des raisons liées à la discordance des codes CIM-10 de diagnostic entre les registres de cancer et les données d’ALD ou de doublons (figure 1). L’effectif final d’analyse s’élevait à 1 852, 1 514 et 3 437 cas, respectivement, pour les cancers du côlon-rectum, du poumon et du sein. Les hommes représentaient la majorité des patients pour le côlon-rectum (54,2%) et le poumon (75,9%) (tableau 1).

L’âge moyen au diagnostic des cancers du côlon-rectum, du poumon et du sein était respectivement de 70, 64 et 60 ans. Selon la localisation cancéreuse, 86% à 92% des patients étaient affiliés au régime général de l’assurance maladie, 87% à 97% des lésions étaient des cancers invasifs et 89% à 99% des diagnostics reposaient sur les résultats d’histologie et de cytologie (tableau 1).

La médiane de la différence entre la date du diagnostic et la date d’effet d’ALD était respectivement de 0, 11 et 1 jours pour les cancers du côlon-rectum, du poumon et du sein.

Tableau 1 : Caractéristiques des patients selon la localisation cancéreuse
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Il n’existait pas de différence entre les sexes parmi les patients inclus et exclus. L’âge moyen des patients inclus était significativement moins élevé que l’âge moyen des patients exclus. Parmi les patients inclus, la proportion de patients présentant des dates identiques était significativement plus importante que celle des exclus (tableau 2).

Tableau 2 : Caractéristiques comparées des patients exclus et inclus dans l’analyse
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Comparaison entre la date de diagnostic de cancer et la date d’effet d’ALD selon la localisation cancéreuse (tableau 3)

Cancer colorectal : Parmi les 1 852 patients, 19% présentaient des dates identiques de diagnostic et d’effet d’ALD, 81% présentaient des dates différentes et 54% présentaient une différence absolue de plus d’une semaine entre les dates de diagnostic et d’effet d’ALD.

Cancer du poumon : Parmi les 1 514 patients, 8,5% présentaient des dates identiques de diagnostic et d’effet d’ALD, 91,5% présentaient des dates différentes et 73% présentaient une différence absolue supérieure à une semaine entre les deux dates.

Cancer du sein : Parmi les 3 437 patients, 15% présentaient des dates identiques de diagnostic et d’effet d’ALD, 85% présentaient des dates de diagnostic et d’effet d’ALD différentes et 54% présentaient une différence absolue de plus d’une semaine entre les deux dates.

Pour les trois localisations cancéreuses, la majorité des patients était mise en ALD avant la date de diagnostic enregistrée dans les registres. Le détail de la différence entre les deux dates est décrit dans le tableau 3.

Tableau 3 : Distribution des patients selon les valeurs de la différence entre la date de diagnostic et la date d’effet d’ALD et selon la localisation cancéreuse
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Comparaison entre la date de diagnostic de cancer et la date d’effet d’ALD selon le département de résidence

Les mêmes constats étaient retrouvés lorsqu’on réalisait la comparaison à l’échelle du département de résidence : 14% (Lille et sa zone de proximité) à 27% (Tarn) des patients diagnostiqués la première fois pour cancer colorectal présentaient une date d’effet d’ALD identique à celle du diagnostic enregistrée dans les registres. Ce pourcentage variait de 7% (Isère, Lille et sa zone de proximité) à 13% (Tarn) et de 13% (Isère, Lille et sa zone de proximité) à 20% (Tarn) pour les cancers du poumon et du sein. La majorité des patients était mise en ALD avant la date de diagnostic enregistrée dans les registres. Elle représentait, selon le lieu de résidence, 44% (Tarn) à 52% (Lille et sa zone de proximité) des patients pour le cancer colorectal, 64% (Tarn) à 72% (Lille et sa zone de proximité) des patients pour le cancer du poumon et 47% (Isère) à 54% (Lille et sa zone de proximité) des patients pour le cancer du sein (figure 2).

Figure 2 : Distribution des patients selon le lien entre la date de diagnostic du cancer et la date d’effet d’ALD par lieu de résidence
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Discussion

L’objectif de ce travail était de déterminer si les dates auxquelles les patients sont diagnostiqués la première fois pour cancer et les dates auxquelles leur ALD pour ce cancer prend effet étaient concordantes, dans la perspective d’utilisation des dates d’effet d’ALD comme « proxy » de dates de diagnostic, en association avec les données hospitalières, pour produire des indicateurs de délais de prise en charge des personnes atteintes de cancer.

L’étude a analysé les informations relatives aux patients atteints de cancers du côlon-rectum, du poumon ou du sein en raison de leur fréquence en France 8.

Afin de ne travailler que sur les patients nouvellement atteints de ces cancers et mis en ALD la première fois pour ces cancers, nous avons exclu les cas incidents dont le code CIM-10 de diagnostic qui a motivé la mise en ALD était différent de celui enregistré dans les registres de cancer. Car s’il n’y a pas de concordance de codes CIM-10 de diagnostic entre les données des registres et d’ALD, la recherche de concordance entre les dates de diagnostic et d’effet d’ALD n’aura aucun intérêt. Les patients exclus de l’analyse pour cause de discordance de code diagnostique se différenciaient des inclus de par leur âge, en moyenne plus élevé, et la proportion de patients avec des dates identiques, en moyenne plus faible. Il pourrait s’agir de cas plus complexes à coder, avec une histoire plus compliquée qui a un impact sur la date de diagnostic.

