Caractéristiques et facteurs de risque de consommation de produits psychoactifs au cours des relations sexuelles de patients fréquentant des lieux de dépistage ou de prise en charge du VIH et des hépatites virales dans le Sud-Est de la France en 2015

// Characteristics and risk factors associated to the consumptions of psychoactive products during sexual intercourse of patient attending HIV and viral hepatitis screening management centers in Southern France in 2015

Bernard Prouvost-Keller1,2 (prouvost-keller.b@chu-nice.fr), Alissa Naqvi1,3, Aline Joulié1, Éric Cua1,4, Christian Pradier1,2, Pierre-Marie Roger1
1 Hôpital de l’Archet 1, CHU de Nice, France
2 COREVIH Paca-Est, Hôpital de l’Archet 1, Nice France
3 CeGIDD, Département des Alpes-Maritimes, Hôpital Saint-Roch, Nice, France
4 Centre hospitalier de Cannes, France
Soumis le 24.02.2017 // Date of submission: 02.24.2017
Mots-clés : Comportement sexuel à risque | Consommation de drogues | Réduction des risques | Relation sexuelle | VIH
Keywords: Unsafe sex | Substance use | Harm reduction | Sexual intercourse | HIV

Résumé

Objectif –

Décrire la consommation de produits psychoactifs pendant les relations sexuelles et les facteurs de risque associés.

Matériel et méthodes –

En 2015, un auto-questionnaire anonyme était proposé, durant une semaine donnée, à tous les patients venus consulter dans quatre structures de dépistage/suivi du VIH et des hépatites virales des Alpes-Maritimes, sur la base du volontariat. Ce questionnaire recueillait des données sur la consommation de produits psychoactifs, leur mode d’administration, leur utilisation au cours des relations sexuelles et les prises de risques sexuels associées.

Résultats –

Parmi les 472 patients reçus, 306 avaient un questionnaire exploitable ; 110 (36%) d’entre eux avaient consommé des produits psychoactifs dans le mois précédent, dont 50 (16%) pendant des relations sexuelles. Chez ces derniers, on notait 88% d’hommes, un âge médian de 34 ans et, principalement, des homo/bisexuels (56%). Les patients déclaraient une séropositivité VIH dans 44% des cas et VHC dans 8%. Les modes de consommation à risque de produits psychoactifs concernaient 86% des personnes, leur association à l’alcool 70% et la prise d’au moins trois produits 68%. Les principaux risques sexuels associés étaient : plus d’un partenaire dans le mois (56%), l’absence de préservatif (50%) ou la sexualité en groupe (28%). En analyse multivariée, les facteurs de risque de consommation de produits psychoactifs au cours des relations sexuelles étaient l’homo/bisexualité (OR: 6,17 [2,23-19,62], p=0,001) et la prise de stimulants/amphétamines (OR: 9,02 [3,23-29,24], p<0,001). La séropositivité VIH déclarée n’était pas associée à la consommation de produits psychoactifs au cours des relations sexuelles.

Conclusion –

Nos résultats devraient permettre d’adapter les stratégies d’éducation pour la santé dans cette population, en combinant la réduction des risques sexuels et des risques liés à la consommation de produits psychoactifs.

Abstract

Background –

Describe consumption of psychoactive products during sexual intercourse and associated risk factors.

Material and methods –

In 2015, an anonymous auto-questionnaire was proposed for one week to the patients of voluntary screening/management of HIV and viral hepatitis centers in Alpes-Maritimes district (France). It questioned the consumption of psychoactive products, their modes of administration, their use during sexual intercourse, and their associated risk factors.

Results –

Among 472 patients, 306 had an exploitable questionnaire, with 110 (36%) having consumed psychoactive products in the preceding month, of whom 50 (16%) during sexual intercourse. Among them, 88% were men, median age was 34 years, and they were mainly homosexual/bisexual (56%). They reported a positive HIV status in 44% of cases, and a VHC positive status in 8%. Patterns of consumption of psychoactive products presenting risks concerned 86% of cases, alcoholic association represented 70%, and the use of at least 3 psychoactive products 68%. The main sexual risks associated to these consumptions were: more than 1 sexual partner in the month (56%), absence of condom (50%) or group sex (28%). In multivariate analysis, risk factors of consumption of psychoactive products during sexual intercourse were homosexuality/bisexuality (OR: 6.17 [2.23-19.62], p=0.001) and use of stimulant/amphetamine (OR: 9.02 [3.23‑29.24], p<0.001). Being infected by HIV was not associated with consumption of psychoactive products during sexual intercourse.

