Le tétanos en France entre 2012 et 2017

// Tetanus in France between 2012 and 2017

Denise Antona (denise.antona@santepubliquefrance.fr), Catherine Maine, Daniel Lévy-Bruhl
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 09.08.2018 // Date of submission: 08.09.2018
Mots-clés : Tétanos | Surveillance | Déclaration obligatoire
Keywords: Tetanus | Surveillance | Mandatory notification

Résumé

Introduction –

Toxi-infection aiguë grave, souvent mortelle, le tétanos peut-être prévenu par la vaccination. Les cas notifiés en France entre 2012 et 2017 sont présentés ici.

Méthodes –

En France, seuls les cas de tétanos généralisés sont à déclaration obligatoire (DO) et doivent être notifiés par les médecins aux Agences régionales de santé.

Résultats –

Au cours des années 2012 à 2017, un total de 35 cas de tétanos a été déclaré, parmi lesquels 8 sont décédés, soit une létalité de 23%. La distribution des cas est la suivante : 5 en 2012, 10 en 2013, 3 en 2014, 9 en 2015, 4 en 2016 et 4 en 2017, correspondant à une incidence des cas déclarés comprise entre 0,05 cas et 0,15 cas par million d’habitants. Les cas concernent principalement des personnes âgées (71% avaient 70 ans ou plus) et des femmes (63%). Bien que la vaccination contre le tétanos soit obligatoire en France avant l’âge de 18 mois depuis 1940, 3 cas avaient moins de 10 ans. L’incidence annuelle par sexe est comprise entre et 0,03 et 0,21 cas par million pour les femmes et entre 0,03 et 0,10 cas pour les hommes. En ce qui concerne la porte d’entrée, il s’agissait de blessures (77% des cas) et de plaies chroniques (20%). Dans 3% des cas, la porte d’entrée n’a pas été identifiée. Tous les cas dont le statut vaccinal a pu être documenté étaient non ou mal vaccinés.

Discussion –

L’ensemble de ces cas et décès auraient pu être évités par une meilleure application du calendrier de vaccination antitétanique et, en cas de plaie, par la vaccination et l’administration d’immunoglobulines spécifiques humaines selon le protocole recommandé.

Abstract

Introduction –

Tetanus is an acute severe disease induced by an exotoxin, often lethal, and can be prevented by vaccination. This paper presents an analysis of tetanus cases reported in France between 2012 and 2017.

Methods –

In France, physicians must report only generalized tetanus cases to the Regional Health Agencies.

Results –

From 2012 to 2017, 35 tetanus cases were notified among which 8 died (representing a case fatality ratio of 23%). Distribution of the cases was as follows: 5 in 2012, 10 in 2013, 3 in 2014, 9 in 2015, 4 in 2016, and 4 in 2017, with an incidence of notified cases ranging from 0.05 to 0.15 cases per million inhabitants. Cases occurred mainly in elderly people (71% were 70 years old or more) and in women (63%). Although vaccination against tetanus has been compulsory in France before 18 months of age since 1940, 3 cases were observed in children below 10 years of age. Yearly incidence by gender was respectively ranging from 0.03 to 0.21 cases per million in women and from 0.03 to 0.10 cases per million in men. As far as the context of occurrence is concerned, injuries were identified in 77% of the cases, chronic wounds in 20%, but remained unknown in 3% of the cases. All cases with vaccine documents were incompletely or not vaccinated.

Discussion –

All those cases and deaths could have been avoided, had the tetanus vaccination schedule been correctly applied, and in case of injury vaccination provided (together with immunoglobulin if needed), following current national recommendations.

Introduction

Si le tétanos reste omniprésent dans de nombreux pays en développement, il est devenu exceptionnel en France et dans les pays industrialisés. Toutefois, même si peu de cas persistent, tous sont évitables par la vaccination.

Le tétanos est une toxi-infection aiguë grave, souvent mortelle, due à une neurotoxine extrêmement puissante produite par le Clostridium tetani. Ce bacille, anaérobie Gram positif, est ubiquitaire ; il est présent occasionnellement dans le tube digestif des animaux et persiste dans les déjections animales et le sol sous forme sporulée, très résistante 1. Il pénètre dans l’organisme à l’occasion d’une plaie. Quand les conditions d’anaérobiose sont réunies, il y a germination des spores et production de toxine. Disséminée dans la circulation générale, la toxine tétanique va bloquer la libération des neuromédiateurs (glycine, GABA) et entraîner, après une incubation de 4 à 21 jours, des contractures et des spasmes. Le diagnostic de tétanos est établi sur les signes cliniques et sur le contexte (statut vaccinal défectueux, plaie). Dans la majorité des cas, les tests biologiques ne permettent pas de confirmer le diagnostic 1,2.