Selon les localisations cancéreuses, les résultats ont montré que seulement 8,5% à 19% des patients présentaient des dates d’effet d’ALD correspondant exactement aux dates de diagnostic enregistrées dans les registres. En considérant qu’un diagnostic à quelques jours près, par exemple une marge de 7 jours entre les deux dates, est acceptable pour étudier la concordance entre les deux dates, le pourcentage des patients ayant une date de diagnostic proche de la date d’effet d’ALD se situerait entre 14% et 33%. Cependant, la prise en compte de cette marge doit tenir compte des objectifs recherchés. Dans notre étude, l’objectif principal était d’identifier les patients qui avaient les mêmes dates de diagnostic et d’effet d’ALD, ce qui ne nous permettait pas de prendre en compte les marges de dates dans les résultats finaux.

Parmi les patients qui présentaient des dates d’effet d’ALD différentes des dates de diagnostic, pour plus de la moitié des cas la différence n’était pas négligeable car supérieure à une semaine. Par ailleurs, plus de la moitié était mise en ALD avant la date de diagnostic enregistrée dans les registres. Des tendances similaires étaient observées lors de l’analyse selon le département de résidence des patients.

Au final, l’étude met en évidence une faible similitude entre les dates d’effet d’ALD pour cancer et les dates de diagnostic des cancers relevées dans les registres. Cette faible similitude pourrait s’expliquer par les critères de diagnostic en vigueur dans les registres et dans les caisses d’assurance maladie en matière de demande d’ALD formulée par le médecin traitant.

En effet, selon les règles de codification de la date d’incidence des cancers du réseau européen des registres de cancer 7, appliquées par les registres de cancer en France, la date d’incidence du cancer est choisie par ordre décroissant de priorité parmi les événements suivants : 1) date de la première confirmation histologique ou cytologique de malignité. Le choix de la date est fait parmi les différentes dates disponibles concernant cet examen dans l’ordre suivant : (a) date de prélèvement du spécimen, (b) date de réception de l’examen par le pathologiste, (c) date du rapport pathologique ; 2) date de la première admission dans un établissement de soin pour la pathologie maligne ; 3) si la prise en charge est uniquement ambulatoire, date de la première consultation dans le service de soins externes pour la pathologie maligne ; 4) date de diagnostic autre que les situations 1, 2 ou 3 ; 5) date du décès, s’il n’existe aucune autre information que celle qui notifie que le patient est décédé d’une pathologie cancéreuse ; 6) date du décès, si la pathologie cancéreuse est découverte lors d’une autopsie.

D’après le code de la sécurité sociale 9 et le règlement intérieur des caisses primaires d’assurance maladie 10, lorsqu’un patient est atteint d’une ALD comme le cancer, qui nécessite des soins continus et/ou un arrêt de travail d’une durée prévisible de six mois ou plus, une demande, en accord avec le patient, doit être adressée au service médical de l’Assurance maladie. Cette demande doit comporter des informations médicales pour permettre au médecin conseil d’apprécier les motifs de demande de l’ALD. L’avis du service médical est rendu en fonction des éléments médicaux figurant sur le formulaire de demande. Le médecin traitant doit mentionner sur le formulaire le diagnostic précis, confirmé par les arguments cliniques détaillés et par les résultats des examens complémentaires nécessaires motivant la demande de l’ALD et leurs dates présumées de début, ainsi que les actes et prestations concernant la maladie 11.

Les diagnostics de cancers enregistrés dans les registres reposaient principalement sur les résultats de l’histologie et/ou de la cytologie, dans 89% des cas pour le cancer colorectal, 95% des cas pour le cancer du poumon et 99% des cas pour le cancer du sein. Les prélèvements de spécimen à l’origine des résultats histologiques sont généralement réalisés en fin d’investigations diagnostiques. Contrairement au registre de cancer, la demande d’ALD, en raison probablement des objectifs de prise en charge financière des soins médicaux, repose sur des faisceaux d’arguments diagnostiques basés sur les symptômes cliniques révélateurs de la maladie et des résultats d’examens paracliniques sans ordre hiérarchique. La mise en ALD permet notamment la prise en charge financière du bilan diagnostique.