Conclusion –

Our results should help to improve health education strategies in this population by combining the reduction of sexual risks and the risks linked to the consumption of psychoactive products.

Introduction

Les consommations d’alcool et/ou de produits psychoactifs (PPA), hors tabac, au cours des relations sexuelles sont des facteurs de risque de contamination par le VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) 1,2. Ces consommations sont plus fréquentes chez les HSH, particulièrement lorsqu’ils sont séropositifs au VIH 2,3. Les PPA sont notamment utilisés par les HSH pour améliorer leurs performances sexuelles 4,5,6,7,8,9,10,11.

Le type de PPA consommés évolue : les stimulants, les drogues de synthèse, le cannabis, les produits pharmaceutiques et surtout les « nouveaux produits de synthèse » (NPS), gagnent en importance par rapport à l’héroïne 12. Les NPS forment un groupe hétérogène de substances qui imitent les effets des différents produits illicites d’accès plus difficile 13,14. Ils sont actuellement au nombre de 560, avec un accroissement important depuis 2011 : 70% des NPS décelés l’ont été dans les cinq dernières années 12,15.

Dans plusieurs études, les HSH séropositifs pour le VIH vivant en Europe ou aux États-Unis sont plus enclins à consommer des NPS que les HSH de statut inconnu ou séronégatif au VIH 9,16. Consommés en plus des PPA plus anciens, les NPS participent au développement de la poly-toxicomanie 9,17,18. À l’instar de la métamphétamine ou de la 3,4-méthylènedioxy-méthamphétamine (MDMA), les NPS les plus récents sont également consommés dans le cadre sexuel, pratique appelée « chemical sex » ou « chemsex » 19,20. Quand ces consommations sont réalisées par voie intraveineuse, on parle alors de « slam » 21.

Selon certaines études, l’usage de PPA est associé à un accroissement des prises de risques sexuels 22,23, ce qui n’est pas retrouvé dans d’autres travaux 24,25,26. Le lien entre la prise de risque sexuel et la consommation d’alcool sous forme de consommation massive (« binge drinking ») ou la prise de métamphétamine est le mieux établi, tandis qu’il paraît moins net pour les autres produits 22,27. Le nombre de produits différents consommés a également été noté comme l’un des déterminants des prises de risques sexuels chez les HSH séropositifs pour le VIH 10,16.

Des études de cohorte menées auprès des consommateurs problématiques de drogues (consommateurs d’opiacés ou sous traitement de substitution aux opiacés, consommateurs de cocaïne, de crack, d’amphétamine, et les personnes injectant les PPA) font état de taux de mortalité globaux de l’ordre de 1 à 2% par an, principalement par surdosage, mais également par infection, accident, violence ou suicide 12. Pour les NPS, les risques sont multiples, en lien avec le mode de consommation, les prises de risques sexuels ou la toxicité propre des produits 28,29,30,31. En France en 2015, l’enquête DRAMES (Décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances) a recensé 15 décès avec consommation de NPS, en forte augmentation par rapport à 2014 (4 décès) 32.

Notre travail avait pour objectif de décrire les consommations de PPA, notamment de NPS, au cours des relations sexuelles, leur association avec la prise d’alcool et les pratiques sexuelles à risque, ainsi que les déterminants de ces comportements dans une population fréquentant quatre lieux de dépistage et/ou de suivi du VIH et des hépatites virales dans les Alpes-Maritimes.

Matériel et méthodes

Cette étude descriptive porte sur les personnes ayant consommé des PPA au cours des rapports sexuels dans les quatre semaines précédant l’enquête. Elle a été réalisée au moyen d’un questionnaire anonyme auto-administré, proposé systématiquement à chaque patient venu consulter au cours d’une semaine donnée, en décembre 2015. L’étude s’est déroulée dans quatre lieux volontaires pour y participer : un service d’infectiologie d’un centre hospitalo-universitaire (CHU), un Centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) (devenu CeGIDD à compter de janvier 2016), une association d’aide aux malades et la consultation de dépistage/prise en charge du VIH d’un centre hospitalier (CH).