La maladie se présente sous trois formes : généralisée (la plus fréquente et la plus grave, 80% des cas), localisée (région anatomique proche de la plaie) ou céphalique (atteinte de l’encéphale et/ou des nerfs crâniens).

Le tétanos néo-natal a quasiment disparu des pays industrialisés à couverture vaccinale élevée, mais est encore à l’origine de nombreux cas dans les pays en développement 1,2.

Contrairement aux autres maladies à prévention vaccinale, le tétanos n’est pas à transmission interhumaine et il n’existe aucune immunité de groupe pouvant conférer une protection individuelle indirecte vis-à-vis de l’infection. De surcroît, un patient atteint de tétanos ne développera aucune immunité à la suite de l’infection. Seule une vaccination bien conduite confère une protection vis-à-vis de la maladie. La persistance de cas dans la population adulte est liée à l’absence d’entretien de l’immunité par les injections de rappels. Le vaccin, d’une efficacité et d’une innocuité très grandes, est disponible depuis 1938 3. En France, il fait partie des vaccins obligatoires du nourrisson depuis 1940 et, depuis le 1er juin 2018, il est inclus dans la liste des 11 vaccins obligatoires à administrer avant l’âge de 18 mois pour tout enfant né à partir du 1er janvier 2018 (1). Chez les nourrissons et les enfants, le calendrier vaccinal prévoit deux doses à deux mois d’intervalle dès l’âge de 2 mois, puis des rappels aux âges de 11 mois, 6 ans et entre 11 et 13 ans. Les rappels suivants sont administrés à l’âge adulte à 25, 45 et 65 ans, puis tous les 10 ans à partir de 75 ans. Pour les adultes non vaccinés, la primo-vaccination comporte deux doses à deux mois d’intervalle, avec un rappel un an après, puis administration de rappels aux âges prévus par le calendrier vaccinal en vigueur 4.

Méthodes

Le tétanos est à déclaration obligatoire (DO). La DO permet de suivre l’évolution de l’incidence de la maladie, d’en connaître les principales caractéristiques épidémiologiques et d’évaluer l’impact des mesures préventives. Les cas à déclarer sont uniquement les tétanos généralisés. La fiche de DO recueille des informations démographiques, l’évolution clinique, les circonstances de survenue et le statut vaccinal.

L’exhaustivité de la DO peut être approchée de manière indirecte en utilisant une méthode de capture-recapture à deux sources 5. Nous avons comparé le nombre de cas décédés identifiés par la DO au nombre de certificats de décès reçus par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Inserm CépiDc) sur la même période, avec en cause principale le tétanos. Cette méthode a été appliquée sur les dix dernières années pour lesquelles les données du CépiDC sont disponibles (2006-2015), puis les  résultats obtenus ont été extrapolés aux cas cliniques déclarés.

Nous présentons ici l’analyse de ces cas déclarés auprès des Agences régionales de santé (ARS) et transmis à Santé publique France au cours des années 2012 à 2017. Les taux d’incidence annuels par classe d’âge et par sexe sont présentés en taux annuels bruts et, afin d’éliminer l’effet de la différence de la structure de l’âge entre les sexes, en taux ajustés pour l’âge par standardisation directe, en prenant la population générale comme population de référence.

Résultats

Au cours de ces six années, 35 cas de tétanos ont été déclarés. Quatre cas supplémentaires ont été signalés à Mayotte chez des ressortissants Comoriens, non inclus dans l’analyse descriptive ci-après. Ces cas concernaient tous des enfants âgés de 3 à 8 ans, non vaccinés, arrivés à Mayotte depuis 2 mois à 2 ans, sauf un cas transféré de l’hôpital de Hambo (Anjouan) à celui de Mamoudzou après le début des signes. Tous ont guéri sans séquelles.

Évolution de l’incidence

Les 35 cas se répartissent ainsi : 5 en 2012, 10 en 2013, 3 en 2014, 9 en 2015, 4 en 2016 et 4 en 2017, correspondant à une incidence des cas déclarés comprise entre 0,05 cas et 0,15 cas par million d’habitants.

La figure 1 montre une diminution importante de l’incidence du tétanos de 1960 à 2006. Depuis, au cours de ces 12 dernières années, le nombre annuel de cas a varié entre 4 et 15 cas par an.

