Estimation de la morbidité et de la mortalité liées aux infections d’origine alimentaire en France métropolitaine, 2008-2013

// Estimates of food-related morbidity and mortality in metropolitan France, 2008-2013

Dieter Van Cauteren (vancauteren.dieter@hotmail.com), Yann Le Strat, Cécile Sommen, Mathias Bruyand, Mathieu Tourdjman, Nathalie Jourdan-Da Silva, Elisabeth Couturier, Nelly Fournet, Henriette De Valk, Jean-Claude Desenclos
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 21.08.2017 // Date of submission: 08.21.2017
Mots-clés : Infections d’origine alimentaire | Morbidité | Mortalité | France
Keywords: Foodborne diseases | Morbidity | Mortality | France

Résumé

L’estimation de la morbidité et de la mortalité liées aux infections d’origine alimentaire est importante pour prioriser les actions de prévention en santé publique et évaluer les risques sanitaires tout au long de la chaîne alimentaire. L’objectif de cette étude était d’estimer le nombre annuel de cas symptomatiques, de cas hospitalisés et de cas décédés pour 21 agents pathogènes (10 bactéries, 3 virus, 8 parasites) transmis à l’homme par l’alimentation, en France métropolitaine, sur la période 2008-2013.

Les résultats indiquent que la morbi-mortalité attribuable aux maladies infectieuses d’origine alimentaire reste élevée en France, avec 1,28 à 2,23 millions de cas annuels, dont 15 800 à 21 200 hospitalisations et entre 232 et 358 décès. En France, les infections à norovirus, Campylobacter spp. et Salmonella spp. représentent la majorité des cas et des hospitalisations d’origine alimentaire. Les infections à Salmonella spp. et Listeria monocytogenes représentent la moitié des décès d’origine alimentaire.

La connaissance du poids absolu et du poids relatif des infections d’origine alimentaire est utile pour l’ensemble des acteurs (pouvoirs publics et opérateurs) intervenant dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments.

Abstract

To assess the impact of foodborne infections on human health and to set priorities for surveillance, prevention and control strategies, estimates of food-related morbidity and mortality are necessary. The objective of the present study was to produce the annual number of symptomatic cases, hospitalized cases and deceased cases for 21 foodborne pathogen agents (10 bacteria, 3 viruses, 8 parasites) in metropolitan France for the 2008-2013 period.

Our findings reveal that morbidity and mortality attributed to infectious foodborne diseases remain high in France, representing 1.28-2.23 million illnesses, 15,800-21,200 hospitalizations, and 232-358 deaths. Campylobacter spp., non-typhoidal Salmonella spp. and norovirus infections accounted for the majority of all food-related illnesses and hospitalizations in France. Non-typhoidal Salmonella spp. and Listeria monocytogenes accounted for half of the burden of food-related deaths.

The knowledge of the absolute and relative burden of food-borne infections is useful for all stakeholders (public authorities and operators) involved in the field of food safety.

Introduction

Les infections d’origine alimentaire, définies par leur mode de transmission, regroupent des infections d’étiologies très diverses, impliquant un grand nombre de bactéries, de virus et de parasites 1. La majorité de ces infections sont des zoonoses, car leurs agents ont un réservoir animal à partir duquel elles peuvent être transmises à l’homme. La part de la transmission alimentaire de ces infections est variable, certaines pouvant également être transmises par d’autres voies (voie hydrique, contact de personne à personne, contact direct avec des animaux).

Dans les pays industrialisés, la sécurité des aliments est considérée comme prioritaire par les instances politiques et décisionnelles, tant pour des raisons sanitaires qu’économiques. Des moyens importants sont mis en œuvre pour la surveillance, la prévention et le contrôle de ces maladies tout au long de la chaîne alimentaire et au niveau du consommateur 2. Des estimations de la morbidité et de la mortalité attribuables aux différents agents pathogènes transmis par l’alimentation sont nécessaires pour comparer leur poids relatif et orienter les actions prioritaires à mettre en œuvre.

En France, la surveillance épidémiologique des infections d’origine alimentaire repose principalement sur deux systèmes : la déclaration obligatoire (DO) et les Centres nationaux de référence (CNR). Ces systèmes de surveillance ont pour objectifs le suivi des tendances évolutives de ces infections, la description des caractéristiques des cas et la détection des épidémies ou des phénomènes émergents. Les cas répertoriés par ces systèmes de surveillance ne constituent toutefois qu’une partie des cas réellement survenus et ils ne permettent pas à eux seuls d’estimer la morbidité et la mortalité (figure 1).