Le questionnaire portait sur :

les motifs de consultation, avec pour modalités de réponse : « dépistage du VIH/hépatites », « suivi du VIH/VHC », « infection sexuellement transmissible (IST) », « accident d’exposition viral (AEV) » ou « soutien » ;

l’âge ;

le genre : « homme », « femme » ou « transgenre » ;

l’orientation sexuelle : « hétérosexuel », « homosexuel » ou « bisexuel » ;

le niveau d’études : « primaire ou collège », « CAP/BEP », « Bac », « Bac +2/4 » ou « Bac +5 ou plus » ;

la source principale de revenus : « activité à temps complet ou partiel », « allocations sociales (RSA, AAH….) », « allocation chômage ou invalidité », « retraite », « autres revenus » ou « aucun revenu » ;

le type de logement : « personnel (locataire ou propriétaire) », « hébergement stable famille/amis », « logement temporaire (squat, accueil de nuit, amis) » ou « sans logement » ;

la réalisation d’un dépistage du VIH : « il y a moins d’un an », « il y a plus d’un an » ou « jamais fait » ;

la réalisation d’un dépistage du VHC : « il y a moins d’un an », « il y a plus d’un an » ou « jamais fait » ;

le statut VIH et/ou VHC déclaré pour les personnes ayant déjà fait un test de dépistage : « positif », « négatif » ou « inconnu car je ne suis pas allé chercher le résultat » ;

la vaccination contre le VHB : « oui », « non », « je ne sais pas » ou « j’ai refusé le vaccin » ;

le nombre de partenaires sexuels dans le mois écoulé : « aucun », « un seul », « de 2 à 5 », « de 6 à 10 » ou « plus de 10 » ;

les antécédents de prise de traitement pré-exposition au VIH (PrEP) ;

les PPA consommés, hors tabac et alcool, répartis en 10 groupes de produits avec plusieurs réponses possibles : « cannabis et apparentés », « cocaïne et apparentés », « cannabinoïde de synthèse », « cathinones (méphédrone et apparentés…) », « GHB/GBL », « stimulants de type amphétaminique et apparentés (MDMA, acide, ecstasy…) », « solvants nitrés inhalés (poppers…) », « calmants ou somnifères hors prescription », « hallucinogènes et apparentés (LSD, champignons, kétamine…) », « opiacés et apparentés hors prescription », et possibilité de citer d’autres PPA non répertoriés ;

la consommation concomitante des PPA avec de l’alcool : « régulièrement », « occasionnellement » ou « jamais » ;

la ou les voie(s) d’administration des PPA (plusieurs réponses possibles) : « per os », « nasale », « injectée », « fumée », « rectale » ;

la fréquence d’utilisation de ces PPA au cours des rapports sexuels quelle qu’en soit la voie d’administration : « régulièrement », « occasionnellement » ou « jamais » ;

en cas de consommation de PPA au cours des rapports sexuels, certaines pratiques sexuelles (plusieurs réponses possibles) : « utilisation du préservatif », de « sextoys », « partage de sextoys », « fist-fucking », « multipartenariat » (relations sexuelles en groupe) ;

les lieux de consommation des PPA au cours des rapports sexuels : « en soirée privée », « dans un lieu extérieur (lieu de rencontres…) », « dans un établissement (sauna, cruising bar…) », « dans un lieu autre » ou « je ne souhaite pas répondre ».

Les réponses « plus d’un partenaire sexuel dans le mois écoulé » et/ou « préservatif pas systématique » et/ou « rapports sexuels de groupe » et/ou « fist-fucking » et/ou « partage de sextoys » et/ou « antécédent de traitement PrEP » et/ou « consommation de PPA nasale ou injectée ou rectale » étaient définies comme pratiques à risque de contamination par le VIH ou le VHC.

En cas de refus du patient de répondre à l’intégralité du questionnaire, il lui était demandé de compléter un encart simplifié comprenant le lieu de passation du questionnaire, le genre, l’année de naissance, le motif de consultation et l’orientation sexuelle.

L’analyse statistique a été réalisée à l’aide des logiciels libres Epi-info 7 et R version 3.3.0. Les variables quantitatives ont été représentées sous forme de moyenne et d’écart-type, et les variables qualitatives sous forme de fréquence et de pourcentage. Les comparaisons en univarié ont été réalisées à l’aide du test du Chi2 ou du test exact de Fisher pour les variables qualitatives, et du t-test de Student pour les variables quantitatives. Les analyses multivariées ont été réalisées à l’aide de régressions logistiques afin d’identifier les facteurs associés à la variable d’intérêt. Les variables avec une p-valeur <0,20 en analyse univariée ont été utilisées pour la construction du modèle multivarié. Seules les variables toujours significativement associées à la variable d’intérêt avec une p-valeur <0,05 ont été gardées dans le modèle final. Les intervalles de confiance à 95% [IC95%] sont indiqués.