Figure 1 : Le tétanos en France de 1960 à 2017 : cas déclarés et décès annuels
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Répartition par âge et sexe

Les cas concernaient principalement des personnes âgées (25, soit 71%, ont 70 ans ou plus) et des femmes (22, soit 63%). L’âge médian des cas était de 83 ans (extrêmes : 3-94 ans), mais, fait très inhabituel, 3 cas ont été déclarés chez de jeunes garçons âgés respectivement de 3, 4 et 8 ans, tous nés en France métropolitaine.

Le taux d’incidence annuelle moyen, calculé sur les six années de surveillance, était de 0,09 cas par million d’habitants, plus élevé chez les femmes que chez les hommes (0,11 vs 0,07 par million). Les taux d’incidence par tranche d’âge et par sexe sont présentés dans le tableau 1, montrant le taux d’incidence le plus élevé chez les sujets âgés de 80 ans et plus (0,98 cas par million), principalement chez les femmes avec un taux de 1,27 par million vs 0,49 chez les hommes dans cette tranche d’âge.

Tableau 1 : Cas de tétanos déclarés et taux d’incidence annuelle moyen, par sexe et âge, France, 2012-2017
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Les taux d’incidence ajustés pour l’âge permettent de confirmer une incidence plus élevée chez les femmes, sauf pour les années 2014 et 2016 pour lesquelles, toutefois, les effectifs globaux sont très faibles, avec 3 et 4 cas respectivement (tableau 2).

Tableau 2 : Incidence du tétanos selon le sexe : comparaison des taux d’incidence annuels par million d’habitants, bruts et standardisés pour l’âge (cas déclarés), France, 2012-2017
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Distribution saisonnière

La distribution des cas dans le temps montre que 71% des cas (25/35) sont survenus entre mai et octobre.

Répartition géographique

La figure 2 représente la répartition géographique des 35 cas : 70 départements métropolitains ainsi que la Guyane n’ont déclaré aucun cas au cours de cette période. En France métropolitaine, 21 départements ont signalé 1 cas et 4 départements en ont notifié 2 (Ille-et-Vilaine, Moselle, Savoie et Deux-Sèvres) entre 2012 et 2017 ; dans les départements d’Outre-mer, la Guadeloupe et la Martinique ont notifié respectivement 1 et 2 cas, et La Réunion 3 cas.

Les 4 cas supplémentaires signalés à Mayotte, tous survenus chez des ressortissants Comoriens, n’apparaissent pas sur la carte.

Figure 2 : Distribution du nombre de cas de tétanos déclarés en France entre 2012 et 2017, selon le département de résidence des cas
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Porte d’entrée

Sur le total des cas déclarés, à une exception près, la porte d’entrée a toujours été identifiée. Il s’agissait de plaies chroniques dans 7 cas (20%) : ulcères variqueux, souillure sur plaie préexistante lors de travaux de jardinage, moignon d’amputation mal protégé. Pour les 27 autres (77%), il s’agissait de blessures, le plus souvent minimes. Les circonstances de la blessure ont été précisées dans 25 cas : blessure par du matériel souillé (13) lors de travaux de jardinage ou d’extérieur, chute avec plaie souillée par du matériel ou de la terre (9), mais aussi suite à un accident (3 : voie publique, traumatisme grave suite à une défenestration et plaie suite à une explosion de pétard).

Durée d’incubation

Pour les 22 cas où elle a pu être calculée, la durée d’incubation médiane était de 8 jours (extrêmes : 1-30 jours) ; 82% des patients (18/22) ont présenté des symptômes dans les 15 jours suivant l’inoculation.

Durée d’hospitalisation en service de réanimation

Tous ces cas ont été hospitalisés en service de réanimation médicale. Si l’on exclut les décès, la durée médiane d’hospitalisation en réanimation était de 46 jours (extrêmes : 2-85 jours, n=27). En ce qui concerne les 3 enfants, la durée de séjour en réanimation a été de 9 jours pour l’un et de 26 jours pour les deux autres.

Évolution de la maladie

L’évolution est connue pour tous les patients. Parmi eux, 8 sont décédés, soit une létalité de 23% sur le total des cas. L’âge médian des sujets décédés était de 84 ans (extrêmes : 55-93 ans), avec un délai médian de survenue du décès par rapport à la date d’hospitalisation de 21 jours (extrêmes : 2-41 jours).

Des séquelles (difficultés motrices, rétractions musculaires et autres complications ostéo-articulaires) ont été signalées pour 12 patients (34%), dont 2 des 3 enfants.

Les 15 autres patients ont guéri sans séquelles (43%).