L’objectif de cet article est de présenter des estimations de la morbidité et de la mortalité des infections d’origine alimentaire en France métropolitaine pour la période 2008-2013.

Figure 1 : Pyramide de la surveillance des infections d’origine alimentaire en France, avec les mesures de morbidité et de mortalité (en rouge) et les principales sources de données (en bleu)
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Méthodes

Les estimations de morbidité et de mortalité ont été réalisées pour 21 agents pathogènes : 10 bactéries, 3 virus et 8 parasites (tableau 1). Pour chacun d’eux, les différentes sources de données disponibles ont été recensées et analysées. Les estimations de morbi-mortalité ont été obtenues par des méthodes adaptées aux sources de données retenues pour chaque agent. Tous les paramètres et sources de données retenus pour chaque agent sont détaillés dans un article paru dans Emerging Infectious Diseases 3. Pour la plupart des paramètres, une estimation basse et une estimation haute ont été définies, et une distribution bêta de moyenne m= (estimation basse + estimation haute)/2 et d’écart-type s= (estimation haute-m)/2 ont été utilisées, définies à partir de la méthode des moments. Des distributions log-normales ont été utilisées pour les paramètres dérivés de l’étude gastroentérites aiguës (GEA) en population générale de Van Cauteren et coll. 4, ainsi que pour les nombres annuels de malades hospitalisés et décédés, rapportés par les différents systèmes de surveillance. Des simulations de Monte-Carlo ont ensuite été réalisées (10 000 itérations) pour générer une distribution des probabilités de l’estimation finale. Sont présentés la valeur médiane et un intervalle de crédibilité à 90% (ICr90%), défini comme l’étendue entre le 5e et le 95e percentile de l’estimation finale.

Tableau 1 : Liste des agents pathogènes étudiés impliqués dans les infections d’origine alimentaire en France métropolitaine, 2008-2013
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Cas symptomatiques

Les sources de données et les approches utilisées pour estimer le nombre de cas symptomatiques peuvent être regroupées en trois catégories : systèmes de surveillance, enquêtes de séroprévalence, autres approches (tableau 2). Pour la plupart des agents étudiés, le nombre de cas symptomatiques a été estimé à partir du nombre de cas rapportés par la surveillance (DO/CNR) en appliquant deux facteurs multiplicateurs. Le premier facteur est lié à la sous-déclaration, afin d’estimer le nombre total de cas diagnostiqués (y compris ceux non notifiés aux systèmes de surveillance). Le deuxième facteur est lié au sous-diagnostic, afin de prendre en compte les cas symptomatiques qui n’ont pas été diagnostiqués (figure 1). Des études ont été conduites auprès des laboratoires pour estimer le facteur de sous-déclaration pour Salmonella spp. 5, Campylobacter spp. et Yersinia spp. 6. En absence de données de sous-déclaration pour Yersinia spp. et Shigella spp., les facteurs de sous-diagnostic estimés pour Campylobacter spp. et Salmonella spp. 7 ont été appliqués comme proxy pour Yersinia spp. et Shigella spp., Pour Clostridium botulinum et Listeria monocytogenes, le facteur de sous-diagnostic a été estimé, par avis d’expert, entre 80 et 100%. Pour Clostridium perfringens, Staphylococcus aureus et Bacillus cereus, les données de la DO des TIAC (toxi-infections alimentaires collectives) sont la seule source de données françaises disponible. Les données Salmonella spp. ont été utilisées comme proxy pour estimer le nombre de cas symptomatiques pour ces trois agents. Pour les virus des hépatites A (VHA) et E (VHE) et pour Toxoplasma gondii, le nombre de cas symptomatiques a été estimé à partir des données de séroprévalence. Pour Taenia saginata, l’estimation est basée sur le nombre de personnes avec un remboursement de niclosamide. Enfin, pour les norovirus et Escherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC), des données de la littérature ont été utilisées 3.

Tableau 2 : Approches utilisées pour l’estimation du nombre annuel de cas symptomatiques d’infections d’origine alimentaire en France métropolitaine, 2008-2013
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Cas hospitalisés et décédés

Le programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique (PMSI-MCO) a été la principale source de données pour estimer le nombre de cas hospitalisés et décédés pour la majorité des agents pathogènes étudiés (tableau 3). Tous les séjours hospitaliers avec une date de sortie entre janvier 2008 et décembre 2013 et comportant un code CIM-10 (Classification internationale des maladies, 10e révision) d’intérêt en diagnostic principal, relié ou associé, ont été extraits de la base PMSI-MCO et analysés 3. Les données des certificats de décès ont été explorées, mais n’ont pas été utilisées pour l’estimation de la mortalité car peu d’enregistrements contenaient des codes CIM-10 spécifiques des agents pathogènes étudiés.