Résultats

Sur 472 personnes ayant consulté dans l’un des quatre lieux de l’étude, 344 (72,9%) ont participé : 309 (65,5%) ont rempli le questionnaire, dont 306 (64,8%) ont rendu un questionnaire exploitable (figure). La médiane d’âge était de 44 ans, avec 209 (68,3%) hommes, 91 (29,7%) femmes, 5 (1,6%) transgenres et une non réponse. On notait 173 (56,5%) hétérosexuels, 103 (33,7%) homo/bisexuels et 30 (9,8%) non répondants sur le type de sexualité. Les personnes enquêtées déclaraient être séropositives au VIH pour 157 (51,3%) d’entre elles, séronégatives pour 102 (33,3%) et de sérologie inconnue ou jamais réalisée pour 47 (15,4%). Concernant le VHC, elles étaient 41 (13,4%) à déclarer une sérologie positive, 169 (55,2%) une sérologie négative et 96 (31,4%) de sérologie inconnue ou jamais réalisée. Les motifs de consultations (plusieurs réponses possibles) étaient le suivi VIH/VHC pour 154 (50,3%) patients, le dépistage du VIH et ou des hépatites virales pour 121 (39,5%), une IST pour 36 (11,8%), un soutien pour 10 (3,3%) et un AEV pour 8 (2,6%).

Les 35 personnes ayant refusé de répondre au questionnaire ne sont pas différentes des 306 ayant accepté de le faire en ce qui concerne le lieu de consultation, le sexe, la médiane d’âge, l’orientation sexuelle et le motif de consultation.

Figure : Diagramme de flux de létude menée chez des patients consommant des produits psychoactifs (PPA) et fréquentant des lieux de dépistage ou de prise en charge du VIH et des hépatites virales dans les Alpes-Maritimes (France), 2015
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Parmi les 306 personnes ayant rendu un questionnaire exploitable, 110 (36%) avaient consommé des PPA dans les quatre dernières semaines, dont 50 (16,3%) régulièrement ou occasionnellement au cours des rapports sexuels. Pour les 50 personnes ayant déclaré avoir régulièrement ou occasionnellement consommé des PPA au cours des rapports sexuels, les données sociodémographiques, l’orientation sexuelle, les déclarations de statuts sérologiques, les PPA consommés et leur mode de consommation sont présentés dans les tableaux 1 et 2.

Les consommations de PPA au cours des rapports sexuels étaient occasionnelles pour 42 (84%) personnes et régulières pour 8 (16%). Parmi les 3 (6%) patients déclarant l’injection de PPA au cours des rapports sexuels, un seul a déclaré la pratique du « slam ».

Parmi les 50 consommateurs de PPA au cours des rapports sexuels, 28 (56%) déclaraient plus d’un partenaire sexuel dans le mois et 25 (50%) indiquaient une utilisation non systématique du préservatif. Sur le plan des pratiques sexuelles, les rapports sexuels en groupe concernaient 14 (28%) personnes, l’utilisation de sextoys 4 (8%), dont le partage pour la moitié d’entre eux, la pratique du « fist-fucking » 3 (6%). Par ailleurs, 8 (16%) des répondants avaient déjà bénéficié d’une PrEP. On retrouvait au moins une situation sexuelle à risque pour 41 (82%) des répondants.

Les lieux de consommation des PPA au cours des rapports sexuels étaient « en soirée privée » pour 25 (50%) des répondants, dans un lieu autre pour 6 (12%), dans un lieu extérieur pour 3 (6%), ou dans un établissement pour 1 (2%).

En analyse multivariée, la consommation de PPA au cours des rapports sexuels était plus fréquente chez les homo/bisexuels (odds ratio, OR: 6,17 [2,23‑19,62], p=0,001) (tableau 1) et le groupe de PPA le plus souvent consommé au cours des rapports sexuels était les stimulants/amphétamines (OR: 9,02 [3,23‑29,24], p <0,001) (tableau 2).