Antécédents vaccinaux

Pour 20 patients (57%), le statut vaccinal était inconnu. Pour les 15 patients pour lesquels le statut vaccinal était renseigné, 13 étaient non vaccinés et 2 auraient eu des antécédents de vaccination : le premier, âgé de 51 ans, avait une date de dernière dose connue remontant à 27 ans, mais un nombre total de doses reçues inconnu, et pour le second, âgé de 71 ans, la vaccination n’a pas pu être documentée. En ce qui concerne les 3 enfants, celui âgé de 4 ans avait une vaccination incomplète (deux des trois doses prévues pour la primo-vaccination) et les 2 autres n’étaient pas vaccinés.

Évaluation de l’exhaustivité de la DO

La comparaison des données du CépiDC et des décès enregistrés sur la DO nous a permis de comptabiliser un total de 37 décès sur la période 2006-2015. Sur ce total, seuls 14 décès étaient identifiés par les deux sources, 8 l’étaient grâce à la DO seule et 15 étaient identifiés par le CépiDC seul. Nous pouvons, par la méthode de capture-recapture, estimer l’exhaustivité des cas de tétanos décédés et déclarés autour de 49% (22 décès connus par la DO sur un total de 45 décès estimés par la méthode capture-recapture). Ce niveau de sous-déclaration a ensuite été extrapolé à l’ensemble des cas de tétanos, en faisant l’hypothèse que la sous-déclaration des cas était au moins identique sinon plus élevée que celle des décès.

Discussion – conclusion

Alors que l’on comptait encore environ 500 cas de tétanos par an dans les années 1960, dont plus de la moitié décédait, le tétanos est devenu rare en France au fur et à mesure que la couverture vaccinale augmentait dans la population, en raison de la généralisation de la vaccination antitétanique et de son caractère obligatoire pour les nourrissons depuis 1940.

Au cours de ces dernières années, on observe une diminution puis une stabilisation de l’incidence des cas déclarés de tétanos autour de 0,30 par million d’habitants jusqu’en 2006 6,7,8. Depuis 2007, elle oscille entre 0,05 et 0,23 cas par million d’habitants, correspondant à 3 à 15 cas par an 9. Maladie à déclaration obligatoire, le tétanos est toutefois notifié en France dans moins de la moitié des cas, ce qui reste très insuffisant compte-tenu de sa gravité. La sous-déclaration des cas de tétanos est probablement encore supérieure à celle que nous avons estimée, si l’on fait l’hypothèse d’une meilleure déclaration lorsqu’il y a décès du patient. Son évaluation pourrait être affinée par une étude spécifique menée auprès des services de réanimation. En Europe de l’Ouest, seule l’Italie garde une incidence plus élevée que la France avec, en moyenne, une soixantaine de cas déclarés chaque année entre 2006 et 2015 (1 cas pour un million d’habitants) 10,11.

Comme les années précédentes, ces six années de surveillance montrent que, pour une majorité des cas, on retrouve comme porte d’entrée une blessure, le plus souvent minime. Toutefois, la part prise par les plaies chroniques n’est pas négligeable (20% des cas).

Les tranches d’âges les plus élevées de la population restent les plus affectées (71% des cas ont 70 ans et plus), principalement les femmes (63%) qui restent moins bien protégées que les hommes. Cependant, la différence d’incidence entre les sexes est désormais surtout importante dans les cohortes les plus âgées (80 ans et plus), les occasions de rattrapage vaccinal par la médecine du travail s’étant équilibrées de plus en plus entre hommes et femmes au cours des dernières décennies. Mais, fait important, 3 cas ont été notifiés chez des enfants de moins de 10 ans, tous nés et vivant en métropole.

L’analyse du statut vaccinal des cas montre qu’il s’agit de personnes mal ou non vaccinées, ou dont le statut n’a pas pu être vérifié. Pour un seul sujet âgé de 51 ans, il a pu être montré que le délai depuis son dernier rappel était de 27 ans, mais le nombre total de doses reçues était inconnu.

Quant aux 3 enfants âgés de 3 à 8 ans, l’enquête a montré une primo-vaccination incomplète à deux doses, suivie de l’absence de rappels pour l’un d’eux, et les 2 autres n’étaient pas vaccinés. Aucun n’a reçu de gammaglobulines, mais seul le plus âgé était passé dans un service d’urgences hospitalier pour une blessure au genou ayant nécessité parage et sutures. Fait grave, si ce dernier n’a pas non plus reçu de gammaglobulines, c’est en raison de la présentation d’un carnet de santé sur lequel figuraient des vaccinations à jour. L’enquête sérologique menée auprès de ce cas mais aussi auprès de sa fratrie a révélé, pour lui comme pour une sœur, l’absence d’anticorps sériques non seulement vis-à-vis du tétanos, mais aussi vis-à-vis de la diphtérie et de la poliomyélite, pathologies ciblées par une primo-vaccination obligatoire. Les 2 enfants ne souffrant par ailleurs d’aucune immunodéficience, ces résultats attestaient donc d’une absence avérée de vaccination vis-à-vis de ces trois pathologies, contredisant ainsi l’information portée par leur médecin sur leurs carnets de santé.