Pour C. botulinum, L. monocytogenes et Echinococcus multilocularis, les estimations ont été basées sur les données de surveillance (DO/CNR). Pour B. cereus, C. perfringens, S. aureus et les norovirus, les nombres de cas hospitalisés et décédés ont été estimés indirectement, en appliquant au nombre annuel de cas symptomatiques d’origine alimentaire les proportions d’hospitalisations et de décès estimées pour une GEA d’origine infectieuse. Enfin, pour les STEC, les proportions d’hospitalisations et de décès estimées pour Salmonella spp. et Campylobacter spp. ont été utilisées comme approximations.

Tableau 3 : Approches utilisées pour l’estimation du nombre annuel de cas d’infections d’origine alimentaire hospitalisés et décédés en France métropolitaine, 2008-2013
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Proportion de transmission alimentaire

Pour plusieurs agents pathogènes (C. botulinum, C. perfringens, L. monocytogenes, S. aureus, Anisakis, Diphyllobothrium latum, Fasciola hepatica, T. saginata, Trichinella spp.), la quasi-totalité des cas publiés dans la littérature ont une origine alimentaire et la part d’origine alimentaire a été estimée à 100%. Pour la plupart des autres agents pathogènes, la proportion de transmission alimentaire a été estimée à partir des données américaines publiées en 2011 8. Des estimations plus récentes ont été utilisées pour le VHA et les norovirus 3. Un avis d’expert a été utilisé pour le VHE. La transmission hydrique n’a pas été considérée comme une transmission d’origine alimentaire dans cette étude.

Résultats

L’ensemble des agents pathogènes considérés dans cette étude est responsable chaque année, en France métropolitaine, de 4,9 millions de cas symptomatiques (ICr90%: 4,2-6,2 millions), de 42 800 hospitalisations (ICr90%: 37 536-50 863) et de 376 décès (ICr90%: 344-500). On estime que la transmission alimentaire de ces agents conduit à 1,5 million de cas (ICr90%: 1,28-2,23 millions), 17 600 hospitalisations (ICr90%: 15 793-21 159) et 256 décès (ICr90%: 232-358) (tableaux 4 à 6).

Les norovirus apparaissent responsables du plus grand nombre de cas (517 593 cas, soit 34% du nombre total de cas d’origine alimentaire) ; ils sont au 3e rang en nombre d’hospitalisations (3 447 hospitalisations, 20% du nombre total d’hospitalisations pour infection d’origine alimentaire) et au 7e en nombre de décès (8 cas décédés, 3% du nombre total de cas décédés d’origine alimentaire).

Les infections à Campylobacter spp. se classent au 2e rang en nombre de cas (392 177 cas, 26% du nombre total), en première position en nombre d’hospitalisations (5 524 hospitalisations, 31% du nombre total) et en 3e position en nombre de décès (41 cas décédés, 16% du nombre total).

Les infections à Salmonella spp. arrivent en 3e position en nombre de cas (183 002 cas, 12% du nombre total), en 2e position en nombre d’hospitalisations (4 106 hospitalisations, 24% du nombre total) et en 1ère position en nombre de décès (67 cas décédés, 26% du nombre total).

L. monocytogenes n’est pas un agent pathogène fréquent (moins de 0,1% des cas d’origine alimentaire), mais se classe 2e en nombre de décès (65 cas décédés, soit 25% du nombre total de décès d’origine alimentaire).

Parmi les agents parasitaires, T. saginata apparait comme le plus fréquent (33 006 cas d’origine alimentaire) et T. gondii comme la principale cause d’hospitalisations et de décès (601 cas hospitalisés et 22 cas d’origine alimentaire décédés) (tableaux 4 à 6).