Les différences entre les critères d’enregistrement des dates de diagnostic de cancers dans les registres et les objectifs de la demande d’ALD sont probablement à l’origine de l’absence de similitude totale entre les dates de diagnostic et d’effet d’ALD pour cancer. Cette absence de similitude se traduit par l’existence de trois catégories de patients : 1) patients dont la date d’effet d’ALD précède celle du diagnostic histologique. Ils ont été mis en ALD avant la confirmation histologique du diagnostic, probablement sur la base de l’association de symptômes cliniques de la maladie et des résultats d’examens paracliniques d’imagerie ou d’endoscopie et pour permettre la prise en charge financière du bilan diagnostique ; 2) patients dont la date d’effet d’ALD est identique à celle du diagnostic enregistrée dans les registres. Chez ces patients, l’argument principal qui a motivé la mise en ALD serait basé sur les résultats de l’histologie tout comme dans les registres de cancer ; 3) patients dont la date d’effet d’ALD a suivi celle du diagnostic histologique enregistrée dans les registres de cancer. Ils ont probablement bénéficié d’une prise en charge urgente de leur maladie, en raison soit du stade avancé de la maladie soit des complications liées à celle-ci. Il peut également s’agir d’une autre ALD, accordée antérieurement au patient pour une autre maladie, qui a servi à garantir la prise en charge financière du cancer au début du diagnostic, jusqu’à la régularisation de la situation où une demande d’ALD spécifique à ce cancer est formulée par le médecin traitant et accordée par l’Assurance maladie.

Bien que cette étude ait ciblé les cancers du côlon-rectum, du poumon et du sein, les résultats observés seraient probablement similaires pour les autres types de tumeurs solides compte tenu du fait que toutes ces tumeurs suivent les mêmes règles de codification et de datation spécifiques à la demande d’ALD et à l’enregistrement de nouveaux cas de cancer dans les registres.

Conclusion

À notre connaissance, cette étude est la première à documenter la concordance entre les dates de diagnostic et de mise en ALD chez les personnes atteintes d’un cancer. Dans la majorité des cas, les patients atteints pour la première fois de cancers, du côlon-rectum, du poumon ou du sein étaient mis en ALD avant le diagnostic définitif du cancer, basé essentiellement sur les résultats histologiques positifs du prélèvement du cancer. En l’absence de règle épidémiologique stricte pour la date de mise en ALD, la date d’effet d’ALD, lorsque cette information existe, ne peut servir objectivement de « proxy » pour calculer les indicateurs de délai de prise en charge des personnes atteintes de cancers. D’autres alternatives de dates « proxy » pourraient reposer sur des dates de réalisation d’examens diagnostiques avec séjours hospitaliers, comme par exemple les endoscopies digestives ou broncho-pulmonaires, ou s’appuyer sur des travaux du réseau Redsiam (http://www.redsiam.org) en matière de repérage d’informations dans les bases médico-administratives, à des fins épidémiologiques ou de santé publique, d’autant plus que la problématique étudiée peut concerner des pathologies autres que le cancer.

Remerciements

Aux médecins conseils de l’assurance maladie de Lille et de sa zone de proximité (E. Benoît, J. Deligne, T. Destailleur, J-L. Michel), et du Tarn (A. Kostine, M-J. Costes, M-C. Lamasson, M-C. Cabanel-Gicquel, V. Thevenin-Garron).

Au Dr A. Fagot-Campagna de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés pour sa relecture.

Aux relecteurs de l’article.

Références

1 Insee. Principales causes de décès en France en 2013. http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=natfps06205
2 Biagi JJ, Raphael MJ, Mackillop WJ, Kong W, King WD, Booth CM. Association between time to initiation of adjuvant chemotherapy and survival in colorectal cancer: a systematic review and meta-analysis. JAMA. 2011;305(22):2335-42.
3 Korsgaard M, Pedersen L, Sorensen HT, Laurberg S. Delay of treatment is associated with advanced stage of rectal cancer but not of colon cancer. Cancer Detect Prev. 2006;30(4):341-6.
4 Colonna M, Mitton N, Schott AM, Remontet L, Olive F, Gomez F, et al. Joint use of epidemiological and hospital medico-administrative data to estimate prevalence. Application to French data on breast cancer. Cancer Epidemiol. 2012;36(2):116-21.
5 Uhry Z, Remontet L, Colonna M, Belot A, Grosclaude P, Mitton N, et al. Cancer incidence estimation at a district level without a national registry: a validation study for 24 cancer sites using French health insurance and registry data. Cancer Epidemiol. 2013;37(2):99-114.
7 Recommandations pour la codification de la date d’incidence. European Network of Cancer Registries. http://www.encr.eu/images/docs/recommendations/incidfra.pdf
8 Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff AS, Bossard N. Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 : tumeurs solides. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire, 2012. 122 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11619
9 Code de la sécurité sociale. Article L324-1, modifié par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 - art. 198 Qualité et coordination des soins des patients atteints d’une affection de longue durée. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000024041070&cidTexte=LEGITEXT000006073189
10 Arrêté du 19 juin 1947 fixant le règlement intérieur modèle provisoire des caisses primaires d’assurance maladie pour les services des prestations - Version consolidée au 05 août 2016. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000470499

Citer cet article

Kudjawu YC, Meunier T, Grosclaude P, Ligier K, Colonna M, Delafosse P, et al. Date de diagnostic de cancer et date d’effet d’affection de longue durée pour cancer : quelle concordance ? Bull Epidémiol Hebd. 2016;(26-27):450-6. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/26-27/2016_26-27_4.html

(1) Devenu Santé publique France en mai 2016.