Activité des associations de prévention et d’aide à distance en santé dans le domaine de la prévention du suicide

// Activity of prevention and remote support services associations in the field of suicide prevention in France

Christine Chan-Chee1 (christine.chan-chee@santepubliquefrance.fr), Fabienne Thomas1, Laetitia Chareyre1, Alain Mathiot2, Liliane Wathier3, Pascale Dupas4
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 SOS Amitié, Paris, France
3 SOS Suicide Phénix, Paris, France
4 Suicide Écoute, Paris, France
Soumis le 17.10.2018 // Date of submission: 10.17.2018
Mots-clés : Suicide | Prévention | Téléphonie santé | Aide à distance
Keywords: Suicide | Prevention | Helplines | Remote support services

Contexte

La téléphonie santé est née en 1953 à Londres avec les « Samaritans » grâce au révérend Chad Varah dans le but d’apporter une aide aux personnes désespérées ou suicidaires. En France, elle s’est développée à l’initiative d’associations. Dans le domaine de la prévention du suicide, les associations de prévention et d’aide à distance en santé (PADS) proposent une écoute empathique et sans jugement aux personnes en détresse psychologique. Les principales associations de PADS en matière de prévention du suicide en population générale sont au nombre de trois en France : SOS Amitié, SOS Suicide Phénix et Suicide Écoute. Reconnue d’utilité publique, SOS Amitié existe depuis le début des années 1960 et regroupe 50 associations en une fédération nationale. Son objectif est d’aider par l’écoute les personnes à risque suicidaire ainsi que celles souffrant d’isolement, de solitude, de souffrance psychique. SOS Suicide Phénix a été créée en 1978 et fédère sept associations réparties sur le territoire national. Suicide Écoute a été fondée en 1994 par un groupe de bénévoles déjà impliqués dans la prévention du suicide. La taille et la capacité de réception d’appels de ces associations de PADS sont très variables, allant d’une structure importante, SOS Amitié, qui regroupe plus de 1 500 bénévoles écoutants assurant une permanence téléphonique 24h/24, 7j/7, à des associations de taille plus réduite (environ 70 écoutants entre midi et minuit pour SOS Suicide Phénix et une cinquantaine d’écoutants 24h/24 pour Suicide Écoute) 1.

L’objectif commun à ces associations est de créer une interaction directe et individualisée, qui aiderait la personne à surmonter un moment difficile et à éviter un passage à l’acte suicidaire. L’anonymat et la confidentialité des échanges permettent d’aborder des sujets intimes, parfois tabous, tels que les violences subies, la maladie mentale ou les idéations suicidaires. La sortie de l’anonymat ne se fait qu’en cas de danger immédiat avec l’accord de la personne en ligne, si celle-ci est en situation de porter atteinte à sa vie de façon imminente.

À partir de 2003, la Direction générale de la santé a confié à l’Institut de prévention et d’éducation pour la santé (aujourd’hui Santé publique France) le financement et le suivi des dispositifs de téléphonie santé. Depuis 2010, un travail de réorganisation de la PADS a été engagé, avec pour objectifs majeurs de renforcer la qualité du service offert aux usagers, diversifier l’offre de service, créer un socle commun de bonnes pratiques et construire des outils collaboratifs.

Ce travail de réorganisation avec les associations a ainsi permis :

une homogénéisation et une généralisation des modalités d’évaluation des écoutants portant sur l’accueil de l’appelant, la qualité de l’écoute, la fiabilité des informations délivrées ;

un renforcement des formations initiales et continues des écoutants ;

la mise en place d’un outil informatique d’historisation permettant de réaliser des statistiques sur les données recueillies lors des entretiens et d’améliorer le pilotage de l’activité ;

l’amélioration de l’accessibilité des lignes d’écoute grâce au réacheminement des appels vers d’autres postes d’écoute régionaux (SOS Amitié, SOS Suicide Phénix) ;

une diversification des services offerts au public avec la proposition d’échanges par courriel, par SMS ou par chat ;

une labellisation (1) des dispositifs de PADS, concrétisation des démarches qualités entamées depuis 2010.

Dans le cadre de ce travail collaboratif avec les associations, le recueil des données dans l’outil d’historisation lors des entretiens rend maintenant possible l’objectivation de cette activité. Toutefois, du fait de l’anonymat des appelants, les données qui y sont collectées sont celles déclarées par les écoutants de chacune de ces associations. L’objectif de ce court article est de présenter les données recueillies en 2016 par les trois associations de PADS dans le domaine de la prévention du suicide, afin de décrire les caractéristiques des appelants et les sujets traités lors des appels et de rendre compte des facteurs associés aux pensées suicidaires chez les appelants.

Résultats

Caractéristiques des appelants

En 2016, SOS Amitié, SOS Suicide Phénix et Suicide Écoute ont respectivement traité 663 716, 2 760 et 17 809 appels. Plus de trois quarts de ces appels étaient des appels à contenu (2), soit 526 369 pour SOS Amitié, 2 413 pour SOS Suicide Phénix et 15 101 pour Suicide Écoute.