Tableau 4 : Estimations (5%, 50% et 95% de l’estimation finale) du nombre annuel moyen de cas symptomatiques d’infections d’origine alimentaire, par agent pathogène, France métropolitaine, 2008-2013
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Tableau 5 : Estimations (5%, 50% et 95% de l’estimation finale) du nombre annuel moyen de cas hospitalisés, par agent pathogène, France métropolitaine, 2008-2013
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Tableau 6 : Estimations (5%, 50% et 95% de l’estimation finale) du nombre annuel moyen de cas décédés, par agent pathogène, France métropolitaine, 2008-2013
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Discussion

Les nombres annuels de cas symptomatiques, de cas hospitalisés et de cas décédés pour différentes infections d’origine alimentaire en France métropolitaine ont été estimés. Différentes approches et hypothèses ont été utilisées, en fonction des sources de données retenues pour chaque agent pathogène. Ces choix impactent les estimations finales et les incertitudes qui y sont associées. Ces différences doivent être prises en compte dans la comparaison des estimations du poids des différents agents pathogènes entre eux, ainsi que dans la comparaison avec les estimations réalisées dans d’autres pays industrialisés. Ces résultats ne sont pas comparables à des estimations françaises plus anciennes, basées sur les données des années 1990-2000 qui avaient permis d’estimer le nombre de cas confirmés en laboratoire pour plusieurs agents pathogènes, sans inclure les cas non diagnostiqués 9.

Le PMSI a été une importante source de données pour l’estimation des nombres de cas hospitalisés et décédés. Pour chaque agent, les données du PMSI ont été exploitées afin d’évaluer leur validité et leur utilisation éventuelle pour les estimations du nombre de cas hospitalisés. D’autres sources de données (DO, CNR, études) ont été utilisées (quand disponibles) pour comparer les tendances annuelles et mensuelles et par classe d’âge, sexe et région.

Les données du PMSI (mode de sortie=décès) ont été utilisées pour estimer le nombre de cas décédés pour la plupart des agents pathogènes. Toutefois, les décès pouvant survenir après l’hospitalisation ou en dehors de toute hospitalisation, l’estimation de la mortalité présentée dans ce travail a pu être sous-estimée. Elle a par ailleurs été réalisée sans préjuger de l’imputabilité du décès à l’agent pathogène. La non-prise en compte de l’imputabilité peut également entraîner une surestimation du nombre de cas décédés, en particulier chez les patients fragilisés par des comorbidités chez lesquels l’infection d’origine alimentaire peut n’être qu’un phénomène intercurrent contribuant peu au décès (T. gondii, L. monocytogenes). Seules des études spécifiques avec un retour au dossier médical pourraient permettre de préciser l’imputabilité des infections étudiées sur la mortalité réelle.

Outre la méthodologie et les hypothèses utilisées, ces estimations sont très dépendantes de la proportion de transmission alimentaire attribuée à chaque agent pathogène. Pour 12 agents pathogènes, des estimations américaines de cette proportion ont été utilisées. Il est possible que les habitudes alimentaires en France (consommation de produits crus ou peu cuits, produits non pasteurisés) favorisent l’exposition à certains agents et que la répartition des facteurs de risque de contamination, et donc la part de la transmission alimentaire, soit différente entre la France et les États-Unis. Les études épidémiologiques sur lesquelles se basent ces estimations peuvent également présenter des biais. Par exemple, la proportion de transmission alimentaire pourrait être surestimée pour Shigella spp. (étude cas-témoin dans laquelle la transmission alimentaire était retenue si aucune autre voie de transmission n’était documentée) 10 et sous-estimée pour T. gondii (étude cas-témoin dans laquelle seule la transmission par les kystes (viande) a été considérée) 11.

Malgré des différences méthodologiques et/ou épidémiologiques, norovirus, Campylobacter spp. et Salmonella spp. sont identifiés comme les agents les plus fréquents transmis à l’homme par l’alimentation dans les pays industrialisés 3. En France, ces trois agents représentent environ 70% de l’ensemble des cas symptomatiques et des cas hospitalisés d’origine alimentaire. Pour les norovirus, une transmission alimentaire est possible, notamment via les aliments qui peuvent être contaminés soit directement (coquillages), soit lors de leur manipulation sans précautions d’hygiène par une personne infectée. Au vu des estimations pour cet agent pathogène, il faut continuer à sensibiliser le personnel de cuisine sur le risque fécal-oral et sur le respect des bonnes pratiques d’hygiène lors de la manipulation des aliments. Au niveau familial, les règles d’hygiène doivent être respectées scrupuleusement en cas de présence d’un malade au sein du foyer 2. Pour Salmonella spp. et, dans une moindre mesure, pour Campylobacter spp., différents plans de lutte et de contrôle ont été mis en place ces dernières années à différents stades de la chaîne alimentaire (principalement en production primaire, à la transformation et au niveau de la distribution des aliments). Les estimations indiquent que ces deux bactéries doivent rester prioritaires pour la surveillance et la mise en œuvre des moyens de prévention et de contrôle.