Tableau 1 : Facteurs sociodémographiques, sexuels et virologiques associés à la consommation de produits psychoactifs (PPA) au cours/hors des rapports sexuels dans les quatre dernières semaines chez des patients fréquentant des lieux de dépistage ou de prise en charge du VIH et des hépatites virales dans les Alpes-Maritimes (France), 2015
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Tableau 2 : Facteurs addictologiques associés à la consommation de produits psychoactifs (PPA) au cours/hors des rapports sexuels dans les quatre dernières semaines chez des patients fréquentant des lieux de dépistage ou de prise en charge du VIH et des hépatites virales dans les Alpes-Maritimes (France), 2015
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Discussion

Cette étude décrit les caractéristiques de personnes consommant des PPA au cours des rapports sexuels, rencontrées dans quatre structures de dépistage ou de prise en charge du VIH et des hépatites virales, et volontaires pour y participer. La population fréquentant chacune des structures est spécifique. Le groupe de patients étudié est donc un échantillonnage de convenance, ce qui limite les possibilités de comparaison avec d’autres travaux publiés. Le faible effectif de notre population introduit également un biais qui limite les possibilités de généralisation de nos résultats.

Parmi les consommateurs de PPA dans les quatre dernières semaines qui ont fréquenté l’une des structures, près de la moitié ont déclaré en avoir consommé au cours des rapports sexuels. Cela a concerné plus souvent les homo/bisexuels et les PPA consommés étaient plus fréquemment des stimulants/amphétamines. Les études publiées montrent une fréquence plus importante de consommation de PPA au cours des rapports sexuels par les homo/bisexuels 2,22, des consommations plus fréquentes de métamphétamine pour des motivations sexuelles 3 et des liens entre consommation de métamphétamine et prises de risques sexuels, notamment en cas d’homo/bisexualité et de séropositivité pour le VIH 2,4,33. Les études dans la population hétérosexuelle sont moins nombreuses mais évoquent également un lien entre consommation de métamphétamine et prises de risques sexuels 34.

On relève des prises de risques sexuels chez plus de 4/5 des consommateurs de PPA au cours des rapports sexuels. On retrouve également dans la littérature le relâchement des comportements de prévention en cas de consommation de PPA, ainsi qu’une transmission du VIH augmentée chez les HSH ou bisexuels consommateurs de PPA avec prises de risques sexuels 9,10. Nous n’avons pas interrogé les pratiques sexuelles chez les personnes qui consommaient des PPA en dehors des rapports sexuels. On ne peut donc éliminer que ce nombre élevé de prises de risques sexuels dans notre échantillon soit en partie dû à des rapports sexuels plus fréquents. Il reste à vérifier l’adoption de comportements adaptés aux prises de risques sexuels. Les actions de réduction des risques sexuels restent indispensables dans notre population.

En analyse univariée, le nombre de PPA différents consommés était plus important chez les patients consommant au cours des rapports sexuels que chez ceux consommant en dehors de cette situation. Dans la littérature, le nombre de produits différents consommés a été identifié comme l’un des déterminants des prises de risques sexuels chez les HSH séropositifs pour le VIH 10,16. Même si dans notre étude le nombre de produits différents consommés n’était pas un facteur explicatif indépendant de la consommation au cours des rapports sexuels, il s’agit cependant d’un facteur de prise de risques sexuels dont il faut tenir compte dans les actions de réduction des risques en direction de cette population.

Dans notre étude, près de 9/10 des consommateurs de PPA au cours des rapports sexuels déclaraient un ou des modes de consommation de PPA à risque de contamination par le VIH ou le VHC. Le mode de consommation était très majoritairement intranasal, en rapport avec le type de PPA consommé. Le mode intraveineux était relevé pour 3 personnes (6%), dont une seule a déclaré des pratiques de « slam ». La prévalence de l’injection de PPA au cours des rapports sexuels chez les HSH séropositifs au VIH varie de 1,5% à 5% selon les différentes études publiées 9,35. Notre effectif de personnes consommant par voie intraveineuse étant très faible et les pratiques questionnées et les populations étant différentes de celles d’autres études, nous pouvons simplement constater que la consommation par voie intraveineuse des PPA dans le cadre des rapports sexuels, même si elle est préoccupante, est actuellement minoritaire dans notre population. En revanche, les modes de consommation déclarés sont très majoritairement à risque. À l’instar de la réduction des risques sexuels, il est nécessaire de poursuivre la promotion de l’adoption de comportements de réduction des risques de consommation de drogues. L’intervention brève en addictologie, qui est une intervention à visée comportementale intégrée à la consultation de soins primaires, a pour but de modifier les comportements de consommation, réduire les problèmes médico-psycho-sociaux et réduire les risques liés aux prises de PPA 36. Elle pourrait se révéler pertinente et faisable, mais doit être évaluée en termes d’efficacité, notamment dans le cadre de consultations autres que celles de soins primaires 23.