Si le nombre annuel de cas déclarés reste très faible, même en prenant en compte une exhaustivité de 49% de la DO, la gravité du tétanos entraîne systématiquement une hospitalisation prolongée en service de réanimation. La létalité reste élevée (23%), ainsi que la fréquence des séquelles chez les survivants (34%). Ces données devraient motiver une meilleure déclaration des cas, surtout si une sensibilisation des services de réanimation était mise en œuvre. La maladie ne conférant aucune immunité, le seul moyen de prévention contre le tétanos est la vaccination avec une politique de rappels bien conduite. La politique des rappels reste encore mal appliquée en France. Les données émanant de l’analyse des certificats de santé du 24e mois et d’enquêtes menées en milieu scolaire montrent que, si la couverture vaccinale est très bonne chez les enfants (97% à 24 mois, 96% à 6 ans, 90% à 10 ans), elle commence à diminuer dès l’adolescence (84% à 15 ans) avec déjà un moins bon respect du rappel prévu à 11-13 ans 12. Elle est insuffisante chez les adultes : ainsi, en 2002, lors d’une enquête réalisée en population générale, 88,5% des adultes interrogés déclaraient avoir été vaccinés dans leur vie, mais seules 62% des personnes enquêtées étaient à jour de leur vaccination en ayant reçu le dernier rappel contre le tétanos depuis moins de 10 ans 13. Les résultats d’une enquête plus récente (2011), menée chez les sujets âgés de plus de 65 ans, montraient que 44% d’entre eux étaient à jour de leur vaccination contre le tétanos 14. La vérification et la mise à jour du statut vaccinal des adultes par les médecins du travail et les généralistes restent donc primordiales.

À la différence des enquêtes menées en milieu scolaire, pour lesquelles l’information concernant les vaccinations est précise, recueillie sur le carnet de santé des enfants, les données obtenues par ces enquêtes pratiquées en population générale adulte sont déclaratives, plus de la moitié des personnes enquêtées ne disposant pas de document attestant de leurs vaccinations. La connaissance du statut vaccinal des adultes serait probablement très nettement améliorée si l’utilisation d’un carnet de  vaccination électronique devenait effective.

Bien que ces cas n’aient pas été inclus dans notre analyse, le signalement de 4 cas de tétanos chez des ressortissants des Comores, tous âgés de moins de 10 ans, rappelle l’existence à Mayotte d’une population migrante insuffisamment vaccinée. La vigilance auprès de ces populations migrantes et/ou précaires s’impose, tout particulièrement à Mayotte où le contexte socio-sanitaire actuel a favorisé une réduction des activités de vaccination des centres de protection maternelle et infantile de l’île, ce qui a nécessité la mise en place de campagne de vaccination ciblant les enfants.

Tous les cas et décès pourraient être évités par une meilleure application du calendrier vaccinal, de la politique des rappels antitétaniques 4 et, en cas de plaie, par la vaccination et l’administration d’immunoglobulines spécifiques humaines selon le protocole recommandé au niveau national (en fonction des caractéristiques de la plaie et de la date du dernier rappel du vaccin antitétanique) 2,3,4. II faut favoriser une politique de rappels effectués à l’occasion de toute consultation chez le médecin traitant, dont le rôle doit être d’informer sa patientèle et de souligner l’importance de cette vaccination très bien tolérée 15 (toutes les informations utiles et scientifiquement vérifiées concernant les vaccinations sont accessibles en ligne sur les sites suivants : https://vaccination-info-service.fr/ et https://www.mesvaccins.net/). Ceci permettrait d’éliminer cette pathologie, dont la létalité et la fréquence des séquelles demeurent très élevées.

Références

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15 Antona D. Tétanos : de la nécessité du maintien d’une couverture vaccinale optimale. Rev Prat Médecine générale. 2011;61(2):235-6.

Citer cet article

Antona D, Maine C, Lévy-Bruhl D. Le tétanos en France entre 2012 et 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(42):828-33. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/42/2018_42_1.html

(1) Article L3111-2 du Code de la santé publique, modifié par la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 – art. 49 (V)