Les agents pathogènes les plus fréquents ne sont pas nécessairement ceux provoquant les conséquences les plus sévères. Ainsi, L. monocytogenes représente moins de 0,1% des cas symptomatiques d’origine alimentaire, mais occupe le 2e rang en termes de mortalité, juste derrière Salmonella spp. La létalité élevée de la listériose et son potentiel épidémique justifient qu’elle reste également prioritaire en termes de surveillance ainsi que de moyens de prévention et de contrôle. Les infections à STEC peuvent également provoquer des manifestations plus sévères, telles que le syndrome hémolytique et urémique (SHU) chez les jeunes enfants. Des données de la littérature et les proportions d’hospitalisations et de décès estimées pour Salmonella spp. et Campylobacter spp. ont été utilisées comme proxy en l’absence d’autre source de données. Les estimations demeurent donc incertaines. Elles suggèrent cependant que ces infections ne sont pas rares en France. Des études spécifiques devraient être développées pour mieux connaître l’incidence de ces infections et déterminer si une évolution du système de surveillance est nécessaire.

Pour C. perfringens, S. aureus et B. cereus, les données de la DO des TIAC constituent la seule source disponible de données françaises. L’estimation du nombre de cas symptomatiques utilise comme approximation les données de Salmonella spp. Les proportions d’hospitalisations et de décès estimées pour une GEA ont été utilisées pour évaluer le nombre de cas hospitalisés et décédés. Ces hypothèses sont discutables et les estimations pour ces trois agents demeurent incertaines en l’absence d’autres sources de données.

Derrière ces agents, le poids du VHE apparaît considérable, avec environ 59 300 cas d’origine alimentaire, dont 500 hospitalisés et 18 décès chaque année en France. À notre connaissance, il n’existe pas d’estimations similaires dans d’autres pays. L’importance de ce virus comme agent infectieux d’origine alimentaire est de plus en plus reconnue en France 12,13. Différentes actions ont été engagées ces dernières années pour réduire le risque d’exposition alimentaire, soit par une information ciblée des populations les plus à risque, soit par une information générale du consommateur sur les bonnes pratiques de consommation (étiquetage concernant la nécessité de bien cuire les aliments à base de foie de porc cru destinés à être consommés cuits) 14. D’autres travaux pourraient être envisagés pour mieux évaluer les expositions à risque de contamination par le VHE en France et la proportion de transmission alimentaire (estimée dans cette étude, par avis d’experts, entre 75 et 100%).

T. saginata et T. gondii représentent l’essentiel de la morbi-mortalité d’origine alimentaire attribuable aux agents parasitaires présentés dans ce travail. Ce sont également les deux agents parasitaires pour lesquels il a été possible d’estimer le nombre de cas symptomatiques en population générale. Pour T. saginata, le nombre de cas peut être sous-estimé du fait d’un changement de prescription du niclosamide vers le praziquantel. Pour les autres agents parasitaires, les estimations se limitent soit au nombre de cas confirmés à partir de données d’enquêtes (Anisakis15, Diphyllobothrium16) et de surveillance (E. multilocularis), soit au nombre de cas hospitalisés obtenu à partir des données du PMSI (Echinococcus granulosus, F. hepatica, Trichinella spp.).

Notre étude, basée sur des sources de données multiples (plusieurs enquêtes ad hoc, recours à des approches par modélisation, revues de littérature, etc.), apporte des résultats actualisés sur l’impact en santé publique des différentes maladies infectieuses d’origine alimentaire, permettant aux acteurs intervenant dans le domaine de la sécurité alimentaire (pouvoirs publics et opérateurs) de les hiérarchiser. Enfin, les estimations de la morbidité d’origine alimentaire permettent d’envisager, en collaboration avec des équipes de recherche en économie de la santé, de valoriser ces résultats en termes d’impact sur la qualité de vie et d’impact économique.

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Citer cet article

Van Cauteren D, Le Strat Y, Sommen C, Bruyand M, Tourdjman M, Jourdan-Da Silva N, et al. Estimation de la morbidité et de la mortalité liées aux infections d’origine alimentaire en France métropolitaine, 2008-2013. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(1):2-10. http://invs.santepublique​france.fr/beh/2018/1/2018_1_1.html