Les femmes représentaient un peu plus de la moitié des appels (53% à SOS Amitié et à Suicide Écoute, 59% à SOS Suicide Phénix). La grande majorité des appels provenaient de personnes entre 25 et 64 ans. Toutefois, la distribution des appels selon le sexe était différente en fonction de l’âge. Pour SOS Amitié, 20% des femmes appelantes avaient 65 ans et plus contre 8% des hommes ; ces pourcentages étaient respectivement de 14% et 5% pour SOS Suicide Phénix et de 9% et 2% pour Suicide Écoute. À l’inverse, 39% des hommes appelant SOS Amitié avaient entre 25 et 44 ans contre 27% des femmes ; ces pourcentages étaient respectivement de 21% et 14% à Suicide Écoute. Pour SOS Suicide Phénix, la classe d’âge des 25-44 ans représentait 30% des appels chez les hommes comme chez les femmes.

Environ 20% des appels à SOS Suicide Phénix, 40% à SOS Amitié et 47% à Suicide Écoute provenaient d’appelants réguliers (définis par les associations comme des personnes appelant plusieurs fois dans le mois, voire dans la semaine). Pour 38% des appels à SOS Suicide Phénix, 44% à SOS Amitié et 19% à Suicide Écoute, il s’agissait de nouveaux appelants. Ces derniers étaient plus jeunes que les appelants réguliers (figure 1). Les trois associations ont déclaré qu’environ 15% des appels émanaient de personnes appelant de façon périodique. Enfin, 28% des appels à SOS Suicide Phénix et 18% des appels à Suicide Écoute n’ont pu être classés par type d’appelant (régulier, nouveau ou périodique).

Figure 1 : Répartition du nombre d’appels et du type d’appelant aux associations de PADS selon la classe d’âge en 2016
Agrandir l'image

Contenus des appels

Parmi l’ensemble des appels, ceux concernant directement la problématique du suicide étaient de 3% pour SOS Amitié, soit environ 15 700 appels, 33% pour SOS Suicide Phénix (environ 800 appels) et 20% pour Suicide Écoute (environ 3 000 appels). Bien que le mot suicide figure dans le nom de ces deux dernières associations, tous les appels ne concernaient pas la problématique du suicide.

Dans l’outil d’historisation, les thèmes ont été uniformisés pour SOS Suicide Phénix et Suicide Écoute, afin d’optimiser les analyses statistiques. Les situations ou causes les plus souvent évoquées lors des appels à ces deux associations concernant la problématique suicidaire étaient la dépression et les maladies psychiques, la solitude, les difficultés relationnelles et les ruptures affectives (figure 2a et 2b). À noter que pour SOS Suicide Phénix, les abus sexuels dans l’enfance ont été évoqués dans près de 4% des appels pour idées suicidaires. Les appels à SOS Amitié concernant la problématique suicidaire évoquaient le plus souvent la dépression et le burnout, la solitude, les difficultés familiales, la souffrance physique, les violences sexuelles et physiques et le harcèlement (figure 2c). L’angoisse était plus souvent notée par les écoutants de Suicide Écoute (9% des appels pour idées suicidaires) que par les écoutants de SOS Amitié ou de SOS Suicide Phénix (respectivement 6% et 2% des appels pour idées suicidaires). Dans les autres appels à SOS Amitié, la solitude de l’appelant était très présente (40% des appels) contre 15% à Suicide Écoute et 12% à SOS Suicide Phénix.

Figure 2 : Répartition des thématiques abordées lors d’appels aux associations de PADS en 2016
Agrandir l'image

Conclusion et perspectives

Ces quelques données montrent l’importante activité des associations de PADS dans le domaine de l’écoute et de la prévention du suicide. Une évolution de l’outil d’historisation est en cours pour mieux connaître la prise en charge proposée (notamment la proposition d’appel des secours) aux personnes qui évoquent une tentative de suicide en cours au moment de l’appel.

Par ailleurs, avant de procéder à une évaluation de l’impact de ces dispositifs de PADS en termes de prévention du suicide, un nouveau travail a été engagé avec ces associations. En effet, il nous faut réfléchir au préalable à une méthode d’évaluation qui tienne compte à la fois de l’anonymat des appels ainsi que de la spécificité des appels de personnes en détresse psychologique.

Références

1 Observatoire national du suicide. Suicide : connaître pour prévenir. Dimensions nationales, locales et associatives. 2e rapport / février 2016. Paris: ONS; 2016. 481 p. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2e_rapport_de_l_
observatoire_national_du_suicide.pdf

Citer cet article

Chan-Chee C, Thomas F, Chareyre L, Mathiot A, Wathier L, Dupas P. Focus. Activité des associations de prévention et aide à distance en santé dans le domaine de la prévention du suicide. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(3-4):“Activité des associations de prévention et d’aide à distance en santé dans le domaine de la prévention du suicide”, page 83-6. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2019/3-4/2019_3-4_7.html

(2) Appels qui donnent lieu à des entretiens, à la différence des appels de plaisantins, appels muets ou erreurs.