Quand il y avait prise de PPA au cours de rapports sexuels, le lieu de consommation était concentré sur la sphère privée pour plus des deux tiers des personnes ayant répondu à cette question. L’enquête de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) de 2014 par Internet sur les profils et pratiques des usagers de nouveaux produits de synthèse retrouvait que 60% de ces personnes consommaient dans la sphère privée 14. Les stratégies d’approche des usagers telles que les interventions en milieu festif ou dans des lieux dédiés comme les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) doivent s’adapter à cette donnée en élaborant de nouvelles modalités d’intervention.

Le statut VIH déclaré dans notre population n’intervient pas dans la consommation de PPA au cours des rapports sexuels. Or, les données recueillies en France, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis entre 2001 et 2012 suggèrent un lien entre le statut VIH, notamment des HSH, et la consommation de PPA 9,10,16. Elles montrent que les HSH séropositifs pour le VIH sont davantage consommateurs de PPA que les HSH séronégatifs, notamment de drogues dites « récréatives » telles que le cannabis, les poppers, la cocaïne, le GHB/GBL 9. Dans notre échantillon, près d’un patient sur six déclarait ne pas avoir réalisé de dépistage ou ne pas connaître son statut vis-à-vis du VIH. Les informations que nous avons recueillies sur la sérologie VIH étant déclaratives comme dans certaines études 10, il pourrait y avoir un biais de sous-déclaration du statut VIH. De plus, près de quatre consultations sur 10 ont été réalisées pour un dépistage du VIH/VHC, ce qui peut également contribuer à une sous-estimation du nombre de personnes séropositives au VIH.

Nous avons interrogé nos patients sur l’ensemble des PPA pouvant avoir un impact sur le comportement et leur association éventuelle avec l’alcool. Certains travaux ont ce type d’approche alors que d’autres ciblent plus particulièrement des produits comme la métamphétamine ou des groupes de produits comme les NPS dans le cadre du « chemsex » 9,23. De même, pour décrire au mieux les consommations actuelles de PPA, nous avons distingué les consommations de PPA dans le mois écoulé des consommations antérieures. Les périodes de prise de PPA étudiées dans la littérature vont de la dernière prise à plus de 12 mois 9,14,16. De ce fait, les prévalences des consommations de PPA relevées, dont les NPS, sont hétérogènes. Elles sont aussi reliées aux structures sociodémographiques différentes des populations étudiées et aux moyens et lieux de recueil de données (Internet, centre de soins, milieu festif…) 12.

L’auto-questionnaire a été choisi pour éviter un biais de sous-déclaration lié au face à face avec un enquêteur, notamment sur les pratiques sexuelles et les consommations de PPA. Cela a pu induire un biais de compréhension sur l’ensemble du questionnaire, inhérent à ce type de méthodologie, qui permettrait d’expliquer en partie le taux de réponses et les données manquantes pour certaines questions.

Conclusion

La consommation de PPA au cours des rapports sexuels associée à des prises de risques sexuels et/ou liée à l’usage de drogues est importante dans notre population. Cela justifie des programmes d’éducation pour la santé associant la réduction des risques sexuels et ceux liés à l’usage de PPA. Les consultations de PrEP pourraient en être l’un des lieux privilégiés.

Remerciements

À R. Fabre, I. Perbost, V. Rio, L. Blanckeman, M. Borghi, B. Nisi, T. Mira, V. Martinez et M.L. Onimus (CHU de Nice), F. Excoffon (Association Aides et COREVIH PACA-Est, Nice), S. Bréaud et V. Dagonneau (COREVIH PACA-Est, Nice) et N. Montagne (Centre Hospitalier de Cannes).

Références

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Citer cet article

Prouvost-Keller B, Naqvi A, Joulié A, Cua E, Pradier C, Roger PM. Caractéristiques et facteurs de risque de consommation de produits psychoactifs au cours des relations sexuelles de patients fréquentant des lieux de dépistage ou de prise en charge du VIH et des hépatites virales dans le Sud-Est de la France en 2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(21):455-63. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/21/2017_21_3.html